« Les métiers du lien sont incompatibles avec la pression à l’immédiateté » – Entretien avec Vincent Jarousseau

Vincent Jarousseau est l’auteur de l’ouvrage Les femmes du lien, un roman-photo documentaire consacré aux travailleuses du soin : Valérie, technicienne d’intervention sociale et familiale (TISF), Marie-Basile, aide à domicile ou encore Marie-Claude, aide-soignante. Ces métiers, que la crise sanitaire a permis de rendre plus visibles, restent cependant mal connus, souvent dévalorisés et trop peu soutenus par les responsables politiques. Pourtant, comme le montre Vincent Jarousseau, ces femmes du lien sont au coeur des enjeux sociaux, sanitaires et écologiques auxquels nos sociétés contemporaines sont confrontées. Un livre hommage, qui retrace plusieurs récits de vie et nous invite à actualiser nos imaginaires collectifs.

Le Vent Se Lève – Selon vous, la crise sanitaire a dévoilé l’émergence d’une nouvelle classe ouvrière. Comment la définiriez-vous ?

Vincent Jarousseau – Pendant le premier confinement, c’est-à-dire au tout début de la crise sanitaire, environ 35% des salariés ont continué de travailler. Parmi ces travailleurs essentiels, une grande partie appartenait à la classe dite « servicielle », masculine et féminine. Je désigne par là le backoffice de la société, qui assurait les tâches indispensables pendant que nous étions confinés : les métiers du soin, de la santé et du médico-social au sens large, le secteur du ménage, de la grande distribution, du tri, du transport et enfin, toute la « petite fonction publique » (les policiers, les pompiers, les agents EDF). Toutes ces personnes assurent le fonctionnement courant de la société. La crise sanitaire, mais également, plus tôt, le mouvement des gilet jaunes, ont permis de rendre visible cette nouvelle classe ouvrière. Cela fait dix ans que j’effectue un travail de documentation sur les classes populaires et je remarque qu’il y a une surreprésentation de ces métiers essentiels dans ces milieux.

Dans les milieux ruraux, les femmes du lien ont une véritable centralité sociale. Ce sont elles qui tiennent les campagnes, et d’une certaine manière, se substituent à des services publics très affaiblis.

Quand j’ai réfléchi à ce projet, il était important pour moi de définir les zones géographiques et les professions à étudier, de me fixer des contraintes. Si j’avais travaillé sur une seule zone, je n’aurais pas pu représenter de façon large ces professions. Par exemple, en milieu rural – dans des territoires enclavés où restent, la plupart du temps, les personnes qui n’ont pas fait d’études supérieures – les professions du lien sont occupées par les « femmes du coin ». Ce sont des femmes très ancrées dans leur territoire, à la fois par la profession qu’elles exercent mais aussi par le rôle social qu’elles jouent auprès de leur famille et de l’ensemble des habitants. On comprend dans le récit de certaines de ces femmes, qu’elle ont également un rôle d’aidant auprès de leurs parents. Les hommes, au contraire, sont souvent amenés à travailler plus loin, dans les métiers de la route, dans le petit BTP. Contrairement aux femmes, ils ne sont pas présents en permanence dans le territoire. Dans les milieux ruraux, les femmes du lien ont une véritable centralité sociale. Ce sont elles qui tiennent les campagnes, et d’une certaine manière, se substituent à des services publics très affaiblis.

En milieu urbain, les femmes du lien sont invisibles. Elles passent un peu comme des ombres et se fondent dans la masse.

À l’inverse, si l’on prend la région parisienne ou les grandes métropoles françaises, plus de la moitié des salariés dans les professions du lien sont nés à l’étranger, principalement en Afrique et en Amérique du Sud. En milieu urbain, les femmes du lien sont invisibles. Elles passent un peu comme des ombres et se fondent dans la masse. On les voit dans les transports en commun sans finalement les connaître, comme Marie-Basile, qui est mère célibataire et qui passe plusieurs heures par jour dans le métro pour se rendre sur son – ou plutôt ses – lieux de travail. C’était très important pour moi de la suivre et de montrer ces longs trajets quotidiens.

LVSL – En quoi cette « nouvelle classe ouvrière » se différencie-t-elle de la classe ouvrière telle que nous la définissions au siècle dernier ?

V. J. – Je dirais que la grande différence se situe dans le rapport au collectif. Tous ces métiers du lien que j’ai voulu montrer dans mon livre (auxiliaires de vie, assistantes familiales, assistantes maternelles ou encore aides soignantes) sont des métiers qui s’exercent de façon très solitaire. Le travail d’une AES (accompagnante éducative et sociale) en Ehpad consiste à aller de chambre en chambre, de pénétrer dans l’espace privé des personnes âgées, avec toutes les précautions que cela implique. La plupart du temps, ces déplacements se font seul, car il n’y a pas assez de personnel pour exécuter ces tâches à deux. La charge de travail est telle que l’on n’a pas le temps de se disperser.

C’est également un secteur très morcelé. Une aide à domicile sur deux en France travaille à son propre compte et est payée avec des CESU (chèques emploi-service). Les autres sont employées soit dans des associations à but non-lucratif, soit dans des entreprises privées à but lucratif. Dans ces deux cas, elles dépendent des départements – et non de l’État -, ce qui explique le morcellement du secteur. Il est donc très compliqué pour les aides à domicile de se mettre en grève, car leur travail ne les amène pas à se rencontrer. Comme me l’expliquaient les femmes grévistes d’une filiale du groupe d’Orpea à Caen, la première barrière au regroupement et à la lutte collective, c’est qu’elles ne se connaissent pas entre elles. La situation est similaire dans l’ensemble des métiers médico-sociaux.

Les médecins doivent prioriser les patients selon leur degré de dépendance. Ils en sont réduits à faire du tri entre bénéficiaires, comme aux urgences.

LVSL – Toutes les femmes que vous suivez au cours de votre reportage évoquent, au sujet de la crise sanitaire, à la fois les difficultés inédites – et parfois durables – qu’elles ont dû supporter et le coup de projecteur que cette crise a permis de mettre sur ces métiers essentiels. Diriez-vous que votre ouvrage s’inscrit dans un moment de prise de conscience de l’importance de ces métiers et du rôle de ces femmes dans notre société ?

V. J. – C’est vrai qu’il y a des débuts de mises en récit sur ces questions. Je pense notamment à un nouveau film, Les femmes du square, qui traite des nounous à domicile. Néanmoins, sur le fond, tout reste à faire. Il y a eu quelques très timides avancées sur les rémunérations, qui ont été absorbées par l’inflation, mais aujourd’hui, que ce soit dans les Ehpads, les services d’aide à domicile, de la protection de l’enfance ou de prise en charge des enfants handicapés, le contexte de pénurie de personnels est très inquiétant. Des directeurs de structures sont contraints de refuser des demandes de prise en charge. Les médecins doivent prioriser les patients selon leur degré de dépendance [à leur entrée à l’hôpital, les patients sont classés sur une grille composée de six niveaux graduels de dépendance, NDLR]. Ils en sont réduits à faire du tri entre bénéficiaires, comme aux urgences.

Une telle situation est due à des démissions de masse et au manque d’attractivité de ces métiers. Le salaire moyen d’une aide à domicile est de 950 euros par mois. En moyenne, elle doit attendre quinze ans pour atteindre le SMIC mensuel. Pourquoi ? Parce que ce sont des métiers avec un système de comptabilisation des heures très archaïque : on est payé à la tâche. Heureusement, ce n’est pas le cas pour tous les métiers. Une aide-soignante à l’hôpital, par exemple, bénéficie d’un cadre beaucoup plus normalisé, même si les salaires restent très modestes.

Se pose aussi la question du sens dans ces métiers. Le manque de moyens et d’effectifs pour s’occuper d’autant de monde rend ces missions de plus en plus compliquées, avec une énorme contrainte de temps. Les personnes concernées sont pressurisées par une politique du chiffre en contradiction avec leur éthique professionnelle et leur aspiration à bien faire leur travail. Alors que ce sont des métiers où l’évaluation n’existe pas, dans lesquels l’humain est central. Ce qui ressort de cette analyse, c’est que la pression à l’immédiateté n’est pas compatible avec ces professions.

LVSL – En quoi le format que vous avez privilégié, à savoir un mélange entre la bande-dessinée et le documentaire photo, permet-il de rendre compte de cette dualité entre le manque de reconnaissance et de sens, et le caractère essentiel de ces femmes et de ces métiers ?

V. J. – J’utilise ce format dans l’ensemble de mes livres depuis L’illusion nationale. Je souhaite avant tout mettre en avant les personnes que je suis. L’essentiel des textes que l’on peut y lire sont des retranscriptions d’enregistrements. Quant à moi, je ne parle pas ou peu.

Il y a donc un double processus de lecture du livre. Un processus visuel d’abord, puisque la photographie permet d’observer la posture, les gestes, les regards mais aussi l’environnement de mes personnages. Un processus centré sur la parole ensuite. Cela permet une forme d’immersion. Quand on lit le livre, on découvre des mondes que l’on croyait peut-être connaître mais que l’on connaissait peu. C’est un peu comme un film documentaire, mais en format papier.

C’est la nature sociologique et politique de mon travail qui m’a conduit à combiner prises de vues et paroles transcrites au sein de phylactères. Cette forme me permet d’emmener le lecteur au plus près des personnages. Les planches composées de photographies et de mots donnent un accès immédiat aux paroles et aux personnes qui les profèrent – à l’image de ce que peut faire le cinéma. Le roman-photo place le lecteur dans une relation de proximité avec les personnes qui y sont représentées par la photographie.

Mes livres s’inscrivent dans une démarche de documentation du réel à travers le mélange de la création artistique et de la recherche en sciences humaines et sociales. Je m’inspire aussi bien des méthodes du journalisme d’investigation que de la sociologie ou de l’anthropologie, et mes enquêtes s’étalent sur plus de deux années à chaque fois. Le temps long et la confiance sont indispensables pour se familiariser avec les personnes que l’on étudie et s’immerger dans leur environnement. Il faut s’imprégner de leur mode de vie pour les comprendre et les appréhender dans leur complexité.

Les femmes du lien, dessin réalisé par Thierry Chavant

LVSL – Ce travail s’inscrit dans une série d’ouvrages à travers lesquels vous tentez de « créer de nouveaux imaginaires ». Selon vous, quelle peut être la place du portrait et du récit à l’échelle individuelle dans la construction d’un imaginaire collectif, qu’il soit social et/ou politique ?

V. J. – Pour parler des femmes du lien et pour avancer sur ces questions, il me semblait essentiel d’inventer un nouvel imaginaire, semblable à l’imaginaire extrêmement puissant de ce qu’était le monde ouvrier et l’industrie au XXe siècle. Cet imaginaire a été porté par les syndicats, le Parti communiste de l’époque, mais aussi par la culture, notamment le cinéma ou la publicité. D’ailleurs, qu’aujourd’hui encore, les syndicats restent parfois accrochés à cet imaginaire alors qu’il y en a un nouveau.

C’est pour cela, selon moi, qu’il est très important de lier ces nouveaux récits à des récits de vie. Je pense que pour un lecteur, il est primordial de partager les expériences de mes personnages parce que quand on lit leur récit, on s’aperçoit qu’il s’inscrit dans une certaine durée. En effet, le récit de chacune de ces femmes est introduit par une bande-dessinée qui retrace son histoire, depuis son enfance. On peut ainsi percevoir des choses que l’on comprendrait différemment dans un récit théorique. Mon livre à lui seul ne suffira évidemment pas à construire ce nouvel imaginaire, mais peut-être inspirera-t-il d’autres projets. Je pense qu’il est primordial de mener la bataille culturelle par ce biais.

Retracer le récit de ces femmes dans le temps donne permet de comprendre l’évolution de ces métiers, et toutes les difficultés auxquelles ces travailleuses sont confrontées au quotidien.

LVSL – Le député de la Somme, François Ruffin, à l’origine d’une mission d’enquête parlementaire sur les métiers du lien et du documentaire Debout les femmes avec Gilles Perret, apparaît dans votre livre aux côtés de Marie-Basile, une aide à domicile de 53 ans. Il y dit notamment que « ce combat est évidemment féministe. Si ces métiers n’étaient pas occupés essentiellement par des femmes, ils seraient traités d’une autre manière dans la société ». Partagez-vous ce constat ?

V. J. – Oui, tout comme je pense que ce livre est évidemment féministe. Les métiers dont on parle sont des métiers occupés à 90% par des femmes. On peut même monter à 97% si l’on se concentre sur les aides à domicile. Parmi toutes les professions abordées, celle d’éducateur spécialisé est la plus masculine. Pourtant, 65% des éducateurs spécialisés aujourd’hui sont des femmes, tout comme 80 à 90% des élèves en école d’éducateurs. La proportion était complètement inverse il y a trente ans, à l’époque où un éducateur gagnait environ deux fois le SMIC. Aujourd’hui, à formation et missions équivalentes, un éducateur spécialisé touche 1,1 SMIC. D’ailleurs, on constate ce même mouvement de féminisation et de précarisation dans beaucoup de professions.

La forte dynamique de professionnalisation des femmes ces cinquante dernières années a contribué à extraire une partie des tâches domestiques du foyer, à en faire de vrais métiers. Maintenant, il s’agit de faire en sorte que ces métiers soient rémunérés à leur juste valeur.

Certaines professions étaient autrefois valorisées et se sont dégradées en même temps qu’elles se sont féminisées. Je pense par exemple aux métiers de l’enseignement. D’autres ont toujours été féminines et n’ont jamais été reconnues à juste titre comme de « vrais » métiers. Si l’on remonte aux années 1950-1960, de nombreuses tâches liées aux soins étaient assurées bénévolement par des femmes. La forte dynamique de professionnalisation des femmes ces cinquante dernières années a contribué à extraire une partie des tâches domestiques du foyer, à en faire de vrais métiers. Maintenant, il s’agit de faire en sorte que ces métiers soient rémunérés à leur juste valeur.

Mon travail est donc éminemment féministe car il renvoie à ce qui a été et à ce qu’est encore aujourd’hui la condition de nombreuses femmes. Il y a toujours un risque de retour en arrière. On célèbre aujourd’hui beaucoup le rôle des aidants, ce qui est très bien, mais il y a aussi beaucoup d’aidants qui décrochent car ils se retrouvent en grande difficulté. Il faut faire très attention au phénomène de substitution. Si je prends le programme économique de Marine Le Pen aux dernières élections présidentielles, l’idée du « salaire maternel » sous-tend un vrai risque de retour en arrière : derrière cette proposition, il y a l’idée de restreindre les femmes à des activités domestiques auxquelles elles étaient traditionnellement assignées, comme s’occuper des enfants, éventuellement handicapés, et des parents.

Les femmes du lien © Vincent Jarousseau

LVSL – Votre ouvrage montre que les métiers du lien nécessitent une certaine intelligence affective et sociale, des compétences techniques et impliquent de grandes responsabilités vis-à-vis des personnes dont ces travailleuses ont la charge. Les difficultés de ces professions aujourd’hui (manque de temps, d’effectif, de rémunération) sont-elles les mêmes que celles des professions médicales ?

V. J. – Oui, il y a de toute façon une logique commune. Néanmoins, il y a quelques petites différences. D’abord, il existe des collectifs de travail à l’hôpital. Ensuite, les métiers de la santé sont régis par la sécurité sociale. C’est le cas par exemple des aides soignantes à domicile, contrairement aux aides à domicile qui font exactement les mêmes tâches, avec le ménage en plus. Ces dernières dépendent de l’APA (Aide personnalisée à l’autonomie) et donc des départements.

Dans le projet de loi grand âge qui a été présenté et rejeté deux fois lors du précédent quinquennat, il y avait également le projet d’une cinquième branche de la sécurité sociale qui aurait permis de grandes avancées, je pense, dans la reconnaissance de ces métiers.

LVSL – Pourquoi, selon vous, s’agit-il plus que jamais de métiers d’avenir ?

V. J. – Il s’agit en effet, selon moi, de métiers d’avenir, mais pas uniquement par rapport au vieillissement de la population, argument qui revient systématiquement dans la bouche des investisseurs de la silver economy, avec les yeux qui brillent…

Au fond, ces femmes du lien prennent soin du vivant. Cette activité s’inscrit pleinement dans la bifurcation écologique dans laquelle nous devrions nous engager.

Je considère que les bouleversements écologiques auxquels nous faisons face nous amènent tout simplement à nous exposer beaucoup plus à des vulnérabilités multiples. Le Covid en a été une des premières manifestations et ce n’est qu’un début. À peu près deux millions de personnes en France on eu un Covid long avec des séquelles qu’il va falloir traiter.

Cet excès de vulnérabilité fait que de toute façon, nous aurons de plus en plus recours à ce type de métier. Au fond, ces femmes du lien, que font-elles ? Elles prennent soin du vivant. C’est une activité qui s’inscrit, de mon point de vue, pleinement dans la bifurcation écologique dans laquelle nous devrions nous engager. C’est une activité à haute valeur, selon des critères qui ne sont pas ceux du PIB, mais du progrès humain et civilisationnel. C’est ce que l’on appelle l’éthique du care. Tout le monde, femmes et hommes, devrait s’approprier le care. Il faut porter haut et fort le fait que nous sommes toutes et tous interdépendants les uns des autres.

Habitat et grand âge : les défis du vieillissement

Aquarelles & mine carbone sur papier Arches, 2021 ©Nassim MOUSSI

Bien que la gestion du « vivre chez soi » et de la dépendance soient l’une des préoccupations majeures des politiques publiques, la France possède une vision catastrophiste du vieillissement. Malgré l’hétérogénéité des nouveaux « visages » de la vieillesse, les pratiques institutionnelles et les politiques sociales s’obstinent dans une lecture des vieillissements sous la dualité autonomie/dépendance. Trop souvent s’opèrent des formes de ségrégation et de mépris fondés sur l’âge, tandis que la décision d’un plan d’aide s’effectue à partir d’une vision solutionniste et médicale de la personne en s’appuyant sur ses incapacités plutôt que sur ses capacités. De ce fait, l’allongement de l’espérance de vie motive une injonction normative du vieillissement, celle du « bien vieillir ». Les habitats dédiés aux personnes âgées s’inscrivent dans cette démarche de prévention du vieillissement et promettent à leurs résidents de bien vieillir, mais l’architecture ne résout pas tout. Quoiqu’examiner le supposé impact des lieux habités sur le vieillissement de la personne soit une nécessité, comment innover dans une société qui vieillit ? Quelles approches pour quelles vieillesses ? Comment adopter, collectivement, une démarche territoriale et intégrée en provoquant des logiques d’opportunités urbaines ?

La loi « grand âge et autonomie » est-elle définitivement enterrée ? Attendue depuis quatre ans, elle vient à nouveau d’être reportée par le gouvernement. La ministre déléguée en charge de l’Autonomie, Brigitte Bourguignon, a confirmé le 20 janvier 2021 lors d’un colloque sur les politiques vieillesse, organisé par la FNADEPA (Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées), que cette loi serait votée « avant la fin du quinquennat », mais « après la crise sanitaire ».

Le message est fort : « Vous ne pourrez bientôt plus choisir de rester à domicile ». Faute de moyens et de personnels, il n’est déjà plus possible d’honorer toutes les demandes d’accompagnement à domicile, explique une campagne lancée par les quatre principales fédérations d’aide et de soins à domicile. Ce cri d’alarme d’une profession à bout de souffle pointe les manques de moyens et de reconnaissance pour leurs métiers, surtout lorsque l’on sait que 80% des Français souhaitent pouvoir vieillir chez eux.

Un rapport remis en 2013 par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) et la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) démontre que la France accuse un grand retard en matière d’adaptation de son parc de logements. Le parc privé résidentiel, c’est 28 millions de résidences principales dont seulement 6 % sont adaptées au vieillissement ou au handicap. Et pour le moment, la part de rénovation réalisée est ridiculement faible. En 2019, l’ANAH a financé seulement 16 443 dossiers d’adaptation. À ce rythme (construction et réhabilitation comprises), il faudrait un demi-siècle pour que le parc résidentiel français soit adapté. Pourtant, les concepts ne manquent pas …

Habitat autogéré, habitat groupé pour senior, habitat coopératif pour senior, habitat inclusif, village senior, coopérative du troisième âge, logement adapté, papy-loft, éco-résidences intergénérationnelles, coliving pour senior, maison multigénérationnelle, maison bigénérationnelle, cohabitation intergénérationnelle solidaire, cohabitation mixte intergénérationnelle, co-voisinage actif intergénérationnel et solidaire, habitat partagé intergénérationnel, habitat communautaire senior, néo-béguinages, senior cohousing… Bon, on se l’accorde, tout y passe. Rien ne se perd, rien ne se crée, mais malheureusement aussi, rien ne se transforme.

Et dès lors, pourquoi persistons-nous à travestir un lieu de vie par des termes historicisés, teintés d’anglicisme marketé, tantôt de néologisme et d’innovation lexicale insipide ou encore de référence sémantico-conceptuelle ? Ne s’agit-il pas de simples « habitats » ? Au-delà de cette cacophonie informationnelle et commerciale, le champ du vieillissement est depuis longtemps dominé par des modèles explicatifs biomédicaux, responsables d’une vision déficitaire de l’âge avancé. Vieillir, ce serait forcément à tous les coups perdre sa vitalité, ses fonctions cognitives et motrices, et devenir dépendant des autres.

On parle d’inclusif comme s’il existait un habitat exclusif, on parle de quartiers sensibles comme s’il existait des quartiers insensibles, de quartiers chauds comme s’il y avait des quartiers froids. On va même jusqu’à parler de villes intelligentes comme si elles étaient le remède aux villes bêtes. Il est fréquent de voir apparaître un mot à la mode qui, comme toute chose prisée, comporte le risque d’un usage excessif ou galvaudé.

Loin d’apporter plus de précision que les mots qu’ils remplacent à chaque nouvelle réforme ou crise, ils constituent des mots passe-partout transmettant peu d’informations, mais dont l’aspect sérieux doit intimider l’auditoire. Leur utilisation donne l’impression qu’il s’agit de quelque chose d’important et à la mode ainsi qu’une impression de compétence auprès du public. Alors que, in fine, la participation des personnes concernées est quasi-invisible dans ce corpus et qu’on a tendance à populariser plus le slogan que les habitants eux-mêmes.

En trouvant racine dans une volonté de « bricoler » sans cesse de nouvelle forme d’habiter (du latin habitare, fréquentatif de habere « avoir, posséder »), en bricolant notre « avoir » on ne possède plus rien, on n’est plus chez soi. Lorsque les personnes font face à des choix complexes et contradictoires, ils peuvent se montrer incapables de décider ou de choisir. Cela peut affecter l’autonomie décisionnelle ou participationnelle sur la prise de décision.

Arrêtons alors de penser à leur place, mais à la place de qui ? Derrière l’hypertechnicité et l’effet de mode se cache une perte de sens inquiétante. Comme l’illustre assez justement Fany Cerese, docteure en architecture et Colette Eynard, consultante en gérontologie sociale, « pensons à l’usage plutôt qu’à la fonction dans une logique de projet et non de concept (1)».

Ce contexte se traduit d’autant plus par une opposition binaire : d’une part de trop nombreux colloques et groupe de réflexion qui proposent avec force l’injonction normative au « bien vieillir » quand d’autre part certains laboratoires d’idées expliquent comment procéder à un développement d’une culture décomplexée de la mort en EHPAD. On peut alors légitimement s’interroger sur l’ultimatum entre emprise normative et déprise suggérée (2) : d’un côté, on nous demande de « bien vieillir » quand de l’autre on nous conseille d’apprendre à « bien mourir ». En définitive, parler « des vieux » semble donc toujours plus efficace que de laisser parler ces « vieux ». L’archétype de la responsabilisation conduit d’une certaine manière à une « forme inédite d’intériorisation des catégories de l’échec (3) ». Ainsi, les politiques préventives, bien qu’elles soient officiellement centrées sur les individus, ignorent parfois la diversité des itinéraires individuels.

Dès lors, il s’agira d’appréhender les enjeux du grand âge à l’épreuve de la « cité ». En partant « des habiter » – depuis les résidences services jusqu’aux lieux « tiers » –, cet article s’interrogera sur les modalités « des vieillir » en décrivant comment des personnes se retrouvent soit subordonnées à un lieu, soit en action de renégocier elles-mêmes et de réinventer leur attachement à leur lieu de vie.

De nombreuses initiatives se font jour ; à partir d’une approche comparative en France et à l’étranger, il s’agira de découvrir des espaces de vie alternatifs, de saisir les approches de l’expérimentation sociale dans ses rapports à l’institué. Ces lieux alternatifs constituent un laboratoire d’observation qui apporte un éclairage sur le vieillissement, les représentations qui lui sont liées et leurs effets potentiels sur l’expérience subjective du vieillir.

Et si l’habitat n’était qu’un faux problème, un alibi ? On se risquerait à le penser et c’est tout l’enjeu de ce billet.

Egon Schiele, Périphérie de la ville (Krumau Town Crescent), Huile sur toile, 1918. ©Wikisource

L’injonction normative au « bien vieillir » dans l’espace public

La mise en œuvre des politiques sociales destinées à « traiter » la problématique du vieillissement remonte, en Europe, à la fin du XIXe siècle. Directement liée à la naissance et à l’affirmation des États-Nations, elle répondait à des préoccupations démographiques et sociales.

Dans cette continuité et pour faire face aux besoins de main d’œuvre, la révolution industrielle française va entraîner un afflux de populations vers les villes. Devant le développement anarchique et insalubre des faubourgs se développeront des analyses critiques et théoriques sur la ville visant à améliorer le « vivre ensemble », avec notamment Charles Fourier, ou encore l’urbaniste britannique Ebenezer Howard. L’émergence massive de la « catégorie » du salariat a conduit à placer la question des conditions d’existence des travailleurs âgés au cœur des débats politiques.

Suite à cette première période des politiques vieillesse axées sur le « niveau de vie », les années 1960 marqueront l’émergence d’une seconde impulsion politique centrée sur le « mode de vie » des populations âgées, politique qui s’inscrit dans le contexte plus général du développement des politiques sociales. celles-ci comportent un volet assuranciel (l’assurance vieillesse), et un volet assistanciel dont le lancement remonte au célèbre rapport Laroque, publié en 1962.

Ce rapport fut rédigé par le conseiller d’État Pierre Laroque, l’un des pères fondateurs de la Sécurité sociale en 1945. Il a permis de dresser le constat d’une paupérisation de plus en plus importante des personnes âgées et il est considéré comme l’acte de naissance de la politique vieillesse en France.

« Sous couvert d’une volonté “d’autonomisation”, se dessine un modèle quelque peu culpabilisateur puisqu’il repose sur une injonction forte qui impose aux individus âgés de rester actifs. »

Ainsi, les portraits et la signification du vieillissement ont été considérablement remaniés sous l’effet conjugué des mécanismes distributifs de l’État-providence, de l’évolution des politiques publiques, de l’allongement de la durée de vie, et des bouleversements sociaux et culturels des années 1960. Les mutations qui en résultent impactèrent les rapports intrafamiliaux, les modes de vie et la participation à la vie sociale et culturelle. De fait, elles ont eu une incidence sur les institutions de prise en charge de la vieillesse qui se sont elles aussi transformées.

Les politiques orientées sur le « mode de vie » ne s’adressent plus seulement aux populations les plus démunies. L’originalité du rapport Laroque demeure dans sa finalité éthique. Pour la première fois, il est entendu de repenser les fondements des rapports entre société et vieillissement en vue d’assurer aux personnes âgées une place dans la société. Les enjeux relatifs au mode de vie deviennent centraux. Ils conduisent à la prescription d’une nouvelle ligne de conduite. Ainsi, d’immobile et dépendante, la vieillesse deviendrait active, autonome, responsable (4).

Cette promotion du « bien vieillir » et du « vieillissement actif » s’inscrira certes dans une valorisation des libertés individuelles des personnes âgées, mais elle peut également être appréhendée comme une forme d’injonction normative.

Le bien-être personnel se transforme progressivement comme un objectif, et la capacité à rester actif est exposée comme la condition de ce bien-être. Pourtant, sous couvert d’une volonté d’« autonomisation», se dessine un modèle quelque peu culpabilisateur puisqu’il repose sur une injonction forte qui impose aux individus âgés de rester actifs (5).

Affiche promotionnelle colloque « Peut-on vieillir sans devenir vieux » ©GPM

Ainsi, dans l’espace public, peut-on relever de nombreuses opérations, dispositifs et labels veillant à promouvoir le vieillissement réussi, le vieillissement actif ou le bien-vieillir. Par exemple, le plan national « Bien vieillir » (2007-2009), tentait de répondre à l’enjeu de l’avancée en âge et au défi de la longévité.

Dix-huit villes et agglomérations urbaines ont ainsi porté cette action de prévention en gérontologie. Devenu un véritable plan de santé publique en 2007, ce plan national fut placé sous l’égide du ministère de la Santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, et du Ministère de travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Ils s’adressaient aux seniors âgés de 50 à 75 ans.

Mais, même si ce plan national a eu le mérite de formaliser des mesures préventives, de les financer et de les évaluer, il a fait émerger un certain nombre d’imperfections : tout d’abord, l’injonction à rester actif impose d’une certaine manière aux personnes âgées la charge de contribuer au bien-être économique de la collectivité. Ensuite, elle tend à instaurer une norme du bien-être identique pour tous. Enfin, la volonté de mesure et d’objectivation du bien-être, que ce soit au niveau politique ou scientifique, tend à occulter la subjectivité des individus.

Les associations s’en font l’écho : « 7 territoires, 7 clés pour booster le bien-vieillir des seniors en ville » titrait le petit guide édité conjointement par « Vivons en Forme » et « Villes de France ». Sous couvert d’amélioration de la prise en compte de l’individu vieillissant dans sa totalité, la notion de bien-être impose des normes de sociabilisation et des pratiques urbaines ; elle contribue à occulter les différences individuelles et sociales, conséquences de parcours de vie d’une grande hétérogénéité.

Dans un autre esprit, un article paru dans la rubrique « Bien-être et Santé », publié en septembre 2018, titrait « 6 conseils pour bien vieillir ». La première phrase donnait le ton : « Pour la plupart des personnes, vieillir n’est pas un sujet agréable : les rides font leur apparition, les mouvements deviennent de plus en plus incertains et la vue diminue… Mais bonne nouvelle : être senior et bien vieillir, c’est possible ! ». Autrement dit, pour « la plupart des personnes » le relâchement cutané entraînant l’apparition de ridules suggère que c’est mal de vieillir. 

« Le “brave” vieux, de par son activisme, aura réussi son vieillissement dans la cité s’il n’a pas besoin d’aides extérieures, ne coûte rien en attirails sanitaires, ne pèse ni sur les solidarités familiales et intergénérationnelles, ni sur les financements publics. »

Les conseils en tout genre ne s’arrêtent pas là : « Vous avez besoin de services à domicile ? Découvrez le site silveralliance.fr. Vous écrivez ce dont vous avez besoin, ou envie, et le site vous trouve la solution et l’entreprise à contacter ! Ou n’hésitez pas à nous demander le guide papier. ». Ainsi en parcourant le site, dans l’onglet « Nos solutions pour bien vieillir », on découvre que toutes les solutions sont payantes et/ou servicielles adossées dans certains cas à une souscription annuelle obligatoire, le tout érigé en obligation de santé publique… On vous propose même des allégements fiscaux en cas d’abonnement à la carte.

Cette notion d’« injonction normative » définit pernicieusement un comportement souhaitable, et tend à imposer un contenu de pensée qui, pour le coup, est marketé : les prescriptions font office de régulation des comportements, et leur transgression entraîne une sanction sociale. Cette sanction, révélée à travers l’injonction normative de « bien vieillir », sous-entendrait donc, en miroir, la possibilité de « mal vieillir » ?

Pour Danilo Martuccelli, professeur de sociologie à l’Université Paris-Descartes, le « souci d’impliquer les individus en tant qu’acteurs à leur « redressement », leur « amélioration », leur « soin », leur « rattrapage », leur « épanouissement » ou leur « développement » » s’exprime de manière flagrante dans les orientations des politiques sociales où l’affirmation de l’indépendance de l’individu est le corollaire de l’affaiblissement de ses droits et protections, en somme des « supports divers lui permettant justement d’y faire face ».

On peut donc aisément identifier les orientations en faveur du « bien vieillir » comme le reflet d’une volonté politique, commerciale ou urbaine ; celle-ci organise institutionnellement une prise en charge qui se garde bien d’abandonner les individus à leur seule liberté mais la gère de manières diverses, selon les différents secteurs d’activité, tout en renvoyant la responsabilité aux seuls individus.

Le “brave” vieux, de par son activisme, aura réussi son vieillissement dans la cité s’il n’a pas besoin d’aides extérieures, ne coûte rien en attirails sanitaires, ne pèse ni sur les solidarités familiales et intergénérationnelles, ni sur les financements publics. In fine, s’il agit en conformité des attentes et des enjeux sociétaux l’enjoignant tacitement à ne pas être un fardeau. Au-delà d’une certaine injonction à l’indépendance, la contrainte qui pèse sur les populations âgées dans la ville ou leur logement peut être effectivement appréhendée sous l’aspect de la responsabilisation ou de la culpabilisation.

Start-up américaine en promotion dans une Ehpad, avec son slogan «Rendever surmonte l’isolement social grâce à la puissance de la réalité virtuelle» ©Rendever

L’intensification des établissements serviciels

Historiquement, la prise en charge des personnes âgées relève d’abord de la responsabilité des familles, c’est en cela une affaire privée. Mais l’évolution des structures familiales, l’élévation du niveau de vie, les besoins de professionnalisation face à des polypathologies, amènent les familles à externaliser les services. Dès lors, et sous l’effet du vieillissement massif de la population, une véritable industrie des services à la personne est en train d’émerger.

Au 1er Janvier 2060, la France métropolitaine comptera 73,6 millions d’habitants, soit 11,8 millions de plus qu’en 2007. Le nombre de personnes de plus de 60 ans augmentera, à lui seul, de plus de 10 millions (6). En 2060, une personne sur trois aura ainsi plus de 60 ans. Jusqu’en 2035, la proportion de personnes âgées de 60 ans ou plus progressera fortement, quelles que soient les hypothèses retenues sur l’évolution de la fécondité, des migrations ou de la mortalité.

Ainsi, le marché des résidences médicalisées repose sur une tendance lourde : le vieillissement de la population française. Au point que certains professionnels, portés par un souffle lyrique, parlent déjà d’«or gris».

« La silver économie est l’équivalent de la troisième puissance économique de la planète, derrière les Etats-Unis et la Chine »

Natixis

La « silver économie (7) », c’est-à-dire l’ensemble des marchés, activités de services et ventes de produits liés aux personnes de plus de 60 ans, représente aujourd’hui environ 8 040 milliards d’euros par an en associant l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France et l’Italie. Ce qui (virtuellement) en fait l’équivalent de la troisième puissance économique de la planète, derrière les Etats-Unis et la Chine, selon Natixis (8). Ce business pourrait atteindre 24 500 milliards de dollars d’ici à 2050. Le Monde titrait même : « Les seniors, un eldorado économique à conquérir », ou encore « La ruée vers l’or gris des seniors ».

Selon Frédéric Serrière, il existe deux visions économiques du sujet. La vision « marché du grand âge » – celle des services à la personne, de la santé liée au grand âge –, et puis la vision « marché des seniors » – les plus de 60 ans qui sont en moyenne plus riches que dans le passé. Le vieillissement de la population mondiale est donc considéré comme une opportunité de développement économique et immobilier avec notamment le tourisme, la culture, le commerce de détail, les services financiers et les services ménagers à l’instar des fabricants d’objets connectés.

Un constat empirique montre que le taux d’épargne tend à croître avec l’âge. La solvabilité moyenne des retraités issus des Trente Glorieuses n’a jamais été aussi élevée, et elle pourrait perdurer voire se développer. On observe cette gérontocroissance, à des échelles différentes, sur presque toute la planète. Elle est induite par l’accroissement de l’espérance de vie et dans certains pays (dont la France) par le phénomène démographique du Papy-boom.

Selon le rapport Bernard (2013), les seniors sont souvent distingués en tant que consommateurs selon leur état de santé ou de dépendance et selon leur niveau supposé de revenus. On les classe aussi sur l’échelle des extrêmes de revenus avec des seniors très riches ou très pauvres de part et d’autre d’une « mass market (9) ». Un des axes de développement de la silver économie passe par l’hospitalisation à domicile, dit « Home care », en particulier dans les maisons de retraites et autres formes d’habitats collectifs pour personnes âgées.

Aujourd’hui en France, en matière d’offre résidentielles, les personnes âgées peuvent être principalement accueillies dans trois types d’établissements. Il y a tout d’abord les EPHA, Établissements d’hébergement pour personnes agées. Ce sont des résidences (foyers ou logements), où les personnes peuvent vivre de manière autonome. Elles sont majoritairement gérées par des structures publiques ou privées à but non lucratif. Ensuite, il existe les USLD, Unités de soins de longue durée. Ces établissements dépendent des centres hospitaliers. Ils offrent environ 36 000 lits en France après que plus de 40 000 ont été transférés des hôpitaux vers les EHPAD. Enfin, les EHPAD, Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, plus ou moins médicalisés selon le niveau de pathologie de leurs résidents. Ce type d’hébergement représente 70 % des hébergements disponibles pour les personnes âgées. Ils peuvent être privés à but lucratif, privés à but non lucratif (comme par exemple La Croix-Rouge), ou publics. En 2014, L’Insee estimait qu’on comptait 7 258 EHPAD pour 557 648 lits en France.

« Le secteur des maisons de retraite commerciales ne s’est jamais aussi bien porté, une maison de retraite est même plus rentable qu’un centre commercial. »

Cabinet de conseil en immobilier Savills

Ainsi, le très fort développement du secteur privé lucratif des EHPAD s’est accompagné d’une longue série de fusions-acquisitions qui se sont accélérées dans le secteur privé commercial avec l’émergence de trois géants européens de l’hébergement pour personnes âgées : Korian, Orpea et DomusVi. À eux seuls, ils possèdent neuf cents établissements, soit plus de la moitié du parc immobilier. Korian le plus influent, a réalisé en 2016, plus de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 15,5 % de marge, un bénéfice de 38 millions d’euros, et a multiplié en cinq ans les dividendes versés à ses actionnaires.

Grand âge et vieillissement VS « or gris ?» ©gestion-retraite.fr

Le secteur des maisons de retraite commerciales ne s’est jamais aussi bien porté. Selon une étude du cabinet de conseil en immobilier Savills, une maison de retraite est même plus rentable qu’un centre commercial. Après une explosion des investissements à partir de 2012, le secteur a enregistré une nouvelle hausse de 60 % au premier semestre 2016 par rapport à la même période en 2015, soit 1,3 milliard d’euros. Ce qui place la France au rang de premier investisseur et premier opérateur européen de résidences pour personnes âgées. « Etant donné l’évolution démographique et la stabilité de cet investissement, il s’agit d’un très bon choix à long terme », estime Lydia Brissy, responsable des études européennes à Savills.

Le classement 2018 des cinq cents plus grandes fortunes de France publié par l’hebdomadaire Challenges comprend six propriétaires de groupes d’EHPAD. Le secteur attire des fonds d’investissement (Intermediate Capital Group pour DomusVi), des banques (Crédit agricole pour Korian et Domidep), des fonds de retraite (Canada Pension Plan Investment Board pour Orpea) et même des fonds souverains des Émirats arabes unis (10). Six groupes sont désormais côtés en Bourse. Les EHPAD commerciaux sont aussi devenus très attractifs pour les courtiers, qui revendent des chambres à des investisseurs particuliers attirés par une rentabilité des locations de 4 à 6 %. D’autant que le statut LMNP (loueur de meublé non professionnel) permet de bénéficier d’une fiscalité des loyers attractive par le biais du bail commercial sécurisé ou d’un contrat de séjour ou d’hébergement souvent à durée indéterminée.

« L’hyper spécialisation d’un bâtiment s’accompagne d’une vulnérabilité́ forte face aux évolutions futures. »

Certains établissements vont même au-delà du nombre de places autorisées par l’Agence régionale de santé. Explication d’un ancien directeur de site : pour pouvoir toucher une « prime de remplissage » de 535 € mensuels, les directeurs doivent obtenir un taux de remplissage de leur établissement d’au moins 99,5 %. Pour arriver à un tel résultat, ils sont contraints, du fait des départs, des décès de résidents, de dépasser le chiffre autorisé. Dès lors, certains établissements affichent même des taux de remplissage supérieurs à 100 %, ce qui leur permet de dégager des marges supplémentaires sans vacance locative.

De plus, la demande grandissante et le ralentissement des autorisations de construction viennent encore alourdir ce scénario, car un système de liste d’attente pour intégrer une résidence EHPAD est dorénavant quasiment obligatoire. Ce constat est valable dans les établissements privés, associatifs et publics. D’où une ingénierie foncière et juridique qui tient autant aux conséquences légales et fiscales dans le montage d’opération immobilière avec des évolutions de mode de prise en charge depuis le domicile jusqu’à la vie en établissement ou vice-versa. La différence est en outre de plus en plus nette au sein des groupes d’EHPAD entre le métier d’opérateur de services («OpCo»), et celui de promoteur-gestionnaire immobilier (« PropCo ») (11).

Dès lors, de nouveaux mécanismes préoccupants touchent certaines résidences EHPAD ; par exemple la défaisance (ou désendettement de fait). Ainsi, comme le souligne Céline Mahinc, fondatrice du cabinet Eden Finances, le gestionnaire, ne pouvant ou ne souhaitant pas effectuer les mises aux normes requises, ou ne trouvant pas d’accord avec les copropriétaires, abandonne les lieux, partant avec son agrément pour établir une nouvelle résidence médicalisée sur le même périmètre commercial. Le propriétaire se retrouve alors dans une situation problématique du fait de la monovalence d’utilisation de cet investissement : il s’agit d’une chambre et non pas d’un appartement (12) ! L’hyper spécialisation d’un bâtiment s’accompagne d’une vulnérabilité́ forte face aux évolutions futures.

Ainsi, l’État ne délivre désormais que très peu d’autorisations de permis de construire d’Ehpad, car elles possèdent un cadre réglementaire contraignant et source de nombreux dysfonctionnements favorisant les exploitants, mais qui ne permet pas d’avoir une croissance puisque la Sécurité sociale à court de finance freine l’ouverture de nouveaux lits dont elle aura à charge la partie soins.

Des résidences en charge d’une spatialité disciplinaire ?

Par-delà l’augmentation en nombre de ces établissements serviciels, ceux-ci, on le voit, ont peu à peu été marqués par une approche presqu’exclusivement soignante, contribuant à en faire des lieux de soin plus que des lieux d’habitation. On peut donc se demander si l’approche capitalistique et immobilière de la résidence pour personnes âgées n’est pas sans conséquence. Et questionner l’équation qui souhaite concilier la nécessité des personnes âgées à se loger et l’exigence de rentabilité immobilière d’un actionnaire.

Plan des étages de l’EHPAD (84 unités de vieillissements) Les hauts de l’Aure à Bayeux ©immo-investir.com

Ainsi, de nombreuses résidences se dirigent vers un modèle de prestations de services en octroyant un rôle central à la rentabilité et à « l’hyper médicalisé ». En conséquence, ces modèles relevant d’une performance servicielle intègrent une plus grande part des nouvelles technologies, assaillies par une myriade de solutions logicielles. Malgré les efforts de certains établissements, nous restons loin de la logique domiciliaire de l’habiter, et c’est en cela que l’incarnation du modèle hospicial de prise en charge est toujours prégnant.

« Le risque, c’est d’étendre à tous des mesures en principe réservées aux plus vulnérables. On ferme la porte d’entrée pour les personnes ayant des troubles cognitifs puis on finit par “boucler” tous les résidents. »

Marie-Jo Guisset

Actuellement, le « grand âge » est surprotégé et tous les aspects de la vie en EHPAD sont impactés par une conception du soin tellement globalisante qu’elle ne laisse aucune place à la vie ordinaire et à la liberté des personnes (13). Tout semble thérapeutique, chronométré, aseptisé, analysé, soumis à un devoir de l’éveil comme du coucher en passant par l’impératif des diners, les jeux, et la réception des proches.

Est-ce le souci de protéger les personnes ou la peur de poursuites en cas d’accident ? Ces dernières années, les EHPAD ont largement développé les mesures restrictives. C’est ce que montre une enquête auprès de 5 690 établissements, menée par la Fondation Médéric Alzheimer : 88 % des EHPAD avaient alors déclaré avoir instauré des mesures de protection, principalement des digicodes à la porte (65 % des établissements) mais aussi des systèmes de géolocalisation par bracelets ou puces (18 %), ou de la vidéosurveillance (9 %). Des outils instaurés avant tout pour prévenir les risques de fugues, affirment 88 % des établissements. « C’est fondamental de protéger mais attention à ne pas transformer les maisons de retraite en quartiers de haute sécurité », lance Marie-Jo Guisset à la Fondation Médéric Alzheimer. « Le risque, c’est d’étendre à tous des mesures en principe réservées aux plus vulnérables. On ferme la porte d’entrée pour les personnes ayant des troubles cognitifs puis on finit par “boucler” tous les résidents », indique-t-elle.

Ainsi, il n’est pas exagéré de parler de spatialité disciplinaire ou coercitive qui contraint un comportement pour le rendre conforme aux attentes demandées, soit un ensemble d’interactions sociales organisées autour d’équipements médicalisés. C’est ce qu’Erving Goffman théorisa comme une « institution totale », c’est-à-dire un lieu de résidence et de travail où un grand nombre d’individus, placés dans la même situation, coupés du monde extérieur pour une période relativement longue, mènent ensemble une vie recluse dont les modalités sont explicitement et minutieusement réglées.

Une organisation trop rigide des institutions induite par la rationalisation de la gestion des moyens humains, alliée à un souci d’écarter tout risque de mise en cause de la responsabilité des professionnels peut conduire à la négation de la liberté ou du droit de prendre des risques et d’effectuer des choix (14). Si les personnes accueillies sont de plus en plus âgées, handicapées et vulnérables, ces caractéristiques rendent plus difficiles l’expression et le recueil d’un consentement ou d’un choix, ce qui peut pousser les professionnels à sombrer dans une forme de toute puissance conduisant à l’excès de pouvoir et à l’abus de faiblesse.

Ce contexte est ainsi propice au « syndrome de glissement » qui est défini par la détérioration rapide de l’état général : anorexie, désorientation, désir de mort plus ou moins directement exprimé, il s’agit d’un renoncement passif à la vie passant par un refus actif des soins et de l’alimentation. Il est de déclenché par des événements physiques (maladies aiguës, opération, traumatisme) ou psychiques (décès d’un proche, abandon du domicile, déménagement, hospitalisation).

C’est en cela que la complexité de ces institutions, si elles ne veulent pas sombrer dans une gestion rationnalisante des corps de « vieillards » réduits au statut de simples objets de soins, doivent refonder leur projet de vie et leur cadre architectural et spatial.

« Lieux de vie et soin ne devraient plus être confondus, les soins médicaux et paramédicaux étant disponibles dans la ville, le quartier ou le village, et ceci quel que soit le lieu où habite la personne. »

Mais la vraie question suppose d’être ailleurs : est-ce qu’en définitive l’accompagnement des personnes dont l’âge entraîne des incapacités de tous ordres est la seule affaire des soignants ? Est-ce que le lieu idéal pour cet accompagnement est uniquement l’EHPAD ? Comme le précise assez justement Colette Eynard : « Il ne suffit pas en effet que la réglementation en vigueur stipule que « la chambre en Ehpad est le domicile de la personne » pour que cela soit ressenti comme tel et vérifié dans les faits. À partir du moment où une instance extérieure, quelle qu’elle soit, organise et gère ce lieu de vie, il est difficile que ceux qui y vivent en fassent spontanément un lieu d’habitation (15). »

Puisque la majorité des personnes qui vieillissent souhaitent continuer à vivre chez elles (16), ou dans un domicile collectif et/ou alternatif qui leur assurerait les conditions d’un véritable chez soi, c’est-à-dire l’assurance de pouvoir y vivre comme elles l’entendent, cela suppose un changement radical. Lieux de vie et de soins ne devraient plus être confondus, les soins médicaux et paramédicaux étant disponibles dans la ville, le quartier ou le village, et ceci quel que soit le lieu où habite la personne.

Le modèle du soin à domicile parait en effet préférable à celui du soin en EHPAD dont l’organisation dans un seul lieu semble susceptible de provoquer des dérives autoritaires. Même si un lieu spécialisé peut être nécessaire, il ne peut être confondu avec le domicile. L’insertion se fait dans une logique d’aménagement du territoire, et celui-ci doit être partagé par l’ensemble de ses habitants, quel que soit leur âge.

Habiter chez soi : peut-on réinventer les « lieux du vieillir » ?

Dans un tel contexte, la question des « lieux du vieillir » apparait comme fondamentale. Elle s’inscrit sans nul doute dans le prolongement des enjeux éthiques, culturels, sociaux et politiques du vieillissement de la population.

Parallèlement, le rétrécissement « des politiques vieillesse » et la normalisation autour des enjeux liés à la dépendance ont créé un appel d’air dans lequel se sont intercalés nombre d’acteurs qui promeuvent des habitats ou des lieux intermédiaires ne relevant, pour une grande part, ni du secteur médico-social, ni de la politique vieillesse à proprement parler.

Ainsi, en France comme à l’étranger, émergent des initiatives cherchant à inventer de nouveaux modèles d’habitat et de lieux alternatifs. Premièrement, leur caractère novateur ouvre des pistes de réflexion sur des moyens d’accompagner « autrement », avec une vision résolument collective et collaborative. Ces lieux fédératifs expérimentent de nouvelles modalités de l’habiter qui apparaissent comme des expériences riches en perspectives, tant pour les acteurs politiques de terrain, les professionnels du soin, les architectes ou urbanistes susceptibles de s’engager, que – surtout et en premier lieu –, pour les usagers eux-mêmes.

Quatre exemples pour illustrer ce propos : en France, en Espagne, en Italie et au Japon. De par leur diversité, ces projets appartiennent pour une partie au champ du logement et de l’habitat alternatif, pour d’autres au secteur social et médico-social mais aussi, quand ils expriment une recherche d’intériorité, à la lisière du spirituel. Ils se situent dans un « ailleurs (17) » car ils misent sur des postures hétéroclites opposant l’hébergement, comme lieu d’enfermement spécialisé et ségrégatif, à l’habitat, entendu comme lieu ouvert et intégré à la vie sociale ordinaire.

Inaugurée en février 2013 (18), la maison des Babayagas est une création originale de résidence pour femmes âgées située à Montreuil en Seine-Saint-Denis. Portant un regard différent sur le vieillissement, son nom provient d’une figure de vieille sorcière de conte russe. Elle est pensée comme une « anti-maison de retraite » permettant aux femmes qui l’habitent de se prendre en charge et de s’entraider pour bien vieillir. Menée par une association, elle se veut un lieu de vie privilégiant l’autonomie et la démocratie participative.

Thérèse Clerc dans le documentaire « Nous vieillirons ensemble La saga des Babayagas » ©Jean-Marc La Rocca

Il s’agit pour le collectif de faire vivre un lieu dans la ville et pour la ville, largement destiné aux femmes. De cette double volonté de créer un lieu de vie ouvert sur le quartier et un espace de rencontre et de militantisme, est né un programme architectural qui associe logements et espaces collectifs. La maison se compose d’un immeuble comportant 25 logements sociaux, 21 pour les Babayagas et 4 pour des jeunes de moins de 30 ans. Elle dispose de deux salles réservées aux activités collectives ainsi que de trois jardins.

Ces femmes partagent un idéal autogestionnaire puisque la démarche est menée, de bout en bout, par les habitantes elles-mêmes, depuis le choix du lieu, celui de l’architecte avec lequel sont pensés les espaces et les matériaux, celui des différents partenaires immobiliers, financiers, juridiques, jusqu’à la gestion du quotidien, une fois dans les lieux. Aucune délégation de gestion, d’entretien, de sécurité n’est envisagée, tout devant être assuré par les habitantes elles-mêmes. Une charte engage ainsi chacune à donner de son temps à la collectivité (dix heures par semaine).

Qu’en attendent les femmes qui participent à ce projet ? Leurs récits posent au premier chef la question de la préservation de l’autonomie, refusant avec force l’infantilisation qui leur semble souvent aller de pair avec le vieillissement en institution. Les maisons de retraite sont ici le modèle repoussoir auquel il faut à tout prix échapper. Les Babayagas associent ainsi à leur maison un projet d’université du savoir sur les vieux (UNISAVIE) et aimeraient contribuer à changer le regard de la société sur « les vieilles ».

En cela, les projets ressemblent là aussi aux femmes qui les portent, mais cette volonté d’autonomie citoyenne qui fut, dans les années post soixante-huit, politiquement pensée (Rosanvallon 1976), prend ici une nouvelle résonance, plus proche de « L’éthique de la sollicitude », souvent appelée éthique du care (de l’anglais ethics of care). Cette réflexion morale de la fin du XXe siècle est issue des pays anglophones, d’approches et de recherches féministes dans ce domaine. Puisqu’il s’agit finalement de montrer que les « vieux » sont capables de prendre soin d’eux-mêmes.

Cet esprit engagé se retrouve d’une certaine manière à Madrid, qui est la première ville à ouvrir une maison de retraite LGBT (lesbienne, gay, bisexuel, transgenre) publique en Espagne. Selon Federico Armenteros, le fondateur et président de « la Fundacion 26 de Diciembre », « on estime à 160 000 le nombre de personnes âgées de plus de 65 ans qui sont LGBT rien qu’à Madrid ». Ouvrir une maison de retraite LGBTQIA+ publique permet aux seniors de vivre leur retraite dans un endroit où ils n’auront pas « à rester dans le mensonge ».

Federico Armenteros à la Fundación 26 de Diciembre ©Pepo Jiménez

La Fundacion 26 de Diciembre est une organisation à but non lucratif créée par et pour les personnes âgées LGBTQIA+. « Nous servons environ 800 personnes chaque année. Avec eux, nous travaillons pour la dignité, l’inclusion et la visibilité dans une approche intergénérationnelle. Nous favorisons la recherche, la formation à la diversité et la récupération de la mémoire historique de notre communauté. »

La création de cette maison de retraite publique LGBTQIA+, vient en réaction à une législation très critiquée en Espagne : « La loi sur les fainéants et les malfaiteurs » a été une loi du Code pénal espagnol du 4 août 1933 qui portait sur le traitement des vagabonds, nomades, proxénètes et tout autre groupe considéré comme antisocial, postérieurement modifiée pour réprimer également les homosexuels. Aussi connue sous le nom populaire de « la Gandula » (« la tire-au-flanc »), la loi a été approuvée par consensus de tous les groupes politiques de la Seconde République pour le contrôle des mendiants, vauriens sans métier connu et proxénètes. Cette loi comportait des mesures de contrôle et de rétention utilisées arbitrairement pour la répression des personnes sans ressources supposément dangereuses.

« De nombreuses personnes LGBTQIA+ ont été emprisonnées, torturées, maltraitées, persécutées, harcelées ou soumises à des traitements de choc. Simplement en ayant une orientation sexuelle qui ne correspondait pas à ce que le régime voulait. »

La loi fut modifiée par le régime franquiste pour y inclure la répression des homosexuels le 15 juillet 1954. En 1970, elle a été remplacée par la loi sur la dangerosité et la réhabilitation sociale, votée dans des termes très semblables, mais qui comportait des peines allant jusqu’à cinq années d’emprisonnement dans les prisons ou des asiles pour les homosexuels et autres individus considérés dangereux.

En vertu de cette règle, de nombreuses personnes LGBTQIA+ ont été emprisonnées, torturées, maltraitées, persécutées, harcelées ou soumises à des traitements de choc. Simplement en ayant une orientation sexuelle ou une identité sexuelle ou de genre qui ne correspondait pas à ce que le régime voulait. La date symbolique du 26 décembre 1978 (date à laquelle le gouvernement d’Adolfo Suárez mit fin à l’illégalité de l’homosexualité en Espagne) est donc importante dans l’histoire de la communauté LGTBQIA+ espagnole.

La Fundacion 26 de Diciembre est en cela un projet inédit dans la capitale espagnole : ouvrir une maison de retraite LGBTQIA+ publique. Du personnel au politique, il a fallu 10 ans de travail pour monter cette structure. L’isolement des seniors LGBT est un réel problème en Espagne, ils ne souhaitent pas « retourner au placard et j’ai constaté qu’ils étaient isolés et que beaucoup pensaient au suicide », ajoute Federico Armenteros.

La résidence de 3300 m2, en cours d’achèvement, est située dans le quartier de Villaverde Alto et pourra accueillir environ 100 personnes, dont les 2/3 seront des internes. Un centre de jour pourra accueillir 30 personnes âgées et une crèche. Comme le précise Frédérico Armenteros, la résidence est ouverte à tous : « beaucoup de personnes âgées du quartier nous ont dit vouloir venir dans ce centre et nous précisons qu’il est ouvert à tous ».

L’intérêt du projet provient aussi du fait qu’il s’agisse d’une maison de retraite financée par des fonds publics, accessible aux seniors dotés des faibles ressources financières. « Le projet a été bien reçu. Après tout, nous demandons quelque chose qui existe déjà en Allemagne, en Hollande, au Danemark… Seulement, nous avons rendu la résidence publique pour qu’elle soit accessible aux personnes âgées qui ont peu de ressources ». Pour lui, cette démarche se situe au-delà même du politique : « c’est une histoire de droits ».

Ce fondement éthique se perçoit également en Italie dans « La casa di riposo per musicisti » (maison de retraite des musiciens), construite à l’initiative du compositeur romantique italien Giuseppe Verdi et destinée à des artistes ayant consacré leur vie à l’art de la musique et qui sont en difficulté.

Casa Verdi oeuvre de l’architecte Camillo Boito ©Casa Verdi

Verdi, qui décida à la fin du XIXe siècle de créer une « maison de repos » sur la Piazza Michelangelo Buonarroti à Milan, l’appelait « l’œuvre la plus belle » de sa vie. Elle avait pour objectif de permettre aux musiciens indigents de finir leur vie décemment.

L’édifice, achevé le 16 décembre 1899, est l’œuvre de l’architecte Camillo Boito. De style néo-gothique, utilisant des éléments gréco-romains types, colonnes, fronton, et proportions harmonieuses, il se compose de deux étages auxquels un troisième sera ajouté dans les années 1930. Mais la Casa Verdi n’ouvrira qu’en 1902, après la mort du musicien à 87 ans, ce dernier refusant qu’on puisse le remercier. Et 119 ans plus tard, elle fonctionne comme au premier jour, sans dette ni soutien public, un « vrai miracle », selon son président Roberto Ruozi.

Les usagers versent une contribution mensuelle, calculée en fonction de leurs revenus, mais qui représente moins d’un cinquième du coût réel de leur séjour, « grâce à l’argent généré par le patrimoine que nous possédons », explique Roberto Ruozi. « Verdi a laissé à la Casa Verdi tous ses droits d’auteur, ce qui pendant 60 ans a représenté des sommes non négligeables, qui ont été en partie investies » dans 120 appartements, aujourd’hui loués par une soixantaine de personnes, ajoute-t-il.

La Casa Verdi possède ainsi des installations et un personnel qualifié pour répondre aux besoins de ses musiciens retraités. La « Musicians Home Foundation » se charge de mettre en place un système efficace de prise en charge des droits et des besoins de ses résidents et d’améliorer la qualité de ses services. La Fondation poursuit plusieurs objectifs : préserver l’indépendance personnelle en encourageant les initiatives de chacun, respecter le droit à la vie privée, reconnaître et maintenir le rôle des résidents dans la société en favorisant leurs liens avec la famille et les amis. Les personnes logées se retrouvent donc dans un environnement où ils peuvent se sentir partie intégrante d’une société, où l’on encourage leur participation à des événements culturels et artistiques promus par les institutions de la ville et où, enfin, ils passent cette période de leur vie paisiblement.

« C’est comme être dans une maison pleine de souvenirs, une maison que l’on aimerait laisser intacte, toujours, et dont on prend soin avec affection.»

Lorenzo Arruga

La Casa Verdi a aussi bénéficié de donations de bienfaiteurs, « On est logés, nourris, il y a une assistance médicale. On s’occupe de nous merveilleusement et il y a tout : des salles pour travailler le piano, la salle de concert… », souligne Raimondo Campisi, un pianiste de 71 ans arrivé il y a quatre ans à la Casa Verdi.

L’institution héberge aussi une quinzaine d’étudiants, venus de toute l’Italie, du Japon ou de Corée, du conservatoire et de l’académie de la Scala à Milan. Une initiative lancée en 1999 afin de permettre un échange et des transmissions entre générations.

Habitants de la Casa Verdi lors d’une improvisation d’opérette ©Casa Verdi

Pour Lorenzo Arruga, critique musical et librettiste : « Il y a quelque chose de sévère mais somptueux, d’imparfait mais ordonné et symbolique – un peu comme l’opéra lui-même – et en entrant, vous souhaitez pouvoir chanter des extraits d’opéra comme une façon de prier, tout comme lui : il était non religieux et plein de doute, mais il devait admettre la nécessité de prier précisément pendant qu’il faisait chanter les gens. Vous entrez, et vous ressentez une histoire qui ne vieillit pas. C’est une continuité historique. Là, dans ce vaste et magnifique environnement du XIXe siècle, au milieu de grandes fenêtres, d’un espace abondant et de meubles qui peuvent nous rappeler qui sont peut-être dans nos maisons depuis des générations. Mais avec un soupçon supplémentaire de quelque chose d’important, d’intime et de solennel, on se trouve à l’aise. C’est comme être dans une maison pleine de souvenirs, une maison que l’on aimerait laisser intacte, toujours, et dont on prend soin avec affection. »

Cet esprit du « chez soi », du sentiment de maîtrise d’un lieu se reflète également dans le travail de Masue Katayama. Cette entrepreneuse sociale de 81 ans a passé toute sa vie à changer le système de garde d’enfants et de soins infirmiers dans ce qui est aujourd’hui le pays le plus âgé du monde. Elle a d’abord eu l’idée d’acheter des bâtiments abandonnés et d’embaucher des soignants non japonais traditionnellement exclus de la société, comme des personnes handicapées, des sans-abris et des Asiatiques non japonais. Elle propose également un emploi aux femmes asiatiques non japonaises mariées à des ressortissants japonais, à qui l’on accorde des permis de travail, mais qui, par rapport aux ressortissants japonais, reçoivent des salaires inférieurs et sont traitées comme persona non grata sur le lieu de travail.

Au début des années 1980, alors que commence la « révolution grise (19) » du Japon, Masue Katayama a l’idée de créer des maisons de retraite abordables pour les familles de la classe moyenne au Japon en réhabilitant des bâtiments vacants, tels que d’anciens dortoirs d’entreprises. Son modèle est alors novateur car il n’existe que deux options disponibles : des maisons publiques de très mauvaise qualité et perçues négativement par la société, ou des maisons privées extravagantes que seules les familles aisées peuvent s’offrir. La société japonaise ne propose pas d’options viables pour les familles de la classe moyenne.

Masue Katayama préparant le déjeuner chaque mercredi dans l’une de ses maisons du grand âge ©Noel Rojo

Tout commence en 1986 quand Masue Katayama loue une ferme à bas prix. Elle contracte un prêt bancaire de 100 000 $ US pour la rénover en une maison de retraite de seize unités de logements. Celles-ci sont remplies instantanément grâce au bouche-à-oreille, ce qui confirme l’intuition initiale d’un grand besoin en maisons de retraite de qualité et à des prix équitables. Après avoir ouvert la première maison, elle se rend compte qu’il existe des milliers de dortoirs abandonnés, construits par des sociétés pendant la période économiquement prospère (1984 à 1991), mais évacués après la chute économique.

Elle met ainsi en place la Shinko Fukushikai Social Welfare Corporation, qui gère désormais 36 communautés de retraités et 8 garderies d’enfants au Japon (en 2017) tout en développant une approche contextuelle pour changer les attitudes et les valeurs concernant les soins infirmiers (20). Sa méthode d’emploi, le traitement des soignants et le service aux personnes âgées ont transformé l’industrie de la prestation de soins au Japon.

Pour Masue Katayama : « Quand je crée des maisons de retraite, j’y pense constamment comme un lieu où les enfants et les autres membres de la famille peuvent se retrouver. Je ne veux pas étiqueter ces endroits comme étant réservés aux personnes âgées ou comme étant un endroit de luxe. Par exemple, tout jeune peut venir dans nos maisons de retraite et prendre une tasse de thé, ou un enfant peut venir et il y a une place pour jouer. Je veux créer des espaces où les gens se sentent à l’aise, où les gens peuvent naturellement être ce qu’ils sont sans en avoir conscience. Des espaces centrés sur l’humain ! »

Elle précise : « Tout est réglementé, mais ces règles ne correspondent pas nécessairement à ce que les clients et leurs familles veulent et ont besoin. C’est pourquoi je suis toujours un peu éloignée de ce que le gouvernement dicte, que ce soit en ce qui concerne les maisons de retraite ou les garderies. Je me concentre sur les besoins des gens. Et ainsi, je peux me développer et grandir. Et il arrive souvent que le gouvernement dise : « D’accord, cela ne correspond pas aux normes, mais tout le monde dit que c’est pratique » ».

Maison pour personnes âgées Crossheart Saiwai Kawasaki. ©Saiwai Kawasaki

Sa pratique se distingue pour une autre raison : dans une nation partagée entre le Bouddhisme et le Shintoïsme, elle s’inspire de l’Église catholique. « Il y avait un prêtre en particulier qui a eu beaucoup d’influence sur moi, il m’a appris qu’en tant qu’êtres humains, nous sommes très petits et qu’il existe un plus grand pouvoir. Et c’est ce pouvoir qui m’a soutenu dans ce que je fais ».

Le vieillissement est un préjugé

Finalement, les diverses publications et colloques scientifiques orchestrés ces dernières années autour de la thématique « territoires et vieillissement », constituent un indicateur de développement d’une stratégie plus territorialisée des politiques et des pratiques liées à l’avancée en âge.

C’est aussi dans cet esprit que diverses initiatives se font jour et se caractérisent par une grande diversité d’actions qui empruntent habilement des logiques échappatoires au contrôle de l’État ou aux intérêts privés. La politique vieillesse semble ainsi perdre de sa cohérence. Pourtant comme le souligne Vincent Caradec, Professeur de sociologie à l’Université de Lille, il est possible qu’à travers l’action menée de manière non coordonnée sur les territoires locaux, se dessine une redéfinition des bases de la politique vieillesse. En effet, nous l’avons vu, nombre de projets en France, comme à l’étranger, fleurissent dans un souci de mieux prendre en compte les aspirations des personnes et d’inventer plus de réponses transversales.

En réalité, la fonction repoussoir exercée par le secteur médico-social sur un certain nombre de personnes peut conduire à dissocier plusieurs publics : d’un côté, les personnes qui seraient destinataires des politiques du « bien vieillir », et de l’autre, ceux qui dépendraient des dispositifs de prise en charge médico-sociale (21). C’est ce qui se produit précisément dans le domaine de l’habitat où prédomine une vision binaire opposant les nouvelles formes d’habitat aux EHPAD. Une telle représentation, qui occulte le processus complexe et non linéaire du vieillissement, reviendrait alors à diffuser une pensée manichéenne de la vieillesse et des lieux de vie correspondants.

Cette structuration sectorisée des fonctions, des lieux de vie, au sens serviciel, commercial et domanial du terme, et les mécanismes d’individuation programmée de l’habitat s’affirme historiquement dans le modèle urbanistique français. À l’image du plan radioconcentrique (22), archétype de croissance prédominant dans la majorité des grandes villes historiques. Ce processus de sectorisation urbaine, source de ségrégations, de zonages économiques et sociaux, accentue le passage obligé par la voiture et alimente encore plus la sanctuarisation des centres historiques via son système routier et l’éparpillement des logiques domiciliaires individuelles et collectives. De fait, la généralisation de la voiture a provoqué un maillage du territoire à la fois très dense et paradoxalement diffus, devenu ségrégatif pour les personnes âgées.

La question de la proximité des transports publics et des services, qu’il s’agisse des magasins ou des services de santé, permet de contrer l’exclusion territoriale, donnant ainsi le sentiment de maîtriser son espace de vie et sa conscience d’autonomie. Et c’est en cela que la complexité de la politique du vieillissement doit être débattue, négociée et renégociée en permanence dans un « tout », dans son ensemble. Vieillesse et vie urbaine peuvent être complémentaires et le visage de l’aîné ne doit en aucun cas y apparaitre comme un « impensé urbain ».

Vue aérienne de Sun City ville habitat des séniors, construite au milieu du désert Californien ©wikisource

Le rejet s’est traduit par de l’entre-soi exacerbé, comme le projet urbain Sun City (littéralement « La ville du soleil ») en témoigne. Cette ville privée américaine pour seniors aisés, qui compte 37 499 habitants, située dans l’État de l’Arizona, fut créée dans les années 1960. Elle est réservée aux retraités, la moyenne d’âge est de 75 ans et on n’y trouve ni enfants, ni école. C’est une « unincorporated area », c’est-à-dire qu’elle ne dépend d’aucune ville et est autogérée par ses habitants. Elle est également protégée de l’extérieur par une enceinte et un accès contrôlé. Il s’agit donc d’une résidence fermée à l’échelle d’une ville.

Ses habitants, qui ont choisi l’autoségrégation et la sécession, mettent en avant des méthodes de sécurisation extrême. Sun City, c’est la recherche de l’entre-soi, du repli communautaire et une certaine autonomie vis-à-vis de la politique locale en ce qui concerne la gestion du quartier, la vidéosurveillance, les grillages disposants d’équipements de protection qui l’isolent du tissu urbain et rural environnant. Ses administrateurs sélectionnent de façon discrétionnaire les candidatures, avec des critères d’accès portant sur l’âge et la couleur de peau… La ville se compose ainsi de 98,44% de Blancs, 0,51% de Noirs, 0,13% d’Amérindiens, 0,30% d’Asiatiques.

Évolue-t-on vers une américanisation ? Les villages séniors fermés et sécurisés existent déjà en France. Dans une société toujours plus complexe et judiciarisée, comment élaborer des liens ou du « vivre ensemble », lorsque la surenchère des discours est de plus en plus sécuritaire ? Lorsque la croyance dans la « solution miracle » est le tout curatif ou le dématérialisé ? Le discours de la peur est récurrent et plus encore quand il est question de la ville, de l’habitat mais surtout de ses usagers. La ségrégation spatiale est de plus en plus à l’image de la ségrégation sociale.

Les questions du grand âge et de l’habitat ne légitiment plus les approximations, car des efforts méthodologiques importants ont été consentis. Elles légitiment encore moins les exagérations. C’est pourquoi la participation des personnes, de toutes les personnes sans différence d’âge ou de genre, dans une réflexion globale et partenariale, offre un appui réflexif immense pour saisir l’ensemble des contextes et les multiples horizons à fabriquer.

Finalement, au regard de l’ensemble des postures analysées, l’habitat au sens large du terme n’est pas exclusivement porteur d’une plus-value au service de la ville et de ses habitants. Il se pourrait même que l’habitat soit un faux problème, car, nous l’avons vu, les initiatives d’habitats sont hétérogènes et difficiles à mesurer. Néanmoins des réponses « en marge » sont porteuses d’espoir, ce sont plutôt des « lieux-tiers » qui tirent leur épingle du jeu.

Des lieux où des agrégateurs de services de proximité améliorent la prise en charge tout en côtoyant l’engagement civique, sans accorder aucune importance au statut d’un individu. Des lieux à petite échelle qui maximisent les circonstances de sociabilité et de service à la personne en soi. Ces différentes formes peuvent être considérées comme des expériences interstitielles, dans la mesure où elles détournent les usages, recréent un nouvel espace en allant à la marge pour retrouver du sens dans les villes fragmentées.

D’où l’hypothèse d’une sensibilité architecturale, gérontologique ou tout simplement humaine des acteurs, afin de développer l’aptitude au travail partenarial, qui peut alors s’hybrider avec la dynamique de « lieux-tiers » afin de produire une démarche innovante. Cela permettrait également de sortir d’un cadre figé où ce sont les experts du savoir médical et les experts gestionnaires qui définissent les politiques publiques et l’action à porter sur le vieillissement.

L’identification de clés de réussite de ces « lieux-tiers » ne signifie bien évidemment pas qu’une telle démarche soit nécessairement vouée au succès indéfini ou duplicable. Mais on dit assez souvent que chaque démocratie possède son débat, en associant démocratie représentative et démocratie délibérative. La recherche du profit et de l’opportunisme technologique n’est pas antinomique avec la qualité sociétale d’un projet.

Proposer des lieux incitant à se côtoyer ne suffit pas pour créer des liens, un changement des mentalités dans la société semble donc nécessaire pour avancer et repenser conjointement la santé et le social. L’habitat se vit. Il crée des souvenirs pour l’avenir, construit des repères. C’est un lieu traversé par le regard de la mémoire et des vestiges olfactifs. Ne le négligeons pas !

Notes :

(1) L’intervention de Fany Cerese et Colette Eynard : « Être chez soi en institution » dans le Grand Entretien présenté par Frédéric Serriere est intéressante sur le sujet : https://www.youtube.com/watch?v=iJH-ESNS398

(2) Pour reprendre les termes de l’ouvrage « Figures du vieillir et formes de déprise » de Anastasia Meidani, Stefano Cavalli, 2019, Collection : L’âge et la vie. Éditeur : ERES

(3) Pour reprendre le propos de Danilo Martuccelli, « Figures de la domination », Revue française de sociologie, 2004.

(4) Voir la thèse de Cécile Rosenfelder, « Les habitats alternatifs aux dispositifs gérontologiques institués ».

(5) « L’injonction au bien-être dans les programmes de prévention du vieillissement » de Cécile Collinet et Matthieu Delalandre.

(6) Chiffres : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281151#:~:text=exercice%20de%202006-,12%20millions%20d’habitants%20en%20plus%20en%20France%20m%C3%A9tropolitaine%20en,2007%2C%20date%20du%20dernier%20recensement.

(7) Ou économie des séniors, est une notion récente apparue au début des années 2000.

(8) Natixis est une banque de financement, de gestion et de services financiers, créée en 2006, filiale du groupe BPCE.

(9) Le terme « marché de masse » fait référence à un marché de biens produits à grande échelle pour un nombre important de consommateurs finaux.

(10) C’est dans ce contexte que les groupes commerciaux français se sont tournés vers l’étranger. Korian a acquis des groupes en Belgique et en Allemagne, DomusVi domine en Espagne et Orpea a acquis des groupes en Pologne, en République tchèque, en Allemagne, et est présent en Amérique du Sud. Et tous lorgnent un marché mirifique qui est en train de s’ouvrir : la Chine.

(11) Ce que décrira parfaitement Gilles Duthil dans son livre « L’arrivée du privé dans la prise en charge des personnes âgées ».

(12) Voir : https://www.capital.fr/votre-argent/la-residence-de-services-un-investissement-pas-si-tranquille-1363905

(13) Voir l’intervention de Colette Eynard : http://www.marchedesseniors.com/silver-economie/colette-eynard-inclusion-et-vieillissement/20982

(14) Source : « EHPAD La crise des modèles » de Alain Villez

(15) Voir : http://www.marchedesseniors.com/silver-economie/colette-eynard-inclusion-et-vieillissement/20982

(16) 85% des personnes âgées déclarent préférer continuer à vivre chez elles plutôt que d’entrer en maison de retraite, selon une étude réalisée en France en 2019 par l’IFOP.

(17) L’ouvrage d’Hugo Bertillot et Noémie Rapegno intitulé L’habitat inclusif pour personnes âgées ou handicapées comme problème public, Gérontologie et société, 2019, est particulièrement lucide sur le sujet.

(18) Fondé par la féministe et militante Thérèse Clerc (1927-2016).

(19) Pour reprendre le terme de la Banque Mondiale : https://www.banquemondiale.org/fr/news/feature/2011/01/18/graying-revolution-reaches-low-and-middle-income-countries.

(20) Voir : https://the-inkline.com/2020/05/18/creating-human-centric-nursing-homes-in-japan/

(21) L’article de Dominique Argoud « Territoires et vieillissement : vers la fin de la politique vieillesse ? » est pertinent sur le sujet.

(22) On dit qu’une ville a un plan radioconcentrique lorsque ses quartiers s’organisent en cercles concentriques, du centre-ville à la périphérie.