Hacker la présidentielle. Mettre de côté les enjeux personnels. Présenter une candidature d’union au service de la France. Un projet qui fleure bon le printemps, là où tout est rose, tout est fleuri et merveilleux. L’idée est tentante… Mais cette alliance serait un piège stratégique qui ne ferait que redorer le blason du Parti Socialiste. Cette pétition qui commence à circuler sur les réseaux sociaux est à l’initiative d’un certain nombre de personnalités dont on connaît l’engagement pour un projet de société viable. Cet appel paré de toutes les belles intentions n’en constitue pas moins une grossière erreur de jugement. Et ceux qui, en la partageant, pensent faire preuve du meilleur sens politique, font en réalité le bonheur de tous les barons du système.
Le PS ne mérite aucun pardon
Le résultat du 2nd tour de la primaire est certes une bonne nouvelle. Il marque une étape supplémentaire dans l’effondrement du vieux monde politique. Deux présidents et deux premiers ministres ont été balayés par le piège des primaires. Moins de 15% des électeurs ont participé à celles du PS et de la droite. En faisant confiance aux chiffres surgonflés par M. Cambadélis, tout au plus 2 millions d’électeurs sur 48 potentiels à l’échelle nationale ont participé à la primaire du PS. Et plusieurs milliers sans doute, se sont précipités pour gifler une deuxième fois Manuel Valls. Pas nécessairement pour applaudir Hamon.
Mais les électeurs ont la mémoire courte. N’oublions pas qu’ Hamon est l’heureux héritier du bilan Hollande. Hamon est le complice de la Loi Travail, de la Loi Macron, auxquelles il s’est opposé bien mollement. Mais il est surtout responsable, alors au gouvernement, du vote du traité budgétaire européen (TSCG) en 2012 et du CICE (40 milliards offerts gracieusement au MEDEF sans contrepartie). Quelle crédibilité possède Benoît Hamon, qui prône aujourd’hui la justice sociale après avoir été membre d’un gouvernement qui l’a niée an bloc ? Il y a quelques jours, on soupçonnait le PS de manipulation des résultats au premier tour des primaires. Peu de votants, 35 000 adhérents tout au plus et un bilan catastrophique. Et soudain, au lendemain de la victoire de Benoît Hamon, un curieux bond dans les sondages, comme pour mieux rappeler au troupeau pour qui il faut voter. Le PS n’est plus qu’une coquille vide et ne mérite pas qu’on oublie son bilan. L’idée d’une convergence sous l’égide d’Hamon est tentante. Mais quelle est sa légitimité après avoir été le fossoyeur des valeurs de la gauche ?
Crédibilité et cohérence zéro
Impossible de s’allier quand les projets sont trop différents. La pétition entend œuvrer pour un projet écologique, social et économique au service de la France. Il s’agirait de regonfler la voile de la gauche et de faire barrage aux dangers que constituent le néo-libéralisme de Fillon et Macron et la xénophobie de Marine Le Pen. Encore une fois, les électeurs ont la mémoire courte. On se remémore encore le fameux « mon ennemi c’est la finance ! » du brave Hollande. Les déclarations d’intention des candidats ne comptent pas : seules devraient nous intéresser la crédibilité des partis et la cohérence des programmes. Or, de crédibilité et de cohérence, le parti et le programme de Hamon n’en possèdent pas.
Le PS devrait d’abord commencer par résoudre ses propres incohérences en interne. On oublie vite que Myriam El Khomri dans le 18ème et Manuel Valls à Evry sont candidats aux législatives. Cela signifie que la ministre de la Loi Travail, et le 1er ministre du 49-3 se présentent en promettant – via Hamon – d’abroger la Loi Travail et le 49-3. Sans compter les défections en cours et à venir des ténors du PS qui rejoignent Macron la queue entre les jambes, priant pour sauver leur carrière politique ! Même inconséquence pour le programme politique de Benoît Hamon : l’ex-ministre de l’Education nationale use et abuse de la communication sur un hypothétique « revenu universel » tout en jouant les européistes béats. Mais des revendications écologiques et sociales radicales ne seront pas dissociables d’une interrogation critique vis-à-vis du projet européen. Le programme de Benoît Hamon est strictement inapplicable dans le cadre de l’Union Européenne, fer de lance des politiques néolibérales et bras armé des lobbies pollueurs. Or, de son aveu même, Benoît Hamon ne croit pas à l’idée d’un “rapport de force” avec l’Union Européenne. Quelle crédibilité, dès lors, pour son programme écologique et social ?
Diviser pour régner
L’appel du pied d’Hamon et cette pétition sont un piège. Appeler à une telle convergence à moins de trois mois de l’élection présidentielle peut donner à certains l’impression d’œuvrer pour le meilleur des mondes en dénonçant le « jeu des égos » et la stratégie politicienne. C’est en réalité la manœuvre parfaite pour assurer la pérennité du système. Proposer une alliance sans avoir l’intention de, forcer les autres à la refuser, les dénoncer ensuite. Avec le renfort de la grande presse et de sondages bidonnés, huer les égoïstes et les stratèges. Le deal parfait pour semer le trouble et sauver le parti socialiste ! Classique. On nous a déjà fait le coup. Hamon, en 2012 déjà, déclarait au Figaro en parlant de Hollande : « On lui assure un flanc gauche qui évite que certains électeurs se tournent vers Mélenchon. » A moins que Hamon n’ai été touché ces 2 derniers mois par la grâce divine et la révélation écologiste, il pourrait tenir toujours le même rôle. Le risque, en définitive, à trop appeler à une convergence qui irait dans le même sens qu’en 2012, serait d’ouvrir la voie à un Macron qui siphonne d’ores et déjà des voix de tous les côtés. On apprend ce matin qu’ Hollande manifeste son soutien à Hamon. Au mieux, la preuve d’un bel aveu de filiation. Au pire, la marque de Caïn signé Hollande pour sacrifier définitivement Hamon au profit de Macron. En ce sens, et sans être défaitiste, il faut aussi s’attendre à l’éventualité d’un second tour Macron – Fillon. Dans cette perspective, aucun intérêt stratégique à se compromettre avec un parti dont les cadres abandonnent déjà le navire pour se jeter dans les bras de « monsieur Rothschild ».
Il s’agit de refuser d’être cette fois les complices d’un PS impardonnable. Yannick Jadot refuse déjà l’idée d’une alliance, souhaitant incarner seul les idées d’ EELV, à moins qu’Hamon ne “s’émancipe du PS“. Plutôt que de s’engouffrer à nouveau dans des manœuvres d’appareil, le défi des électeurs et des candidats sera de se focaliser justement sur un programme radical. Pour redorer le blason de la gauche, engageons-nous pour un projet global de planification écologique, de relocalisation de l’économie, de fin du productivisme et de justice sociale. Le défi est bien celui d’une exigence écologique couplée à une nécessaire justice sociale. Donc ce n’est pas sur un PS compromis qu’il faudra compter ! Si penser que ce qui nous unit est plus important que ce qui nous sépare, alors il apparaît indispensable de laisser le PS mourir pour mieux préparer l’avenir. Aller vers une « démocratie collaborative » implique de ne pas renouveler notre confiance à ceux qui se sont assis à la table du gouvernement. Et si Mélenchon avait les clés en main ? Il ne tient qu’à lui de fédérer pour la gagne, celle de la vraie gauche, sans concéder sur le fond. Appeler à une convergence, sans aucun doute. Mais sans le PS.
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