COVID-19 : les États-Unis face au désastre qui vient

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© Marc Nozell / Wikimedia Commons

Deux millions de morts et un taux de chômage à 30%, ce sont les dernières prévisions en cas d’inaction face à l’épidémie de coronavirus. Avec un président longtemps dans le déni, un exécutif désorganisé, un système de santé à deux vitesses, une protection sociale quasi inexistante et des inégalités records, les États-Unis semblent particulièrement vulnérables.  C’est sans compter sur leur souveraineté politique et monétaire qui leur confère des marges de manœuvre considérables. Reste à savoir comment se manifestera la réponse politique. Capitalisme du désastre tel que l’a théorisé Naomi Klein dans La stratégie du choc, ou sursaut « socialiste » comme le préconise Bernie Sanders et les forces « progressistes » ? Reportage depuis Houston.


 «Le vieil oncle Sam se réveil enfin ». Dans les boucles de messagerie électronique Wechat de la communauté chinoise de Houston, on s’amuse de la réponse tardive et précipitée des Américains face à la pandémie. Depuis deux mois, les membres de ces groupes de discussions stockent masques, solutions hydroalcooliques, papier toilette et autres vivres. Désormais certains se ruent sur les armes à feu et les munitions. Depuis la première allocution de Donald Trump le 12 mars, les supermarchés sont en rupture de stock et les armureries prises d’assaut. 

Le vendredi 13 mars, la plupart des grandes entreprises demandent à leurs employés d’adopter le télétravail. Les écoles ferment, les événements sportifs sont annulés, et le fameux rodéo qui accueille plus de deux millions et demi de visiteurs sur six semaines se termine prématurément. Houston n’a diagnostiqué que 30 cas de Covid-19 lorsque le maire décrète la fermeture des bars et restaurants.

À travers le pays, de nombreux États, entreprises, villes et associations ont pris les devants du gouvernement fédéral pour mettre en place des mesures drastiques. Malgré des conséquences financières significatives, la NBA (National Basketball Association) a suspendu sa saison au premier test positif d’un joueur, le pivot français des Utah Jazz, Rudy Gobert. À Austin, le festival culturel « South By Southwest », qui accueille près d’un demi-million de visiteurs chaque année, a été annulé le 6 mars. Dans d’autres États, le confinement est désormais imposés aux populations. Ces initiatives locales contrastent avec les tâtonnements de Donald Trump et le manque de préparation spectaculaire des services de santé. 

Les États-Unis, une nation particulièrement exposée

Deux millions de morts d’ici la fin de l’année et deux millions de chômeurs supplémentaires en une semaine. Ces deux chiffres, le premier issu d’une étude épidémiologique de l’Imperial College de Londres, le second des projections économiques de Goldman Sachs, indiquent l’ampleur de la catastrophe sanitaire et sociale qui s’annonce. 

Pour commencer, l’absence de congés maladie et de congés payés dans la législation (bien que certaines entreprises en offrent à leurs employés volontairement) force de nombreux Américains à se rendre au travail en étant malades. D’autant plus que les minimas sociaux et l’assurance chômage anémique rendent la perspective de perte d’emploi terrifiante, et ce particulièrement en situation de pandémie, puisque la plupart des actifs reçoivent leur assurance maladie via leurs employeurs. Sachant que près de la moitié des Américains n’ont pas les ressources financières pour faire face à un imprévu de plus de quatre cent dollars, le chômage partielle n’est pas une option.[1] 

Parmi les travailleurs les plus exposés, on compte les employés de la restauration, de l’hôtellerie et du tourisme ainsi que les chauffeurs de taxi, et plus généralement toutes les  professions dont le salaire dépend majoritairement des pourboires. 

Fermer les écoles présente un autre dilemme, car jusqu’à vingt-deux millions d’enfants dépendent des cantines scolaires pour se nourrir, en particulier à New York. 

À cette situation sociale fragile s’ajoute un système de santé à deux vitesses. 87 millions d’Américains ne sont pas ou mal assurés, ce qui empêche un quart de la population de se rendre chez le médecin pour se faire dépister. Quant aux Américains disposant d’une couverture maladie décente, le système de franchise médicale les dissuade de consulter un médecin en cas de symptômes légers (les premiers mille à deux mille dollars de frais médicaux annuels étant à la charge du patient). [2]

Les pires conditions sont ainsi réunies pour une propagation éclair de la maladie. Or, le système de soin est particulièrement mal préparé. Les hôpitaux manquent de tout : masques et tenues protectrices, gel hydroalcoolique, machines respiratoires, lits et personnels. Certains établissements demandent déjà un plan de sauvetage financier, à l’instar des banques en 2008, pour continuer de fonctionner. De plus, le système étant majoritairement privé et fondé sur une logique de concurrence, tout effort de coordination est difficile à mettre en place. Par exemple, il est très difficile de transférer des masques et du personnel soignant d’un hôpital à un autre. 

Cette logique du profit pousse certains établissements à refuser de décaler la date des chirurgies « non-urgente » pour libérer des capacités d’accueil en vue de traiter les victimes du coronavirus. D’autres interdiraient à leurs infirmières de porter le masque dans les couloirs, pour éviter la mauvaise publicité. The Intercept rapportait ainsi qu’un hôpital avait décidé de ne pas isoler un patient atteint du virus, et de ne pas mettre de signe clair indiquant au personnel soignant qu’il était contagieux, « pour éviter d’affoler les clients ». Résultats : plusieurs aides-soignants sont venus s’occuper de ce patient sans porter la moindre protection. 

Si le changement de rhétorique effectué par Donald Trump semble indiquer qu’il prend désormais la crise au sérieux, les décisions fortes sur le front sanitaire se font toujours attendre. 

Trump : du déni au « chef de guerre »

Le 28 février, Donald Trump qualifie le coronavirus  de complot démocrate destiné à réduire ses chances de réélections. Cette sortie s’ajoute à une longue série de déclarations publiques destinées à minimiser la situation, ignorant au passage les rapports des agences du renseignement qui alertaient dès la fin janvier sur le risque de pandémie. Or, le déni initial du président a été amplifié et repris en boucle par les médias conservateurs du pays.

Fox News, première chaîne d’information continue, se déchire entre ses deux réflexes habituels : affoler ses téléspectateurs et défendre le président. Pendant un long mois, ses principaux présentateurs choisissent la seconde option. La journaliste Trish Regan qualifie la pandémie de « dernière trouvaille des démocrates pour nuire à Donald Trump, après l’échec du RussiaGate et de la procédure de destitution ». La vedette de la chaîne, Sean Hannity, parle de « simple grippe » et de « complot de l’État profond contre Trump ». Certains intervenants encouragent les téléspectateurs à prendre l’avion pour profiter des prix bas, et à se rendre dans les restaurants où le service sera « plus rapide que d’habitude ». Un propos repris par David Nunes, un des leaders du parti républicain au Congrès. [3]

Le conservateur Rush Limbaugh, présentateur radio le plus influant du pays, explique pendant des semaines à ses 16 millions d’auditeurs que le virus est « une simple grippe » fabriquée par les Chinois pour affaiblir l’économie américaine. Ces lignes éditoriales sont d’autant plus cyniques que l’âge moyen de leur audience est supérieur à soixante ans. En effet, selon divers sondages, les électeurs républicains sont deux fois moins susceptibles de prendre le coronavirus au sérieux que les électeurs démocrates.

Donald Trump a une part de responsabilité dans ce désastre. En conférence de presse le 13 mars, il continue de traiter la crise comme un problème de perception plutôt qu’une crise sanitaire, se permettant de serrer de nombreuses mains devant les caméras avant de reconnaître qu’il avait été en contact avec une personne testée positivement au coronavirus quelques jours plus tôt. Il a longtemps refusé de décréter la “situation d’urgence” par crainte d’affoler les marchés, et ira jusqu’à reconnaître publiquement qu’il s’oppose à la multiplication des tests afin de minimiser artificiellement le nombre des cas enregistrés et d’éviter la panique. Cette stratégie calamiteuse fait suite à une série de décisions problématiques. [4]

En arrivant à la Maison-Blanche, Trump a distribué les postes clés de son administration à une majorité de lobbyistes ou personnes inexpérimentées afin de “déconstruire l’État”, comme l’a publiquement revendiqué Steve Bannon, son conseiller stratégique de l’époque. [5] Suivant cette logique, Trump a réduit les budgets de la CDC (Center for Disease Control) et limogé la majorité de ses cadres dirigeant, avant de supprimer la cellule mise en place par Barack Obama pour gérer le risque pandémique. En 2019,  la Maison-Blanche enterre un rapport officiel pointant le manque de préparation du pays.  Pour prendre la mesure de cette désorganisation, il suffit de comparer la réponse de l’administration Obama face à l’Ebola, où les Américains avaient dépêché dix mille professionnels en Afrique pour lutter contre le virus et anticiper les risques de contagion, avec la réponse de Trump face au Coronavirus. Aucun personnel américain n’a été envoyé en Chine depuis le début de la crise. [6]

Les conditions étaient réunies pour une réponse calamiteuse. Parmi les graves manquements, on citera l’incapacité du pays à se procurer des tests de dépistage et à mobiliser des laboratoires pour les effectuer. Alors que la Corée du Sud teste dix mille personnes par jour depuis début février, les États-Unis n’avaient effectué que sept mille tests en tout (pour 1250 cas confirmés) au 11 mars. À cela s’ajoutent le manque persistant de masques (les hôpitaux étant contraints de procéder à des appels aux dons) et un déficit vertigineux de coordination à l’échelle fédérale qui pousse chaque État à se faire concurrence pour gérer ses approvisionnements. Tout cela sur fond de décisions présidentielles prises à l’emporte-pièce. [7]

Le fiasco de l’allocution du 12 mars, prononcée par Donald Trump depuis le bureau ovale, illustre parfaitement cette désorganisation. Malgré la présence du télé-prompteur, Trump commet trois erreurs qui plongent les marchés boursiers dans une nouvelle journée noire : il décrète la suspension des vols depuis les pays européens sous 48 heures en oubliant de préciser que cette mesure ne concerne pas les ressortissants américains, ajoute (à tort) que cette restriction inclut les marchandises et affirme que les assurances maladie privées couvriront les frais d’hospitalisation des victimes du coronavirus. La Maison-Blanche a dû démentir ces trois points, sans parvenir à éviter un retour précipité de milliers de touristes américains qui se sont retrouvés entassés pendant des heures dans les terminaux des aéroports en attendant de passer les douanes (multipliant ainsi le risque de contagion). 

Depuis cette allocution désastreuse, Trump s’exprime majoritairement par voie de conférence de presse, laissant aux experts le soin de répondre à la majorité des questions. Cet exercice quotidien est pour lui une façon de pallier l’annulation de ses gigantesques meetings de campagne, et de politiser la crise. Entre temps, le pays adopte peu à peu des mesures de confinement de plus en plus drastiques, en fonction des villes et des États. Sur le plan économique, Trump semble enfin réaliser que son second mandat dépend de sa réponse à la crise. Au point de reprendre à son compte certaines propositions de Bernie Sanders.

Pour réduire les conséquences économiques, Trump plus ambitieux que les cadres démocrates ?

Contrairement à l’Union européenne, la réponse américaine en matière de politique économique a été rapide et conséquente. La FED a injecté 1500 milliards de dollars dans la sphère financière, et abaissé son taux directeur à zéro. Quant au plan de relance budgétaire, il s’annonce sans précédant. 

Pour éviter un taux de chômage à 20 % dans quelques mois, scénario évoqué publiquement par la Maison-Blanche en cas d’inaction, Donald Trump a demandé un plan d’un trillion de dollars. Au cœur de sa proposition figure l’idée de verser un chèque de deux mille dollars à tous les Américains, sans condition de ressource. Le président a également décrété la suspension des évictions et le report des intérêts sur les prêts étudiants, deux demandes formulées par Bernie Sanders et écartées (provisoirement) par la majorité démocrate au Congrès.

Car si Trump semble déterminé à prendre toutes les mesures nécessaires à sa réélection, le Congrès suit sa propre logique. À ce titre, ses premières réactions ont été révélatrices. 

Les républicains ont d’abord accusé les démocrates de vouloir « profiter de la crise pour faire adopter leurs obsessions socialistes ». Cette critique, reprise par Donald Trump le 15 mars sur Fox News, a été reçue cinq sur cinq par la direction démocrate, qui a volontairement réduit de moitié l’ambition de son propre projet de loi. Ce premier « pack » visait à rendre gratuits les tests de dépistage du coronavirus, tout en offrant deux semaines de congé maladie à tous les Américains. [8]

Mais comme l’a souligné le New York Times dans un éditorial au vitriol, Nancy Pelosi (la présidente de la chambre des représentants du Congrès, sous contrôle démocrate) a pris soin d’exclure du texte les entreprises de plus de 500 salariés. Résultat, le projet voté par sa majorité et adopté quelques jours plus tard au Sénat ne couvre que 20 % de la population active. Politiquement, c’est désastreux : au lieu de faire endosser aux républicains ce manque d’ambition manifeste, les démocrates renvoient l’image d’un parti dans la main des multinationales.

Pelosi a répondu au New York Times qu’elle ne souhaitait pas que « les contribuables américains financent ce que les grandes entreprises devraient fournir d’elles-mêmes à leurs employés ». Un argument qui reflète l’obsession des cadres du parti pour les solutions « sous conditions de ressources » et bureaucratiques, là où des programmes universels comme ceux défendus par Bernie Sanders seraient bien plus rapides à mettre en œuvre et efficaces pour lutter contre ce qui s’annonce comme le plus grave choc économique de l’histoire du pays. 

Pendant que Donald Trump parle de revenu universel, de suspension des paiements de la dette étudiante et de réquisition des usines pour produire des équipements médicaux, le parti démocrate suggère un crédit d’impôt de 500 dollars par famille. À travers cette crise, on assiste à un  prolongement du réalignement électoral en cours. Le parti démocrate apparaît de plus en plus comme une force politique au service des lobbies et attentive à la classe moyenne supérieur vivant dans les banlieues aisées, ces fameuses zones périurbaines qui leur ont permis de gagner le contrôle de la chambre des représentants lors des élections de mi-mandat de 2018, avant de propulser Joe Biden en tête des primaires démocrates. 

Capitalisme du désastre contre socialisme

Si Donald Trump semble s’inspirer des propositions économiques de Bernie Sanders et donne l’impression de déborder le parti démocrate par la gauche, sa réponse à la crise ne saurait être analysée comme un revirement populiste. Son premier instinct a été de proposer des baisses d’impôts et la suppression des cotisations sociales, une priorité du parti républicain pour réduire et privatiser la (maigre) sécurité sociale américaine. Devant la levée de boucliers démocrates et le fait qu’une telle mesure ne permettrait pas de mettre directement de l’argent dans les poches du contribuable, Trump a finalement opté pour un paiement de type « revenu universel ». 

Surtout, il y a une différence importante entre ce qu’annonce le président, ce que son administration met en place, et ce que le parti républicain vote au Congrès. Ainsi, Trump a été forcé de reconnaître que s’il avait invoqué le « Defense power act » dans le but de réquisitionner des moyens de production, cette annonce n’avait été suivie d’aucune action concrète. Une des causes serait l’opposition idéologique de l’administration Trump à toute intervention de l’État et la confiance aveugle du président dans le secteur privé. [9]

De même, la proposition du plan de relance présentée par le Sénat (républicain) est une caricature de « capitalisme du désastre ». Le fameux chèque de soutien à la consommation était initialement réduit de moitié au profit de baisses d’impôts importantes pour les contribuables et entreprises les plus riches, et incluait un chèque en blanc de 500 milliards de dollars pour renflouer les entreprises menacées de faillite, sans contrepartie. Parmi les industries concernées par ce  bail out, la Maison-Blanche a cité les compagnies aériennes, Boeing, les armateurs de croisières, les hôtels et casinos, et les compagnies pétrolières spécialisées dans l’extraction du pétrole et gaz de schiste. Autrement dit, les entreprises parmi les plus polluantes, dont une majorité a dilapidé des montants colossaux en rachat de leurs propres actions. Le plus problématique étant le potentiel plan de sauvetage des grands groupes hôteliers, projet qui bénéficierait directement aux finances personnelles de Donald Trump.

Face à cette « stratégie du choc », le parti démocrate reprend peu à peu ses esprits. Chuck Schumer (président de la minorité démocrate au Sénat) insiste sur l’importance d’inclure des conditions strictes de sauvegarde de l’emploi comme préalables aux plans de sauvetage.

À la chambre des représentants, le groupe parlementaire de la gauche du parti démocrate (le « progressive caucus ») propose lui aussi des mesures ambitieuses de défense des travailleurs pour garantir la continuité des emplois et salaires. Alors que Wall Street conseille aux entreprises pharmaceutiques d’augmenter leurs prix pour profiter de la crise, ses propositions veillent aussi à lutter contre ce genre d’opportunisme. . 

Mais le navire démocrate se retrouve sans capitaine capable de coordonner les efforts des deux chambres du Congrès. Joe Biden a disparu des médias depuis le débat du 15 mars, son équipe de campagne cherchant par tous les moyens à l’empêcher d’apparaître en public. Quant à Bernie Sanders, s’il multiplie les lives, interventions, conférences de presse et levée de fonds, aucune chaîne de télévision ne se donne la peine de couvrir ses efforts. [10]

Mitch McConnel, le chef de la majorité républicaine au Sénat que Vox qualifie de “politicien le plus influent du XXIe siècle”, profite de ce chaos pour tenter d’imposer son plan de relance par la force. En combinant les aides destinées aux américains avec le plan de sauvetage des entreprises dans un seul texte, il met la pression sur les démocrates pour agir dans l’urgence absolue. Comme “stratégie du choc”, on ne fait guère mieux.

Malgré la pression, les démocrates ont voté par deux fois contre ce texte avant de négocier de nombreux aménagements. En particulier, une extension importante de l’assurance chômage (étendue à quatre mois et gonflé de 600 dollars par semaine, aux frais de l’État fédéral); l’injection de 150 millions de dollars pour les hôpitaux et les services de santé; la création d’un poste d’observateur pour superviser les prêts accordés aux entreprises (ainsi qu’un droit de regard accordé au Congrès), l’interdiction de financer les entreprises détenues par Trump et sa famille;150 milliards d’aide aux États, gouvernement locaux et nations amérindiennes et 360 milliards pour les PME. La proposition de revenu universel a été augmenté dans le montant (1200 dollars par adulte et 500 par enfant) mais limitée aux foyers gagnant moins de 75 000 dollars par an et par adulte. La facture s’élève désormais à 2000 milliards, l’équivalent du PIB de la France et le triple du plan de relance d’Obama en 2009.

Si ces victoires semblent significatives, comme l’a indiqué Chuck Schumer en évoquant une “nouvelle assurance chômage sous stéroïdes”, deux problèmes persistes. Les américains ne percevront leurs chèques qu’au mois de mai du fait de la lourdeur bureaucratique liée aux conditions de ressources, et aucune obligation ni condition n’est incluse pour les prêts accordés aux entreprises. Elles se feront donc au cas pas cas et à la discrétion de la Maison-Blanche et du Congrès. En clair, les salariés sont priés de pointer à l’assurance chômage tandis que les entreprises en manque de liquidité seront abreuvés d’argent public sans conditions de sauvegarde de l’emploi, jetant ainsi des centaines de milliers de travailleurs syndiqués au chômage et sans assurance maladie.

Ce plan de relance ne sera probablement pas le dernier, comme l’a fait savoir Nancy Pelosi. Compte tenu de l’augmentation du nombre de malades à un rythme inégalé et du manque de réactivité de la Maison-Blanche, la situation aux États-Unis risque de faire passer la catastrophe italienne pour une promenade de santé.

Or, la droite américaine a déjà signalé sa disposition à sacrifier une part de la population pour éviter un effondrement économique, sans même recourir à l’argument douteux de l’immunité de groupe. Donald Trump a martelé en conférence de presse qu’il ne souhaite pas que le remède soit plus dommageable que la maladie. Un point de vue défendu par le Wall Street Journal et Fox News, et qui a été parfaitement résumé par le vice-gouverneur du Texas : “de nombreux Américains âgés préfèrent se sacrifier pour l’économie que priver leurs petits enfants de l’opportunité de goûter au rêve américain”. Donald Trump a lui-même indiqué qu’il pourrait rapidement mettre un terme aux mesures de confinement décrétées à l’échelle locale et demander aux entreprises de mettre fin au télétravail pour préserver l’économie. [11] Une stratégie suicidaire, selon la CDC.

 

Notes :

  1. Étude de la FED en 2019 : https://www.cnbc.com/2018/05/22/fed-survey-40-percent-of-adults-cant-cover-400-emergency-expense.html
  2. Pour une vue d’ensemble du système de santé américain, nous vous recommandons notre article sur la question : https://lvsl.fr/etats-unis-lassurance-maladie-au-coeur-de-la-presidentielle-2020/
  3. Sur la couverture du coronavirus par les médias conservateur, lire cette enquête du New York Times : https://www.nytimes.com/2020/03/11/us/politics/coronavirus-conservative-media.html
  4. https://www.politico.com/news/2020/03/21/short-term-thinking-trump-coronavirus-response-140883 et https://www.businessinsider.com/trump-reportedly-wanted-coronavirus-numbers-kept-as-low-as-possible-2020-3
  5. Pour un aperçu de ces efforts de « déconstruction », lire https://www.rollingstone.com/politics/politics-features/trump-the-destroyer-127808/
  6. Sur le manque de préparation et de réactivité face à la crise du coronavirus, lire : https://nymag.com/intelligencer/2020/03/coronavirus-shows-us-america-is-broken.html
  7. https://www.vox.com/science-and-health/2020/3/12/21175034/coronavirus-covid-19-testing-usa
  8. https://www.vox.com/2020/3/12/21174968/democrats-coronavirus-stimulus-package-whats-in-it
  9. New York Times : https://t.co/yIyclxQoPL?amp=1
  10. https://www.jacobinmag.com/2020/03/joe-biden-coronavirus-pandemic-presidential-campaign
  11. https://www.washingtonpost.com/politics/trump-says-he-may-soon-lift-restrictions-to-reopen-businesses-defying-the-advice-of-coronavirus-experts/2020/03/23/f2c7f424-6d14-11ea-a3ec-70d7479d83f0_story.html