Pour la première fois de l’Histoire des États-Unis, la résidence d’un ancien président a été perquisitionnée par le FBI. Cet acte explosif a enflammé l’opinion publique et ravivé les spéculations portant sur les ennuis judiciaires de Donald Trump. Le Parti républicain a dénoncé une instrumentalisation de la Justice tandis que le procureur général Merrick Garland (équivalent du Garde des Sceaux en France, nommé par Joe Biden à la tête du Department of Justice dont dépend le FBI) a défendu cette décision historique en affirmant que nul n’est au-dessus des lois. Si les démocrates semblent se féliciter de cette démarche, elle présente de nombreux risques politiques pour des gains potentiels encore peu évidents. Elle intervient à moins de trois mois des élections de mi-mandat, alors que Donald Trump évoquait l’imminence de l’annonce de sa candidature à la présidentielle de 2024.
Ce que l’on sait (et ne sait pas) de la perquisition
Merrick Garland a confirmé avoir personnellement autorisé la perquisition, une décision qu’il n’aurait « pas prise à la légère ». Comme le requiert la loi, le mandat a été validé par un juge fédéral. La requête devait inclure une description précise des objets à saisir et de l’endroit où ils étaient susceptibles de se trouver, ainsi qu’une justification présentant des éléments graves et concordants pointant vers un acte criminel. Si l’affidavit listant ces justifications n’a pas été rendu public, le mandat de perquisition et la liste des documents saisis ont été publiés, à la demande du Department of Justice (DOJ) et avec l’accord de Donald Trump. Ils permettent de circonstancier l’affaire.
Le FBI a perquisitionné la résidence de Mar-a-Lago pour récupérer des documents susceptibles d’être confidentiels. Comme le montre l’inventaire transmis à Donald Trump, le FBI a saisi onze ensembles (« sets ») de documents classifiés. Si la liste ne mentionne pas leur contenu, certains sont présentés comme « top secret », « secret » « confidentiel » et « TS/SCI » (pour Top Secret/Sensitive Compartmented Information), un niveau de sécurité supérieur à « top secret ». La liste mentionne également des albums photos, des notes manuscrites, un dossier sur la grâce présidentielle accordée par Trump à Roger Stone et une autre pièce intitulée info re : president of France.
Enfin, le mandat de perquisition cite les lois potentiellement violées par Donald Trump justifiant cette perquisition, à savoir :
• USC 2071 : dissimulation, destruction ou modification de documents officiels dont une personne à la garde, de manière délibérée et illégale, passible d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison et d’inéligibilité à vie.
• USC 1519 : dissimulation, destruction ou modifications de documents officiels dans le but de faire obstruction ou d’influencer une enquête judiciaire, passible d’une peine maximale de vingt ans de prison.
• USC 793 : obtenir, transmettre ou perdre des documents ou informations ayant trait à la défense nationale, passible d’une peine maximale de dix ans de prison.
La troisième loi fait partie de ce qui est communément appelé l’Espionage Act bien qu’il ne se réfère pas uniquement aux affaires d’espionnage.
À l’annonce de la perquisition, la presse a initialement avancé l’idée qu’une telle décision signifiait que le FBI pensait obtenir les preuves irréfutables d’un crime extrêmement grave.
Or, la lecture du mandat de perquisition et la déclaration de Merrick Garland suggèrent qu’il n’en est rien. La perquisition n’avait pas de lien évident avec l’enquête portant sur l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021 et les efforts de Donald Trump pour renverser le résultat de l’élection présidentielle. Comme l’a rapporté la presse en long et en large depuis, il s’agissait d’abord d’une dispute entre Trump et le service des Archives nationales (NARA – National Archives and Record Administration) à propos du stockage de certains documents potentiellement confidentiels.
D’importantes zones d’ombres subsistent. Premièrement, le DOJ n’a pas rendu public l’affidavit contenant les justifications présentées au juge pour obtenir l’autorisation de la perquisition. Les motivations du FBI ne sont donc pas entièrement claires, et le périmètre de l’enquête pourrait être plus large que ce que suggère le mandat de perquisition. Ensuite, on ne sait pas si le FBI a trouvé les documents qu’il cherchait ni ce que contiennent les documents saisis. Enfin, les raisons qui ont poussé Trump à conserver ces documents et refuser de les restituer font l’objet de nombreuses spéculations.
Toutes ces questions sont essentielles pour saisir les retombées politiques potentielles de l’affaire, et les suites judiciaires que Merrick Garland pourrait décider de lui donner.
Une bombe politique
Selon le Washington Post, Donald Trump s’est initialement réjoui de la perquisition, convaincu que le FBI avait commis un faux pas qui le servirait politiquement. Dans un communiqué destiné à exploiter le scandale, il dénonçait une instrumentalisation insupportable de la justice visant à l’empêcher de se présenter aux prochaines élections, dans la droite lignée de la « chasse aux sorcières » du Russiagate.
Le Parti républicain, profondément divisé vis-à-vis de l’ancien président, a immédiatement fait bloc derrière lui. Des élus ont promis de perquisitionner Joe Biden dès qu’ils reviendront au pouvoir. Le sénateur Marco Rubio évoquait le risque de glissement vers une instrumentalisation permanente de la justice, digne d’une république bananière. L’action de Merrick Garland a été comparée à la Gestapo de l’Allemagne nazie et qualifiée de scandale digne du Watergate. Les élus les plus trumpistes ont demandé à ce que Merrick Garland soit destitué et que le FBI soit dissous ou privé de budget. Un comble pour le parti de « la Loi et l’Ordre »…
FoxNews et l’appareil médiatique conservateur ont amplifié les accusations, mensonges et théories complotistes issus du camp trumpiste. En particulier, l’idée selon laquelle le FBI aurait placé de fausses preuves dans les documents saisis. Attisant les peurs, le Parti républicain a mis en avant un discours alarmiste sur le thème « s’ils peuvent faire ça à un ancien président, imaginez ce qu’il sont capables de vous faire ».
If they can do it to a former President, imagine what they can do to you.
— House Judiciary GOP 🇺🇸🇺🇸🇺🇸 (@JudiciaryGOP) August 8, 2022
À cette volée d’indignation s’ajoutent de multiples menaces de mort proférées à l’encontre de Merrick Garland, du directeur du FBI (un républicain nommé par Trump), du juge fédéral ayant autorisé la perquisition et de nombreux agents du DOJ, cela par des anonymes associés à l’extrême droite américaine. Des appels à la guerre civile sont apparus sur les réseaux sociaux. Un individu suspecté d’avoir participé à l’insurrection du 6 janvier est passé aux actes en prenant d’assaut un bureau du FBI de l’Ohio, avant d’être poursuivi puis abattu par les forces de l’ordre.
Les virulentes protestations de la droite américaine s’ajoutent à la frustration grandissante du camp démocrate. Si cet électorat se félicite de voir Trump enfin inquiété par le DOJ, il semble avoir des attentes disproportionnées quant à l’issue de cette enquête.
Une simple histoire de stockage d’archives ?
Depuis son départ précipité de la Maison-Blanche, le service des Archives nationales soupçonnait Trump d’avoir emporté des documents sensibles. En janvier 2022, ce dernier avait accepté de restituer une quinzaine de boites. La NARA s’est rendu compte qu’elles contenaient de nombreux dossiers confidentiels, et qu’il manquait toujours des documents classifiés. Elle a saisi le DOJ, qui a décidé d’ouvrir une enquête portant sur la gestion de ces documents. Des agents de la NARA se sont également déplacés à Mar-a-Lago pour contrôler les conditions de stockage, et demander à ce qu’un verrou soit ajouté à la porte d’une pièce contenant des archives présidentielles, selon le Washington Post citant des personnes familières avec le sujet. Trump aurait ignoré la requête officielle du DOJ demandant à ce que soient restitués les documents confidentiels.
Face au manque de coopération de l’ancien président, le DOJ a envoyé un subpbonea (assignation de justice) au mois de juin, également ignoré par Trump. À court d’options, Merrick Garland a autorisé la perquisition pour récupérer de force les documents.
Le FBI a opéré en plein jour, avec des agents habillés en civil et à une date où Trump lui-même se trouvait à New York, ce qui semble indiquer une volonté de ne pas faire d’esclandre. Comme si une telle intrusion allait passer inaperçue. De son côté, à en croire ses proches et d’anciens collaborateurs cités par le Washington Post, Trump a un certain mépris pour le système de classification. Il avait l’habitude de détruire ou manipuler des documents, sans porter d’attention particulière à leur archivage. Sa vanité et sa désinvolture expliqueraient au moins partiellement pourquoi il n’aurait pas souhaité rendre les documents, malgré les injonctions du DOJ. Or, en tant qu’ancien président, il a accès aux rapports quotidiens des services de renseignements et peut consulter librement les documents liés à sa présidence aux Archives nationales. Ce qui rend son refus de restituer les documents relativement incompréhensible. Interrogé par le FBI, son avocat aurait déclaré que Trump refusait de restituer les dossiers, répétant « c’est pas à eux, c’est à moi ».
Ces éléments plaident pour une analyse assez simple de l’affaire : Trump ne souhaitait pas se plier aux exigences de la NARA par vanité et incompétence, et le DOJ aurait pris le risque politique d’une perquisition dans le seul but de récupérer des documents potentiellement sensibles. Ce ne serait pas la première fois que Trump se place dans le collimateur de la Justice par maladresse ni que le DOJ agit en déconnexion avec la réalité politique du moment.
Garland était le candidat consensuel choisi par Obama à la Cour suprême. Il a obtenu le poste de Garde des Sceaux de Biden comme lot de consolation, avec l’instruction de « dépolitiser cette fonction ». Une source travaillant pour le DOJ et citée par la journaliste Krystal Ball plaide pour la thèse d’une forme de naïveté de Garland dans la décision de perquisitionner. La presse américaine rapportait également le fait que Biden a fait savoir à Garland qu’il était frustré de ne pas voir d’action judiciaire entreprise contre Trump suite aux évènements du 6 janvier. Garland, également critiqué par l’électorat démocrate pour son laxisme, aurait-il cédé aux pressions précipitamment ?
À l’inverse, des analystes sérieux voient dans cette situation une tentative préméditée et calculée du DOJ pour mettre Trump sous les verrous, ainsi qu’une volonté de Trump de conserver ces informations ultra-confidentielles pour son propre bénéfice. Les explications données par le DOJ pour ne pas publier l’affidavit justifiant la perquisition suggèrent qu’elle n’était qu’une étape dans une enquête plus large.
Le contenu des documents saisis pourrait éclairer ces questions, mais du fait de leur caractère « top secret », il y a peu de chance qu’ils soient rendus publics.
Que contiennent les documents saisis ou recherchés chez Donald Trump ?
C’est la question à un million de dollars. Face au silence des autorités, la presse américaine a relayé les affirmations anonymes provenant de sources proches de l’enquête. Le Washington Post a ainsi affirmé :
« Des documents classifiés portant sur les armes nucléaires faisaient partie des documents recherchés par le FBI, selon des personnes proches de l’enquête »
De même, le New York Times rapportait :
« La perquisition faisait partie d’un effort du gouvernement pour récupérer des documents qu’une personne informée de cette affaire a décrits comme liés à des programmes parmi les plus secrets conduits par les États-Unis. (…) les enquêteurs étaient inquiets du fait que des informations liées à ce que le gouvernement qualifie de special access programs, un qualificatif normalement réservé à des opérations extrêmement sensibles menées par les États-Unis à l’étranger ou pour des technologies et capacités ultra-secrètes puissent se trouver à Mar-a-Lago ».
Newsweek évoquait une autre possibilité, en écrivant :
« Deux membres du gouvernement fédéral ont dit à Newsweek que certains documents avaient le potentiel de révéler des sources du renseignement américain, incluant des individus travaillant pour le gouvernement ».
Mais, comme le précisent ces trois journaux, il pourrait également s’agir d’informations moins problématiques. Par exemple, un rapport sur l’armement nucléaire d’une autre nation obtenu par des images satellites de haute définition remplirait la description donnée par les trois journaux.
Contacté par Vox, Alex Wellerstein, spécialiste des questions nucléaires, nuançait:
« Il est difficile de savoir s’il s’agit d’informations incroyablement banales et inintéressantes, ou de quelque chose qui aurait des implications énormes pour la sécurité des États-Unis et sa diplomatie ».
Les allégations sur le contenu des documents reposent sur des sources familières avec l’enquête du FBI et ayant vraisemblablement intérêt à défendre la perquisition. Or, les sources de ce type sont parfois contredites par les faits. Rappelons que les fuites sur l’existence d’un programme de primes offertes par Moscou pour chaque soldat américain tué en Afghanistan, qui avaient été citées par Joe Biden pour accuser Trump d’être le « caniche de Poutine », se sont révélées fausses, du propre aveu de l’administration Biden. Avant cela, le Washington Post avait révélé que le FBI avait placé sur écoute un collaborateur de Trump censé travailler pour le Kremlin, ce qui avait déclenché la fameuse affaire du Russiagate. Il s’est ensuite avéré que le FBI avait menti au juge fédéral ayant la charge d’approuver la mise sur écoute, et présenté des preuves reposant sur des affabulations invraisemblables, en connaissance de cause.
Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas prendre ces informations au sérieux, mais simplement avec une certaine précaution.
Ce que risque Trump judiciairement
Il est encore trop tôt pour savoir si le DOJ va choisir d’inculper Trump. Même si ce dernier avait déclassifié les documents en sa possession, ce qui risque d’être difficile à prouver s’il n’a pas suivi les procédures usuelles, l’Espionnage act s’applique également aux informations déclassifiées. Or, il semble clairement établi que Trump a illégalement emporté des documents ultra-confidentiels hors de la Maison-Blanche, refusé de les restituer et menti au DOJ à leur sujet.
Du reste, ce n’est pas la seule affaire qui pourrait lui valoir une peine de prison.
Trump pourrait également être inculpé dans le cadre de l’enquête fédérale portant sur les événements du 6 janvier 2021. Les éléments recueillis par le DOJ s’ajouent aux travaux réalisés par la Commission d’enquête parlementaire, qui a rendu l’essentiel de ses avancées public. La montagne de preuves et de témoignages permettant de démontrer que Trump a tenté de subvertir le résultat des élections en sachant qu’il n’y avait aucun élément permettant de remettre en cause l’issue du scrutin ne laisse aucune place au doute quant à sa culpabilité. Mais, pour l’instant, le DOJ reste muet sur ses intentions, se contentant de faire condamner des participants à l’attaque du Capitole à de lourdes peines de prison.
À l’inverse, l’ancien président a été entendu dans le cadre d’une enquête de l’État de New York portant sur les soupçons de fraude fiscale et autres malversations financières commises par la Trump corporation. Ici, l’enquête semble patiner, ce qui n’a pas empêché Trump de refuser de répondre aux centaines de questions du procureur, invoquant le 5e amendement (droit de conserver le silence pour éviter de s’incriminer) afin de se soustraire à l’interrogatoire. Ironiquement, par le passé, Trump avait asséné qu’user de ce droit constituait une forme d’aveu.
Une dernière enquête, déclenchée par le Comté de Fulton (Géorgie) dans le cadre des tentatives de subversion du résultat des élections de 2020, semble se rapprocher plus dangereusement de l’ancien président.
Bientôt la prison, ou la Maison-Blanche ?
Les premiers sondages suggèrent qu’une majorité d’Américains approuvent la perquisition du FBI et estiment que Trump est probablement en tort. Cette perception pourrait changer dans les prochains mois, alors que la machine médiatique conservatrice se met lentement en marche et que Trump cherche encore son angle de défense, quitte à noyer le public sous une montagne de mensonges aisément démontables.
Politiquement, la perquisition l’avantage et gêne le Parti démocrate, au moins sur le court terme. L’actualité médiatique a été saturée par ce feuilleton, aux dépens des récentes victoires législatives du Parti démocrate. Au lieu de parler du refus des élus républicains de plafonner le prix de l’insuline et d’augmenter les impôts sur les multinationales, cela fait une semaine que la télévision américaine tourne en boucle sur la perquisition de Mar-a-Lago.
De plus, elle a contraint l’ensemble du Parti républicain à faire bloc derrière son président. Comme l’écrivait l’éditorialiste du Times Thomas Friedman, « Le FBI vient peut-être de faire réélire Trump ».
« Sa force provient de sa capacité à imposer des récits qui trouvent un écho chez des dizaines de millions d’Américains. Un de ces principaux récits consiste à affirmer que les élites corrompues et immorales vivant sur les côtes Est et Ouest détruisent l’Amérique. Elles ne se préoccupent que d’elles et s’attaquent à Trump, car il leur tient tête. Mais elles ne s’attaquent pas qu’à Trump, elles s’attaquent aussi à vous ».
La perquisition risque d’alimenter ce récit, surtout si elle accouche d’une souris. Au minimum, elle renforce la position de Trump au sein du Parti républicain à l’approche des élections de mi-mandat, comme le montrent les premiers sondages réalisés depuis.
Mais elle fragilise également politiquement les travaux de la Commission du 6 janvier et la potentielle inculpation de Donald Trump pour sa tentative de coup d’État. Le Parti démocrate a déployé des efforts considérables pour convaincre les Américains de la culpabilité de Trump dans le saccage du Capitole. Pour cela, la Commission parlementaire s’est efforcée de paraître non partisane, donnant une place de choix aux deux élus républicains ayant accepté de participer à ses travaux, et recueillant exclusivement les témoignages d’anciens collaborateurs de Donald Trump.
À moins qu’elle s’inscrive dans ce cadre, la perquisition de Mar-a-Lago ouvre un nouveau front judiciaire qui risque d’ajouter à la confusion et renforcer l’idée que les démocrates ne sont préoccupés que par l’emprisonnement de Trump.
La gauche américaine estime néanmoins que cette perquisition constitue une bonne nouvelle. Depuis le scandale de la Trump University jusqu’à sa compromission dans l’affaire ukrainienne (où il avait requis l’aide de Zelensky pour inculper le fils de Biden) en passant par ses nombreux crimes commis avant, après et durant son passage à la Maison-Blanche, la place de l’ancien président est clairement en prison.
L’hypocrisie de Trump et l’ironie de la situation ne manquent pas de piquant. C’est lui qui avait renforcé la loi portant sur la gestion des documents confidentiels, après avoir fustigé Hillary Clinton pour avoir conservé des emails classifiés sur un serveur informatique privé lorsqu’elle était ministre des Affaires étrangères d’Obama.
De même, Trump a fait un usage brutal de l’Espionnage act pour poursuivre et emprisonner des lanceurs d’alertes, maintenir Edward Snowden en exil et inculper Julian Assange, le condamnant à subir une interminable forme de torture en attendant son extradition. Pour quelqu’un prétendant combattre l’État profond, Trump l’a plutôt remarquablement bien servi.
Habituellement, l’Espionnage act est invoqué contre des lanceurs d’alertes ayant livré des informations qu’ils jugeaient d’intérêt public à la presse. Assange est inculpé pour le simple fait d’avoir « cherché à obtenir » des documents classifiés. Emprisonner Trump pour une simple affaire d’archivage de documents top secret ne serait que justice : un sous-marinier de l’US Navy a purgé un an de prison pour avoir photographié l’intérieur de son sous-marin afin de le montrer à ses proches.
Pour autant, Trump n’est pas le premier président à se comporter de manière douteuse avec les secrets d’État. Avant que ce soit illégal, Lyndon B Johson avait substitué de nombreux documents pour les soustraire aux yeux du public. Dick Chenney avait également utilisé des informations ultra-confidentielles illégalement. Bill Clinton avait temporairement égaré les codes nucléaires. Et son épouse avait géré de manière très problématique sa boite mail officielle.
Tout cela n’excuse pas le comportement de Trump. Pour Jacobinmag, il est temps que les élites américaines subissent la Justice comme les autres citoyens. Obama avait refusé d’engager des poursuites contre les cadres de Wall Street responsables de la crise financière et contre les membres de l’administration Bush ayant contribué à voler l’élection présidentielle de 2000, menti au pays pour envahir l’Irak et instauré un programme systémique de torture. Cette impunité encourage la poursuite de comportements similaires, comme on a pu l’observer au cours de la présidence Trump.
Mais en ce qui concerne ce dernier, la manière la plus rapide et politiquement habile de lui demander des comptes n’est probablement pas celle qui consiste à perquisitionner sa résidence de Mar-a-Lago pour récupérer d’obscurs documents qui ne seront jamais rendus publics…