Papa Schulz à la chancellerie ?

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Martin Schulz, ©fsHH. Licence : CC0 Creative Commons

Si depuis quelques semaines vous vous languissez de la frénésie électorale qui a amené Emmanuel Macron à la tête de notre pays le 7 Mai, ne désespérez pas. Il vous suffit de traverser le Rhin pour retrouver pendant quelques mois l’ « air de la campagne ». Le 24 septembre 2017, nos voisins allemands devront également se rendre aux urnes pour choisir la nouvelle composition de leur Parlement. Les députés fraîchement élus auront alors la charge d’élire la personne qui occupera le poste de chancelier pour les quatre prochaines années.

Comme en France, les sondeurs, politistes et autres experts plus ou moins fiables ont sorti leur boule de cristal depuis longtemps pour tenter de déterminer qui occupera la fonction suprême. On pense en premier lieu à Angela Merkel qui brigue un quatrième mandat. Si sa candidature a été approuvée par 89,5 % des représentants de la CDU en décembre 2016, elle se retrouve cependant en mauvaise posture face à un électorat précarisé se tournant de plus en plus vers le parti d’extrême-droite Alternative für Deutschland. Les déboires de la CDU lors de certaines élections régionales, dans le Mecklenburg-Vorpommern en Septembre 2016 notamment, illustrent parfaitement cette nouvelle tendance qui pourrait bien mettre fin au règne de Merkel. Elle doit également faire face à un nouveau challenger dont le visage n’est pas inconnu en Allemagne : Martin Schulz.

Que penser alors de ce nouveau venu ? Martin Schulz se distingue tout d’abord par un parcours assez atypique. Alors que les politiciens allemands sont habitués à collectionner les diplômes de l’enseignement supérieur (un cinquième des députés du Bundestag possède un doctorat), il arrête le lycée avant d’obtenir l’Abitur (“équivalent” du baccalauréat, ndlr) et suit une formation de libraire. Membre du parti social-démocrate (SPD), il est élu député européen en 1994 et devient Président du Parlement européen en 2012. C’est donc en quittant ce poste en janvier 2017 qu’il décide de s’engager à l’échelon national en vue des élections fédérales de septembre. Il est depuis pressenti comme potentiel remplaçant d’Angela Merkel, annonçant une possible rupture avec ses politiques de restriction budgétaire et d’ouverture commerciale appliquées en Allemagne et fortement encouragées dans les autres pays européens.

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Martin Schulz et son grand ami Jean-Claude Juncker © ErlebnisEuropaBerlin. Adam Berry/EU/AFP-Service. Licence : l’image est dans le domaine public.

C’est du moins ce que s’imaginent les observateurs. Il serait hâtif de voir en Martin Schulz le héraut de l'”Europe sociale”, de par son engagement dans les institutions européennes tout d’abord. Son accession au poste de Président du Parlement Européen fut le résultat d’un accord passé avec les Partis Populaires Européens mettant de facto le Parlement au service de la Commission grâce à la construction d’une « grande coalition » à l’allemande entre les sociaux-démocrates et les conservateurs. On note ainsi le soutien indéfectible de Schulz aux politiques promues par José Manuel Barroso puis Jean-Claude Juncker, en particulier la signature des accords de libre-échange avec les États-Unis et le Canada. Il est donc difficile d’imaginer que l’élection de Schulz puisse porter un coup au consensus néolibéral régnant en Europe.

Si l’on cherchait à comprendre Martin Schulz d’après le spectre politique français, on pourrait le comparer à Emmanuel Macron, voire à François Fillon. 

Avec Emmanuel Macron, il partage une vision fédéraliste de l’Europe (qui va souvent de pair avec une adhésion aux idées néolibérales, assumée ou non), qui lui a valu de devenir en peu de temps le petit chouchou des médias allemands. Il faut dire que dans un pays où la modération est de rigueur dans les discours politiques, Schulz fait office d’exception et joue sur son image d’homme sympathique et énergique pour séduire une partie des électeurs. Mais il devra également se démarquer de la CDU d’Angela Merkel, une mission compliquée quand on sait que les deux partis gouvernent en coalition depuis 2013 et que c’est Gerhard Schröder, membre du SPD, qui a mis en place les réformes les plus dures en termes d’emploi et de budget au début des années 2000 (un peu comme le PS en France).

Enfin, on a découvert récemment des points communs entre Martin Schulz et François Fillon, soit une même tendance à siphonner l’argent public et à placer ses proches à des postes clés. Selon Der Spiegel, il aurait entre autres fait usage d’un jet privé aux frais du contribuable et rémunéré plusieurs de ses alliés en les plaçant au sein de l’administration du Parlement Européen. Ces pratiques ont notamment attiré l’attention de sa compatriote Ingeborg Grässle, chargée du contrôle budgétaire au Parlement. Il est cependant trop tôt pour déterminer l’impact de ces accusations sur la campagne de Schulz qui pour l’instant se place encore devant Merkel dans certains sondages.

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Martin Schulz ravira-t-il à Angela Merkel le poste de chancelière? © ErlebnisEuropaBerlin. Licence : l’image est dans le domaine public. 

Pour finir, il faut prendre en compte les trois défaites subies par le parti de Schulz dans trois Länder, dont la Rhénanie du Nord-Westphalie qui constituait un bastion majeur de la SPD. Ces résultats à l’échelon régional contrastent beaucoup avec l’image d’un Martin Schulz parti pour gagner les élections fédérales en Septembre. Mais quelque soit son résultat, la question des coalitions se pose. Sans nécessairement arriver premier, le SPD pourrait tenter de constituer une alliance dite “rouge-rouge-verte”, avec les écologistes et Die Linke, et ainsi créer une nouvelle majorité au Bundestag. Mais on imagine très bien Schulz reconduire pour quatre ans la grande coalition avec la CDU, faisant ainsi perdurer l’austérité budgétaire si chère à la chancelière actuelle.

Sources :

https://www.mediapart.fr/journal/international/241116/le-depart-de-martin-schulz-rouvre-le-jeu-au-parlement-europeen

http://www.spiegel.de/politik/deutschland/martin-schulz-markus-engels-profitierte-von-fragwuerdigen-zahlungen-a-1134030.html

http://www.spiegel.de/politik/deutschland/martin-schulz-union-knoepft-sich-spd-kanzlerkandidaten-vor-a-1134142.html

http://www.euractiv.fr/section/elections-2014/news/martin-schulz-remis-en-cause-au-parlement-europeen/

http://www.zeit.de/politik/deutschland/2017-02/martin-schulz-spd-cdu-umfragen

Crédits photo

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