Réforme de l’Etat : L’ère des managers de la fonction publique

Avec plus de six mois de retard, Edouard Philippe a dévoilé le lundi 29 octobre 2018 des annonces « transversales » sur la réforme de l’Etat. Le rapport CAP 22 qui avait fuité dans la presse au cours de l’été laissait déjà augurer des pistes de réformes.


Si l’intégralité de ce dernier n’a pas été conservée, l’état d’esprit de la réforme demeure dans la continuité de ce qui était prévu, avec pour objectifs d’atteindre les 3% de déficit public autorisés par la commission européenne et une diminution de 50 000 postes d’agents publics d’Etat à l’horizon 2022.

Les trois quarts des recommandations du rapport CAP 22 sont conservées, notamment sur les questions posées par l’audiovisuel public, le fonctionnement du système de santé ou encore l’administration fiscale. La digitalisation des services occupe une grande place dans cette feuille de route. Il est envisagé que 100% des services publics soient dématérialisés d’ici 2022 en rendant la plupart des services accessibles depuis internet, comme par exemple la possibilité d’inscrire son enfant dans un établissement scolaire. Si la possibilité d’effectuer des démarches par internet n’est pas en soi une mauvaise chose, c’est quand elle devient un moyen de substitution à une présence de moyens humains sur le terrain que cela pose problème.

En effet, en janvier 2018, 88% des Français avaient accès à internet, soit 57,29 millions de personnes. Cependant, que dire aux 12% restants qui, s’ils se trouvent en zone blanche où les handicaps sont cumulés, ne pourront pas non plus avoir aisément accès à des formalités pourtant nécessaires ?

La place croissante du contractuel dans la fonction publique

Le recours aux contractuels dans la fonction publique, pratique qui se développe depuis plusieurs années mais toujours de manière strictement encadrée, tendrait maintenant à se généraliser. Cette mesure a des implications fortes, tant dans sa portée symbolique que pour les conditions d’exercice des acteurs de la fonction publique, et suscite la peur des syndicats professionnels. Bercy a donc tempéré cette proposition en évoquant une « extension très large de la possibilité de recourir aux contrats ». À cela s’ajoute la place croissante des « indicateurs d’efficacité » des services de proximité notamment pour évaluer les caisses de sécurité sociale ou encore les consulats.

Selon un rapport de décembre 2017 publié par France Stratégie, la France possède 90 emplois publics pour 1000 habitants ; soit, selon les chiffres officiels les plus récents, 5,5 millions de fonctionnaires (2014). La volonté de diminuer le nombre de fonctionnaires constitue une tendance de fond depuis plusieurs quinquennats, quoique légèrement freinée lorsque François Hollande était à la tête de l’Etat. L’introduction et la place croissante du contractuel dans la fonction publique réduisent la capacité de la fonction publique à avoir des gens qui travaillent pour elle dans la durée.

Plus encore, la contractualisation constitue une rupture historique dans la définition même de ce qu’est la fonction publique. L’assouplissement du statut constituerait un moyen pour le gouvernement de simplifier les instances représentatives du personnel, de renforcer l’évaluation des agents et de développer la rémunération sur la base du mérite. En 2014, la CGT avait estimé la part d’agents sous contrat à 17,3%, soit 940 000 personnes. Si cette dynamique se renforce et s’accompagne d’une modification du rôle et de la conception de ce qu’est un agent, c’est finalement le statut général de la fonction publique dont les bases furent édifiées en 1946 qui se voit intrinsèquement remis en cause.

S’il faut concéder que ce statut a déjà connu des évolutions, notamment dans les années 1980 avec la loi du 13 juillet 1983 qui porte les « droits et obligations des fonctionnaires » ou encore celle du 11 janvier 1984 qui définit le statut des fonctionnaires des collectivités territoriales (rendant dès lors possible la décentralisation), les trois fonctions publiques ont encore pour point commun une situation légale et réglementaire.

Cette spécificité réside essentiellement dans le fait que la situation salariale des fonctionnaires n’est pas régie par un contrat passé avec un employeur comme cela est le cas dans le secteur privé. Sauf exception, il est interdit de déroger au statut général, et cette dérogation est rendue possible en consultant le Conseil supérieur de la fonction publique de l’État. Aussi, dans les modalités mêmes du recrutement, qui ont toujours été relativement préservées, c’est un changement de paradigme profond qui s’impose et s’assume.

À cela s’ajoute une rémunération au mérite pour dépasser la rémunération basée sur l’ancienneté. Cela permettrait de distinguer les fonctionnaires les plus efficaces et méritants des autres. Dans Le Parisien, le ministère a précisé que la rémunération au mérite sera « pour tous » et qu’elle « reposera sur les évaluations faites par les managers ».

Ces mesures qui consistent à demander plus d'”efficacité” aux acteurs sans pour autant leur concéder davantage de moyens entraînent une pressurisation de ces personnes qui se savent évaluées constamment. La rémunération au mérite objective l’efficacité et classe en distinguant également les bons et loyaux acteurs des autres.

Ces acteurs deviennent les rouages d’une superstructure sans marge de manœuvre et sont dépossédés de leur savoir-faire puisque l’intérêt principal devient celui de l’efficacité et de la reconnaissance de cette dernière.

Ces bouleversements mettent en place ce qu’Albert W. Tucker avait défini comme le dilemme du prisonnier : la reconnaissance des uns se fait sur l’objectivation de performances, elle classe des acteurs qui occupent initialement une place équivalente. Aussi, en poussant à mieux faire deux acteurs qui se placent dès lors en concurrence, on ne sait pas ce que fera l’autre mais il y a fort à parier qu’il souscrira aux objectifs que lui a assigné son supérieur. Ainsi, pour éviter la sanction qui serait ici l’absence de reconnaissance de mérite, on souscrit aux recommandations dont on est la cible, ce qui génère de la mise en concurrence d’acteurs qui ne s’y étaient auparavant pas soumis.

Des plans de départ volontaires seront également mis en place. Gérald Darmanin avait déjà évoqué cette possibilité en février 2018, ce qui avait suscité la colère des syndicats. Il a maintenu l’expression en indiquant qu’ils pourraient « rester » ou « partir » avec « 24 mois de salaire » et « la possibilité de toucher le chômage ». Force Ouvrière en la personne de Christian Grolier et l’UNSA par le biais de Luc Farré ont remis en cause cette proposition, invoquant la dimension éminemment budgétaire de cette mesure, ou encore le fait que l’indemnité de départ volontaire existait déjà, reléguant ainsi cette proposition à de la simple communication.

Vers un État à l’anglaise, avec peu de fonctionnaires de catégorie A ?

Le 12 décembre 2018 va être organisée une « convention des managers publics » qui regroupe des préfets, des recteurs, des chefs d’administrations centrales ou encore des directeurs d’agences régionales de santé.

Plus largement, c’est la question même de la cohérence de l’action gouvernementale qui se pose : en effet, la suppression d’effectifs dans les collectivités territoriales ne va pas de paire avec l’ajout de compétences au niveau central.

Au contraire, les collectivités se trouvent asphyxiées dans un contexte de baisse des effectifs. Aussi, c’est un État à l’anglaise avec peu de fonctionnaires de catégorie A qui se profile, ce qui aura des implications lourdes en ce qui concerne la conception des politiques publiques. Au Royaume-Uni, les services de l’État sont en effet assurés par les ministères et les agences. Les fonctionnaires ne correspondent qu’à 10% des agents publics et les autres sont employés sur une base contractuelle et soumis à la législation du travail de droit commun. Les conditions d’emploi sont dès lors très variables et flexibles. C’est vers ce modèle que tend aujourd’hui la France : la définition et la conception des politiques publiques migre en effet vers des agences indépendantes. C’est donc l’État qui se trouve privatisé et qui se trouve empêché d’exercer ses prérogatives du fait de contraintes budgétaires.

Pour aller plus loin : Que contient l’inquiétant rapport Cap 22 ?

Que contient l’inquiétant rapport Cap 22 ?

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©Maureen

« Ça coûte un pognon de dingue » aurait pu être le sous-titre du rapport Cap 22 sorti dans une indifférence quasi générale à l’heure où l’affaire Benalla focalise l’attention des Français, des journalistes et des organisations politiques. Pourtant, ce rapport, saturé par la terminologie managériale, s’inscrit dans une logique néolibérale et correspond à une véritable feuille de route pour le reste du quinquennat.


C’est le syndicat Solidaires-Finances publiques qui a publié le rapport du Comité action publique 2022 le vendredi 20 juillet. Fort de ses 152 pages, le document longtemps maintenu secret a pour sous-titre « service public, se réinventer pour mieux servir ». Il contient 22 mesures qui ont pour objectif de permettre de réaliser d’ici à l’année 2022 une trentaine de milliards d’euros d’économies. Ce rapport avait été commandé par le premier ministre à l’automne dernier, avait déjà été retoqué, car jugé trop timoré par le gouvernement.

Des réformes dans la lignée du New Public Management

Ces réformes préconisées de l’action publique répondent à une logique néolibérale et s’inscrivent dans projet « cohérent » afin de « restreindre le périmètre de l’action étatique » comme l’explique François Denord. La culture gestionnaire prime sur les réformes nationales en trouvant pour fondement et justification les présupposés bien connus de la rentabilité et de l’efficacité.

Les acteurs, qu’il s’agisse des fonctionnaires ou des usagers, sont mobilisés en tant qu’entrepreneurs : il s’agit de donner davantage de “liberté” aux directeurs d’écoles, de donner aux chômeurs des chèques en vue de leur réinsertion et de leur formation. Dans la dynamique du New Public Management, paradigme d’action publique mis en pratique par Reagan et Thatcher, les problèmes de moyens deviennent des problèmes d’organisation. La focale est ainsi déplacée et permet de faire abstraction des finalités antérieures des institutions pour s’en remettre à des objectifs quantifiés.

Si ce rapport n’engage pas le gouvernement, ses préconisations se situent dans la lignée du programme du président lorsqu’il était candidat. Il s’était notamment engagé à supprimer 120 000 postes de fonctionnaires et à économiser 15 milliards d’euros sur le fonctionnement de l’Assurance Maladie. Ce rapport brise également certains tabous, comme la question des frais d’inscription à l’Université.

Le comité présidé entre autres par Frédéric Mion, directeur de Sciences Po Paris, comptait en son sein des macronistes de la première heure comme Jean Pisani-Ferry, Laurent Bigorne ou Philippe Aghion, parmi la quarantaine de membres, qu’ils soient économistes, élus ou issus des services public et privé. Selon eux, la dépense publique n’est plus soutenable et l’objectif à atteindre est celui de la moyenne européenne, soit 47,1% du PIB alors que la France est aujourd’hui à 56,9%. L’Allemagne est d’ailleurs mentionnée en exemple, ses dépenses s’élevant à 43,9% du PIB.

“À la terminologie managériale s’ajoutent des formules vides de sens.”

Dès l’introduction, les rédacteurs évoquent des « verrous qui freinent la transformation publique ». Dans le rapport, les agents publics deviennent « managers ». « Nous encourageons un modèle dans lequel l’innovation, la prise de risque seront valorisés, encouragés, soutenus » écrivent-ils quelques lignes plus bas. À cette vision du monde s’ajoute une volonté de personnaliser et d’adapter les services en développant particulièrement ceux qui constituent des « investissements sur l’avenir ».

Ces talents seront gratifiés en connaissant une valorisation financière et en étant promus en interne. Les « fonctionnaires » ou « agents » sont ainsi totalement évacués pour laisser place à une nouvelle terminologie qui valorise les acteurs, les initiatives et parviendrait à en faire oublier les statuts et cadres existants.

Tant sur la forme que sur le fond, ce rapport correspond à la mise en application du New Public Management qui existe déjà dans les pays anglo-saxons ou dans certains pays européens comme la Suède depuis les années 1990. À la terminologie managériale s’ajoutent des formules vides de sens comme l’« activation des forces vives présentes sur le territoire » quand il s’agit de l’École. Le leitmotiv est le suivant : faire mieux en dépensant moins.

Tour d’horizon des propositions

Il suggère des réformes dans le domaine des fonctionnaires, de la santé, des prestations sociales, de la justice, de l’éducation, des transports, de la fiscalité, du logement ou encore de l’emploi et ce, en vue de « bâtir un nouveau contrat social ». La transformation passe par une évaluation régulière des services afin de vérifier leur « efficacité » comme l’explique la proposition 20.

Une grande partie des économies à effectuer pèse sur les fonctionnaires. Il s’agit notamment de passer d’un « pilotage des effectifs à un pilotage par masse salariale », en d’autres termes d’annualiser les services des agents. Pour en arriver à ce résultat, il faut remettre en question les règles de l’avancement.

“À terme, plus de flexibilité pour ce nouveau corps et une mise sous pression des professeurs recrutés par la voie classique.”

Il est préconisé « d’assouplir le statut pour offrir la possibilité d’évolutions différenciées, notamment des rémunérations » et « d’élargir le recours au contrat de droit privé comme voie « normale » d’accès à certaines fonctions du service public ».

Pour ce qui est de l’École, le rapport a pour objectifs de « réduire les inégalités » et de « placer la France dans les 10 meilleurs systèmes éducatifs mondiaux ». Il est en fait surtout question des enseignants plus que de l’enseignement à proprement parler. Là encore ressurgit la logique managériale du rapport. Les établissements seront évalués afin d’être responsabilisés et les chefs d’établissement auront davantage de “liberté” afin de constituer leur équipe pédagogique.

Un nouveau corps d’enseignants recrutés « sur la base du volontariat » est envisagé. Si leur rémunération sera plus élevée, ce corps pourra « se substituer progressivement à celui de professeur certifié ». À terme, plus de flexibilité pour ce nouveau corps et une mise sous pression des professeurs recrutés par la voie classique. Là encore, le numérique occupe une grande place puisqu’il « constitue une solution temporaire pour assurer des formations de remplacement en cas d’absence d’un enseignant ».

Pour ce qui est de l’enseignement supérieur, on retrouve la même logique d’évaluation. Augmenter l’autonomie des universités est également suggéré. Cela passe par l’augmentation des « ressources propres » : « davantage recourir aux financements européens » par le biais d’appels à projets, le « transfert du patrimoine immobilier de l’État vers les universités ». Le troisième point est évoqué de manière prudente mais figure dans les préconisations : « lancer une réflexion sur les autres ressources propres susceptibles d’être utilisées, y compris les droits d’inscription à l’université ».

La responsabilisation des individus se fait également ressentir avec la question du chômage. La 10ème proposition s’intitule « mettre le demandeur d’emploi en capacité de construire sa recherche d’emploi ».

“Une telle mesure fait penser à ce qui se pratique déjà aux États-Unis, où la première question posée aux patients n’est plus “De quoi souffrez-vous ?” mais “Avez-vous votre carte bancaire ?””

Pour la santé, les problèmes mis en avant sont notamment ceux des « délais d’attente », de « l’engorgement des urgences des hôpitaux », le « renoncement aux soins » et « l’épuisement des professionnels ». Ces éléments sont régulièrement pointés du doigt par ceux qui conçoivent les politiques publiques : la durée moyenne de séjour est ainsi un indicateur mondial promu par l’OCDE pour évaluer la performance des systèmes de santé publique.

Concernant les hôpitaux, Nicolas Belorgey montre dans L’hôpital sous pression, enquête sur le « nouveau management public » que le postulat du défaut d’organisation des hôpitaux permet de détourner le regard des ressources qui existent. En ce sens, le rapport Cap 22 part du principe que l’on peut obtenir de meilleurs résultats sans donner davantage de moyens et qu’au contraire des économies sont possibles. Il postule que bien soigner en allant plus vite n’est pas contradictoire, en témoigne le développement suggéré du recours à la médecine ambulatoire.

Les soins des médecins ou infirmiers qui ne seraient pas « inscrits dans un système de coordination entre les acteurs » ne seraient plus remboursés. Le paiement à l’entrée de l’hôpital pour améliorer le recouvrement est également préconisé afin de « simplifier la vie de l’usager ». Une telle mesure fait penser à ce qui se pratique déjà aux États-Unis, où la première question posée aux patients n’est plus “De quoi souffrez-vous ?” mais “Avez-vous votre carte bancaire ?”

Le développement de la télémédecine pour les citoyens vivant dans des déserts médicaux est proposé. À cela s’ajoute un recours accru à la médecine ambulatoire. Au total, les réformes dans le domaine de la santé permettront 55 milliards d’euros d’économies. Les minima sociaux seraient quant à eux regroupés en une « allocation sociale unique ». Les allocations familiales seraient enfin distribuées « sous condition de ressources ».

La justice sera rendue « plus efficace » avec l’instauration d’un « arrêt domiciliaire » comme peine autonome, au lieu de la détention provisoire. L’objectif est là encore de gagner en efficacité en partant du principe qu’il y a une « inadéquation » entre les moyens déployés et les attentes des usagers. Les outils numériques sont un premier moyen de rendre la justice plus efficace. Pour ce qui est de la détention, l’enjeu est de lutter contre la surpopulation carcérale.

“Faire payer directement l’usage de certains services publics deviendrait de plus en plus fréquent.”

Comme « la construction de nouveaux établissements pénitentiaires demande des délais et des budgets importants », des moyens alternatifs sont envisagés, comme le développement du port du bracelet électronique. En effet, une journée de détention coûte 100 € contre 10 € pour le bracelet. Encore une fois, si la sortie du tout carcéral est une solution régulièrement avancée par des spécialistes, pour des questions de réinsertion notamment, le rapport n’évoque même pas ces enjeux, se cantonnant à une volonté de gagner en efficacité et à économiser.

Le quatrième volet du document s’intitule « éviter les dépenses publiques inutiles ». Cela passe notamment par le renoncement de l’État aux compétences décentralisées. Un nombre important de compétences seront transférées aux intercommunalités et aux régions. L’École constituait le dernier bastion de l’action publique locale et de proximité. Elle serait désormais du ressort des intercommunalités. Il s’agit là de territorialiser l’action publique en donnant une large place aux initiatives et au travail par réseau.

Faire payer directement l’usage de certains services publics deviendrait de plus en plus fréquent. Un péage urbain est proposé dans les métropoles et sera modulé en fonction du niveau de pollution de la voiture.

Rien de nouveau sous le soleil européen

Le rapport oscille entre lieux communs et vieilles propositions déjà portées par Les Républicains notamment. Le pays européen qui est allé le plus loin dans cette dynamique de gestion managériale est la Suède. Il est par exemple passé d’un système étatique centralisé à une décentralisation totale pour faire du personnel éducatif des employés communaux.

“Les réformes que laissent présager ce rapport, si elles ne sont pas nouvelles, sont encouragées par un contexte plus large soutenu par le président.”

À cela s’ajoute la liberté totale des directeurs d’établissements. Cependant, le pays est aujourd’hui à la traîne dans les évaluations PISA et l’OCDE pointe du doigt la faiblesse du niveau des élèves. En effet, avec la destruction du statut des enseignants, le pays doit faire face à une crise de recrutement de grande ampleur ce qui le contraint à se tourner vers des personnels moins qualifiés comme l’a montré le rapport Improving Schools in Sweden : an OECD Perspective. Ce rapport suggérait notamment un retour vers le national pour mettre en place une stratégie d’amélioration du système scolaire, allant totalement à l’encontre des réformes mises en place depuis les années 1990.

C’est aujourd’hui dans cette direction que s’oriente pourtant la France, plusieurs années après des pays qui ont fait les frais de ces réformes. Cette doxa managériale façonne très largement les orientations et traités communautaires. Ainsi, l’Union européenne induit de telles réformes du fait des valeurs et normes qu’elle véhicule et des contraintes qu’elle est en mesure d’imposer. Les réformes que laissent présager ce rapport, si elles ne sont pas nouvelles, sont encouragées par un contexte plus large soutenu par le président. Les classements comme ceux de l’OCDE ou les études d’Eurostat constituent tant un objectif qu’un prétexte pour le gouvernement. Les transferts de pouvoir que suggèrent ce rapport sont ainsi cohérents avec un projet plus large, dont l’inefficacité et les effets pervers ont déjà été prouvés.

 

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