« L’esclavage est anéanti en France » : 1794, la première abolition du monde occidental

« Égalité de couleurs. Courage. Égalité de rangs. Puissance » Nouvelles cartes de la République française © Cliché Bibliothèque Nationale de France

Les manifestations antiracistes de l’année passée ont réactivé les controverses autour des personnages dont les noms jalonnent l’espace public. De féroces débats touchant à la présence de collèges Jules Ferry ou de statues de Colbert ont saturé l’espace médiatique, que ce soit pour les condamner ou les défendre. De son côté, l’oubli mémoriel dans lequel sont tombées les principales figures de l’émancipation des Noirs durant la Révolution française n’a pas été évoqué au cours de ces controverses. Si on trouve en France hexagonale des rues Martin Luther King ou des collèges Rosa Parks, on aurait peine à croiser des lieux publics portant le nom de Jean-Baptiste Belley, Toussaint Louverture ou encore Louis Delgrès. Le gouffre entre l’importance de l’abolition de l’esclavage de 1794 – la première de l’ère contemporaine – et la faiblesse de sa commémoration ne peut qu’interpeller. Le sujet de l’esclavage et plus largement de l’égalité de couleurs dans la Révolution française ne tient qu’une faible place dans l’historiographie – à quelques exceptions près, comme le remarquable travail de Jean Jaurès. Pourtant, l’émancipation réussie des Noirs antillais, l’action anti-esclavagiste de la Révolution française et les liens tissés avec la révolution de Saint-Domingue ont eu un impact décisif sur l’histoire du siècle suivant.

« Vous, citoyens noirs qui avez partagé nos succès en combattant pour votre liberté, imitez vos frères les sans-culottes ; ils vous montreront toujours le chemin de la victoire, et consolideront avec vous votre liberté et celle de vos enfants » (1) : c’est ainsi que Victor Hugues, commissaire de la République française, s’adresse en 1795 aux esclaves de Guadeloupe en lutte contre leurs propriétaires. Envoyé par Paris, il a pour mission de fournir des armes aux insurgés contre les colons esclavagistes français. En guerre contre la République, alliés aux monarchies européennes, les colons regardent alors avec intérêt vers les États-Unis. Ceux-ci n’ont-ils pas effectué une sécession réussie avec la Grande-Bretagne, affirmé le pouvoir absolu des colons vis-à-vis de la métropole, institué un modèle esclavagiste pérenne ?

Afin de détruire le « préjugé de couleur », Victor Hugues favorise la création de bataillons métissés : « j’ai pris le parti de former trois bataillons dans lesquels j’ai amalgamé tous les sans-culottes », écrit-il, ajoutant que « ce mélange a produit le meilleur effet possible sur l’esprit des ci-devant esclaves ». L’alliance des « sans-culottes », noirs et blancs, contre les aristocraties, d’épiderme ou de naissance : ce rêve n’a duré que quelques mois. Mais il faut en mesurer la radicalité, tant il a laissé une empreinte profonde sur l’histoire globale du siècle suivant. L’abolition de l’esclavage de 1794 constitue une rupture brutale avec le paradigme politique dominant, tant l’institution esclavagiste était considérée comme intangible.

La société coloniale avant la Révolution : l’esclavage comme fondement inébranlable

L’historien Michel Devèze écrit de la Révolution française que celle-ci a « déchaîné tous les désirs de liberté, ceux des colons comme ceux des malheureux Noirs » (2). « Transgression inaugurale » (3), celle-ci a effectivement rompu l’ordre politique et permis l’éclosion et la diffusion de la révolution haïtienne à partir d’août 1791. De son côté, la révolte des esclaves haïtiens a mis la Révolution de la métropole face à ses contradictions et l’a modifiée en profondeur.

Dans sa bande-dessinée Les Passagers du Vent, le scénariste François Bourgeon fait dire à l’un des négriers – à propos des comptoirs africains – « Ici l’on est avant tout blanc ou noir… Riche ou pauvre… Libre ou esclave ! ». Cette description s’applique également aux colonies établies par les Européens aux Antilles et dont fait partie Saint-Domingue. Située au cœur des Caraïbes, cette île est divisée en deux quand la France en obtient la partie ouest (Haïti actuelle) en 1697.

Pour exploiter les ressources des colonies antillaises, les monarchies européennes utilisent massivement les esclaves qu’elles arrachent à l’Afrique via leurs comptoirs. Les opportunités commerciales sont si lucratives que les colons européens décident d’intensifier la traite négrière en décuplant le nombre d’esclaves. La population captive de Saint-Domingue passe ainsi de 15 000 personnes en 1715 à 450 000 à la veille de la Révolution. Société à part, le système colonial est structuré autour d’une division sociale entre libres et esclaves. Au sommet de la hiérarchie, on retrouve les grands blancs qui forment la classe propriétaire des planteurs. Parmi les libres, six fois moins nombreux que les esclaves, on compte aussi des affranchis et des mulâtres, enfants métis libres de naissance. Enfin, en bas de l’échelle, arrivent les esclaves principalement affectés à l’exténuant travail de la terre.

Esclaves « bossales » aux champs, illustration de l’exposition «Périssent les colonies plutôt qu’un principe » sous la direction de Florence Gauthier à l’université Paris-Diderot, 2010
©Florence Gauthier-Revolution Française.net, 2010

Au sein de la société coloniale, il n’y a donc pas d’esclave blanc. Il existe en revanche des libres de couleur. À l’origine égaux aux blancs, et possédant eux-mêmes des esclaves, ils sont peu à peu exclus de la société coloniale. Les colons blancs, inquiets de l’essor démographique des mulâtres, s’attachent progressivement à leur refuser l’égalité : c’est le préjugé de couleur qui marque une ségrégation inédite dans l’ordre social.

L’effervescence du siècle des Lumières touche de nombreux sujets et la nature de l’esclavage comme celle du système colonial sont également interrogées. La réflexion sur ces thèmes n’est pas nouvelle dans les sociétés occidentales mais l’ampleur des critiques au XVIIIème siècle est inédite. Ainsi, Diderot écrit que jamais un esclave ne peut être « la propriété d’un colon » (4) et Rousseau le suit. Ces réflexions abolitionnistes sont monnaie courante au sein des « lumières » françaises, même si elles sont loin de faire l’unanimité parmi les « philosophes ». Certains, comme Voltaire, acceptent le principe de l’esclavage par fatalisme tandis que Véron de Forbonnais va jusqu’à défendre celui-ci dans l’article « colonies » de L’Encyclopédie.

L’idée même d’abolition est, à la fin du XVIIIème siècle, d’une nouveauté et d’une radicalité révolutionnaires

Olivier Grenouilleau, dans L’abolitionnisme, la révolution, la loi

De fait, le système colonial esclavagiste est alors en plein essor et la prospérité qu’il engendre le rend pratiquement intouchable. Face à lui, l’abolitionnisme très minoritaire, n’offre pas de réelle perspective de réalisation pratique. Il est à cet égard significatif qu’une grande partie des textes défendant l’abolition de l’esclavage soient écrits sur le mode de l’utopie ; moralement souhaitable, elle est politiquement impossible à mettre en œuvre dans une société fondée sur le travail des esclaves (5). À tel point que même les défenseurs des esclaves les plus avancés, comme ceux de la Société des Amis des Noirs, fondée en 1788, ne réclament pas l’abolition de l’esclavage en tant que tel mais seulement celle de la traite, c’est-à-dire du commerce d’esclaves.

C’est la Révolution française qui a permis au mouvement abolitionniste d’aller au-delà de la condamnation morale, et de devenir une réelle menace pour l’ordre esclavagiste.

Le dilemme des « libres de couleur » et le sécessionnisme des colons

Dans ce contexte de bouillonnement politique, les colons de Saint-Domingue accueillent favorablement la convocation des États généraux par Louis XVI (mai-juin 1789). Ils entendent en profiter pour défendre leurs intérêts économiques et accroître leur autonomie. Dans le même temps, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen provoque des remous. Le gouverneur de la Martinique écrit : « Depuis que l’on connaît ici les principes de la Déclaration des Droits de l’Homme […] il n’est pas un Blanc qui ne frémisse à l’idée qu’un nègre peut dire je suis homme aussi, donc j’ai des droits, et ces droits sont les mêmes pour tous » (6).

Rapidement, les colons s’organisent. Ils fondent le Club Massiac à Paris pour exercer un lobbying en métropole à la fois au Club des Jacobins et à l’Assemblée. Ils profitent de la méconnaissance de la situation coloniale pour s’afficher comme le mouvement révolutionnaire des Antilles, alors même qu’ils y forment une aristocratie privilégiée.

Face aux colons, les Amis des Noirs tentent d’interférer avec difficulté car ils ne sont pas aussi influents. De leur côté, les mulâtres libres de Saint-Domingue s’investissent également dans la Révolution pour réclamer l’égalité politique avec les Blancs. Ils se rapprochent d’abord du Club Massiac, envisageant ainsi une alliance des maîtres qui préserverait l’esclavage mais leur assurerait l’égalité de l’épiderme. En butte au refus des colons, certains mulâtres comme Julien Raimond prennent acte que le système esclavagiste se double désormais d’une ségrégation au sein des libres. Le colon Moreau de Saint-Méry la théorise ainsi : « Il n’est pas indigne de l’œil du Philosophe de contempler une Terre où la différence de couleur décide seule de la Liberté ou de l’Esclavage, de l’élévation ou de l’abjection dans l’Ordre civil… » (7). Ailleurs, il ajoute que les « préjugés de couleur » sont « les ressorts cachés de toute la machine coloniale » (8). Face à cette racialisation de l’ordre colonial, Raimond opte donc pour le renversement des hiérarchies sociales par l’abolition de l’esclavage lui-même.

Les premières discussions sur les colonies interviennent en octobre 1789, au moment où l’Assemblée introduit la distinction entre citoyens actifs (assez riches pour voter) et passifs (trop pauvres) malgré les protestations de Robespierre. Aussi, les colons se servent de cette distinction pour justifier celle qu’ils font entre les libres blancs et de couleur. Aux Antilles, certains planteurs se radicalisent avec la création de l’Assemblée de Saint-Marc. Cette dernière regroupe des colons extrémistes opposés au pouvoir colonial du Cap. Sécessionnistes, les membres de la nouvelle assemblée éditent leur propre Constitution en mai 1790, ouvrent leurs ports au commerce étranger, refusent la participation des Noirs aux élections des assemblées et proposent l’île aux Anglais en échange de leur assistance face à la Révolution. Les colons indépendantistes envisagent une sécession sur le modèle de la Révolution américaine car celle-ci présente à leurs yeux l’avantage de concilier la nouveauté du libéralisme économique et la pérennité de l’ordre esclavagiste (9).

Poursuivis par l’Assemblée du Cap, ils se réfugient en métropole où ils sont désavoués par la Constituante à la mi-octobre, y compris par Barnave qui refuse la perte de l’île. Ce dernier cherche à concilier les aspirations des colons et celles de la bourgeoisie portuaire française. Yves Bénot relève la dimension de lutte des classes dans ce conflit où colons « loyalistes » et négriers métropolitains s’allient pour préserver leurs intérêts contre la concurrence économique des mulâtres et la perspective d’abolition de la traite (10).

Dès le moment où vous aurez prononcé le mot esclaves, vous aurez prononcé votre propre déshonneur et le renversement de votre Constitution

Maximilien Robespierre à la Constituante en mai 1791

La coopération entre la métropole et la colonie est ainsi provisoirement sauvée, mais les tensions ne font que croître. Une initiative visant à défendre l’égalité de couleurs, soutenue dans la Constituante par l’abbé Grégoire en avril 1791, impulse le premier débat parlementaire d’ampleur sur le sujet. Il est l’occasion pour une partie du côté gauche de s’affirmer sur cette question. L’intransigeance des colons et l’opposition du côté droit à cette universalisation de la citoyenneté masculine l’empêche d’être votée. Cependant l’Assemblée, qui vient de constitutionnaliser l’esclavage, propose un compromis accordant l’égalité politique aux mulâtres de deuxième génération seulement.

Portrait de l’abbé Grégoire par Pierre-Joseph-Célestin François (1759-1851) © Musée Lorrain, Nancy – G. Mangin

Robespierre ne s’en accommode pas et réclame l’égalité inconditionnelle. Il déclare « puisqu’il faut raisonner dans votre triste système, les hommes libres de couleur n’auront-ils pas les mêmes intérêts que vous ? » (11). Robespierre, en plus de s’opposer à la ségrégation des mulâtres, s’en prend à la traite et condamne l’esclavage : « Dès le moment où dans un de vos décrets, vous aurez prononcé le mot esclaves, vous aurez prononcé et votre propre déshonneur et le renversement de votre Constitution ». Il ajoute : « Périssent les colonies, si vous les conservez à ce prix ». Propos enflammés, mais qui ont une portée politique quasiment nulle dans le rapport de forces d’alors. L’Assemblée s’oppose à l’« exagération » robespierriste consistant à demander l’égalité entre Blancs et Noirs. Elle vote le compromis le 15 mai, accordant droit de cité aux seuls mulâtres de deuxième génération.

Aussi timide soit-elle, cette concession inédite déclenche la fureur des colons qui boycottent l’Assemblée pendant un mois. Au cours de cet été 1791, Barnave entraîne la majorité modérée des députés dans une scission des Jacobins pour créer le monarchiste Club des Feuillants et la plupart des colons le suivent. Le lien entre statu quo colonial et contre-révolution s’impose avec une évidence croissante aux yeux des Jacobins.

La révolution haïtienne et la « guerre de l’information »

Après les colons et les mulâtres, ce sont désormais les esclaves qui rejoignent l’élan révolutionnaire en 1791. La grande insurrection de la nuit du 22 au 23 août déclenche la révolution haïtienne, rapidement menée par l’affranchi Toussaint Louverture. Confrontés à des colons ségrégationnistes qui s’autoproclament révolutionnaires, les esclaves prennent d’abord le parti de la monarchie. Cette alliance est surprenante car, les administrateurs royaux de l’île, bien que certains d’entre eux défendent l’égalité des mulâtres, demeurent nombreux à partager « les pires préjugés des colons » (12) à l’égard des Noirs. Pendant ce temps à Paris, la Constituante est revenue sur le décret du 15 mai à un moment où elle achève la nouvelle Constitution monarchiste. Elle n’est alors pas encore informée de la révolte sur l’île.

Bitwa na San Domingo, Bataille de Saint-Domingue par Janvier Suchodolski (1797-1875) © Muzeum Wojska Polskiego

Au cours des années 1792-1793, la Révolution se radicalise face aux menaces militaires qui pèsent sur elle. Parmi les Jacobins, un nombre croissant de révolutionnaires se rapproche des mulâtres. Certains vont même jusqu’à se solidariser des esclaves face à la répression coloniale qu’ils subissent. Ainsi, dès la fin 1791, on lit dans Les Révolutions de Paris – sous la plume de Chaumette – « périssent 30 000 Blancs gorgés d’or, de vices et de préjugés plutôt que nos 30 000 mulâtres… plutôt que 500 000 nègres tout disposés à devenir des hommes ! » (13) [« hommes » devant être ici compris comme le contraire d’esclaves ] tandis que Merlin de Thionville compare la révolution des esclaves à la prise de la Bastille (14). Certains articles de presse témoignent d’échanges entre les mulâtres et les révolutionnaires métropolitains. Prenant acte de la rupture historique que constitue la révolution de Saint-Domingue, les plus radicaux proposent l’abolition immédiate et inconditionnelle. C’est notamment le cas de Marat, qui abandonne son abolitionnisme graduel et modéré en proposant désormais l’expropriation des colons. À l’Assemblée, le chef de file des Girondins Brissot se démarque en plaidant pour la cause des esclaves.

Tandis que les esclaves révoltés multiplient les références aux principes révolutionnaires, c’est aux Jacobins – devenus essentiellement montagnards à la fin 1792 – que s’engage le rapprochement concret entre les deux Révolutions. Le 4 juin 1793, une délégation mulâtre, menée par Jeanne Odo, une ancienne esclave centenaire, est introduite aux Jacobins pour demander l’abolition de l’esclavage. Celle-ci défile sous la bannière du drapeau de « l’égalité de l’épiderme », un étendard tricolore et orné de trois hommes portant le bonnet phrygien sur chacune des couleurs du drapeau : un Noir sur le fond bleu, un Blanc sur le fond blanc, et un métis sur le fond rouge (15). Elle fait d’abord jurer aux Jacobins rassemblés de ne pas se séparer avant d’avoir aboli l’esclavage. La délégation rejoint ensuite la Commune de Paris où Chaumette a symboliquement fait adopter un fils d’esclave par la ville. Elle se rend enfin à la Convention, où les députés l’acclament.

Les ennemis des citoyens de couleur vont les calomnier auprès du peuple français. [Ces ennemis] sont des colons contre-révolutionnaires qui font la guerre à la liberté

Louis Pierre Dufay, discours à la Convention lors de la séance du 4 février 1794

Labuissonière, mulâtre martiniquais appartenant à la délégation salue les « justes » de « la Sainte Montagne » (16) Grégoire et Robespierre, qui soutiennent la démarche abolitionniste. Mais si celle-ci rencontre un écho important, elle ne parvient pas encore à ses fins. En effet, minés par leurs divisions internes, les Jacobins ne sont pas unanimes sur le sujet. Comme une partie des abolitionnistes et des mulâtres sont ou ont été liés aux Girondins, certains considèrent l’abolition comme partie prenante d’une conspiration pour affaiblir la France.

D’aucuns se laissent aussi manipuler par la « guerre de l’information » en cours en métropole. Il faut en effet compter au moins quatre semaines pour rallier Saint-Domingue depuis les ports français. Ce délai s’étend même à trois mois pour que les événements de l’île soient connus à Paris et que la réponse parvienne ensuite aux Antilles. Les deux révolutions sont donc incapables de connaître la situation précise de l’autre. De plus, les informations qui parviennent aux révolutionnaires sont surtout diffusées par les colons qui déforment celles-ci. L’ampleur de la désinformation est telle que le député abolitionniste Dufay commence, lors de la séance de l’abolition à l’Assemblée, par s’écrier « les ennemis des citoyens de couleur et des noirs vont les calomnier auprès du peuple français » (17). Il rappelle qui organise ces attaques : « ce sont des colons contre-révolutionnaires qui font la guerre à la liberté ».

Ces différents éléments expliquent les positions ambiguës voire pro-colons de certains jacobins en 1793 (18). Pour autant, dans sa trajectoire globale, le mouvement jacobin se trouve aux côtés du mouvement abolitionniste et lui permet finalement d’obtenir gain de cause, début 1794.

Les deux révolutions

Entre-temps sur l’île, la situation est restée explosive. Face à la révolte, les colons de Saint-Domingue poursuivent les lynchages des mulâtres tandis que ceux de Martinique et de Guadeloupe entrent en sécession royaliste. Dans ce contexte, les nouveaux commissaires civils Sonthonax et Polverel atteignent l’île en septembre 1792 pour y faire appliquer l’égalité de couleurs. Ils dissolvent l’Assemblée coloniale, révoquent le gouverneur et forment des Légions de l’Egalité ouvertes aux mulâtres pour combattre les colons.

Début 1793, la situation devient critique pour la République. La Convention girondine a déclaré la guerre à l’Angleterre qui s’est alliée aux colons en promettant de rétablir leur domination. Elle déclare aussi la guerre à l’Espagne, esclavagiste mais qui s’est cependant alliée aux principaux commandants esclaves en leur promettant l’affranchissement. Confrontés à la perspective d’une victoire coloniale, les esclaves de la région se rallient alors aux commissaires français. Sonthonax tente ensuite de rallier l’ensemble des esclaves révoltés à la République. Pour ce faire, il promet d’abord l’affranchissement à tous ceux qui combattront à ses côtés, puis l’abolition générale de l’esclavage. Toussaint Louverture franchit le pas de l’alliance avec la République française au printemps 1794.

Vue de l’incendie de la ville du Cap Français. Arrivée le 21 juin 1793.
© Archives départementales de la Martinique

C’est le pavillon tricolore qui nous a appelé à la liberté

Jean-Baptiste Belley, discours inaugural de la séance d’abolition de l’esclavage le 4 février 1794

Sur ces entrefaites, l’Assemblée reçoit des députés envoyés par les révolutionnaires haïtiens alliés aux commissaires. Ces derniers ont tenu à envoyer une délégation tricolore : un député blanc Dufay, un député métis Mills et un député noir Belley. Ceux-ci sont accueillis à la Convention le 3 février 1794. La séance de l’abolition de l’esclavage se tient le lendemain. Elle constitue un rare moment d’enthousiasme conventionnel alors que la Révolution est, selon les mots de Saint-Just, « glacée ». Le député Lacroix décrit cette séance : « les deux députés de couleur étaient à la tribune […] tous les députés s’élancent vers eux : ils passent rapidement dans les bras de tous leurs collègues » (19). De son côté, le député Levasseur écrit avoir alors « recueilli dans la séance […] le prix de [son] attachement à la cause de l’humanité » (20). Les députés haïtiens et métropolitains multiplient les appels réciproques à la fraternité, notamment sous l’impulsion de Danton qui voit venir le jour pour « décréter la liberté de nos frères » (21).

Belley prononce le discours inaugural, dans lequel il proclame l’alliance entre les révolutions. Une semaine plus tard, il déclare : « Je n’ai qu’un mot à vous dire : c’est le pavillon tricolore qui nous a appelé à la liberté. C’est sous ses auspices que nous avons recouvré cette liberté, notre patriotisme est le trésor de notre prospérité et tant qu’il restera dans nos veines une goutte de sang, je vous jure, au nom de mes frères, que ce pavillon flottera toujours sur nos rivages et dans nos montagnes ». Quelques jours plus tard, Chaumette participe à une fête de l’abolition et proclame « Apaisez-vous, mânes irritées de cent mille générations détruites par l’esclavage ; apaisez-vous, le jour de la justice a lui sur un coin du globe ; l’oracle de la vérité s’est fait entendre du sein d’une assemblée de sages, et l’esclavage est anéanti » (22).

Jean-Baptiste Belley, premier député noir de la Convention, représenté par Girodet de Roucy Trioson (1767-1824)
© Photo RMN-Grand Palais – G. Blot

Dès le mois de mars, ceux qui en métropole ont tenté de faire avorter l’abolition sont emprisonnés par les sections sans-culottes de Paris ; Jean-Daniel Piquet note : « les dossiers de police générale des colons indiquent qu’à la fin mars 1794, la Commune robespierriste relaya la politique entamée par Chaumette […] d’arrestations massives des membres d’assemblées coloniales, symboles vivants de l’aristocratie de la peau » (23). Dans le même temps, l’Assemblée envoie des navires faire appliquer l’abolition aux Antilles en luttant contre les colons et leurs alliés anglais. De son côté, Toussaint Louverture apprend l’abolition métropolitaine à l’été. Il redouble alors d’efforts dans sa lutte contre les Anglo-espagnols.

L’évènement est inédit et sans doute unique dans l’histoire : pour la première fois, une puissance coloniale, devenue républicaine, a finalement pris le parti des esclaves et mulâtres révoltés contre ses propres colons. Il ne s’agit pas, au sens strict, de la première abolition de l’esclavage de l’histoire moderne. Nombreuses étaient les métropoles à l’avoir interdit sur leur propre sol, ou dans certaines de leurs colonies (24). Mais en aucun cas l’institution esclavagiste elle-même n’était en cause. La décision française de 1794 constitue la première abolition intégrale, inconditionnelle, et à vocation universelle.

L’abolition de l’esclavage par la Convention le 16 pluviôse an II/ 4 février 1794, représentée par Nicolas André Monsiau (1754-1837). À la droite de la tribune, assise, on reconnaît Jeanne Odo. À la gauche de la tribune, ce sont certainement les conventionnels Dufay et Belley qui ont été représentés, s’élançant vers le président de l’Assemblée © Photo RMN-Grand Palais – Bulloz

En cela, l’abolition de 1794 diffère de celle de 1848. Cette dernière a en effet été effectuée avec l’aval d’une partie importante des colons esclavagistes, qui ont été largement indemnisés. Elle visait à éviter une nouvelle révolution sociale. C’est pourtant l’abolition de 1848, encore aujourd’hui, que les programmes scolaires mettent en avant.

« L’histoire des hilotes, de Spartacus et de Haïti » : une abolition « pour l’univers »

Ce n’est pas une liberté de circonstance concédée à nous seuls que nous voulons, c’est l’adoption absolue du principe que tout homme né rouge, noir ou blanc ne peut être la propriété de son semblable.

Toussaint Louverture, général haïtien à Napoléon Bonaparte en juin 1800

Si l’abolition de 1794 est inédite, c’est aussi parce que – comme Toussaint Louverture le rappelle à Napoléon Bonaparte en juin 1800 – celle-ci n’est pas « une liberté de circonstance concédée [aux esclaves haïtiens] seuls» (25) et donc destinée à un cadre spatio-temporel restreint. Au contraire, cette abolition est « l’adoption absolue d’un principe », elle est donc universelle, sans limite d’espace ni de temps. Elle est adressée au monde entier comme en témoigne le député Lacroix qui la qualifie de « grand exemple à l’univers » (26).

La révolution franco-haïtienne secoue le mouvement antiesclavagiste en y insufflant une radicalité nouvelle. Elle fait sortir l’abolition de l’esclavage de la sphère des utopies pour la transformer en possibilité tangible et immédiate. Jusque là, l’abolitionnisme international, notamment anglais, était resté progressif et réformiste. Aussi, en proclamant une abolition immédiate fondée sur des principes égalitaires, les révolutions franco-haïtiennes rompent avec ces stratégies « réformistes » et ouvrent une brèche « révolutionnaire » contre l’esclavage.

Elles influencent particulièrement l’Amérique caraïbe qui cherche à se libérer de la tutelle espagnole au début du XIXème siècle. Nourrie par les idées libérales, les élites créoles (blanches) rêvent d’abord d’une révolution inspirée par les États-Unis. Elles craignent qu’une abolition de l’esclavage déclenche un mouvement plus large de remise en cause de toutes les hiérarchies sociales. Cette crainte est aussi partagée du côté des royalistes espagnols. À cet égard, l’abolition française de 1794 plane comme un spectre menaçant ; le gouverneur de Portobelo va jusqu’à écrire : « les Noirs français [Haïti n’est pas encore indépendante] ne doivent être mêlés sous aucun prétexte à la population […] pour éviter que leur pernicieux exemple […] ne portent [les esclaves] à fomenter troubles et séditions contre leurs maîtres dans le but d’acquérir la liberté » (27).

Rapidement, les mouvements indépendantistes d’Amérique latine changent alors de stratégie sous l’influence des révolutions haïtienne et française. Ils considèrent désormais que leur soulèvement, pour réussir, doit inaugurer une conscience nationale hispano-américaine qui leur permette d’unir la société, par-delà les catégories socio-raciales face à la métropole espagnole. Il leur faut créer une nouvelle identité « ni raciale, ni locale, ni culturelle mais politique » (Clément Thibaud) en utilisant pour cela la « définition abstraite du citoyen » (28) issue de la Révolution française. C’est ainsi que Simon Bolivar définit l’identité latino-américaine comme le produit « de l’histoire des hilotes, de Spartacus et de Haïti ».

Plus pratiquement, il leur faut rompre avec le modèle réformiste de leur révolution de départ qui ne visait qu’à une union des élites créoles. Il leur faut désormais embrasser une logique radicale de « révolution ouverte » (Simon Bolivar) et de « guerre à mort aux Espagnols ». Cette nouvelle stratégie place les mouvements révolutionnaires de ce continent dans la trajectoire des révolutions française et haïtienne. L’influence est revendiquée par Bolivar quand, au moment de l’indépendance de la Bolivie en 1825, il voit en Haïti « la république la plus démocratique du monde ». Cette influence franco-haïtienne a favorisé l’introduction d’une pratique révolutionnaire, plus radicale et des principes davantage égalitaires dans l’Amérique caraïbe.

Pourquoi cette abolition de l’esclavage, la première qui soit intégrale et inconditionnelle dans le monde occidental, à l’impact considérable sur le siècle suivant, est-elle la grande oubliée de l’historiographie dominante ? À l’heure où les polémiques mémorielles enflamment l’espace médiatique, l’absence de mention de l’abolition de 1794, qui visait à « détruire l’esclavage » dans le monde entier, ne peut qu’interroger. Le rêve d’une citoyenneté « abstraite, ni raciale, ni locale, ni culturelle mais politique », pensée par les Jacobins, n’est-il pas plus actuel que jamais ?

« Moi égale à toi, moi libre aussi », gravure de Louis Simon Boizot (1743-1809), © Musée du Nouveau Monde, La Rochelle

Notes :

1 : Frédéric Régent, « Armement des hommes de couleur et liberté aux Antilles : le cas de la Guadeloupe pendant l’Ancien régime et la Révolution », Annales historiques de la révolution française, 348, 2007, p. 21.

2 : Michel Devèze, Conclusions « La Révolution française et ses conséquences outre-mer » p.607.

3 : Marcel Gauchet Robespierre, l’homme qui nous divise le plus éd. Gallimard, 2018, p.25

4 : Denis Diderot cité par Yves Bénot La Révolution française et la fin des colonies 1789-1794 éd. La Découverte, p.31

5 : Olivier Grenouilleau L’abolitionnisme, la Révolution, la loi in Frédéric Régent, Jean-François Niort et Pierre Serna Les colonies, la Révolution française, la loi [l’auteur insiste sur « l’apogée d’un système colonial esclavagiste extrêmement puissant » et sur la « radicalité » du projet abolitionniste au moment où l’esclavage est quasi-unanimement accepté comme un mal nécessaire du point de vue économique. « L’idée même d’abolition est, à la fin du XVIIIème siècle, d’une nouveauté et d’une radicalité révolutionnaires », écrit-il]

6 : Silyane Larcher, L’autre citoyen éd. Armand Colin, 2014, p.98

7 : Médéric Louis Elie Moreau de Saint-Méry, extrait de l’introduction des Loix et constitutions des colonies françois de l’Amérique sous le vent

8 : Cité dans Florence Gauthier, L’aristocratie de l’épiderme, CNRS édition, 2007, p. 145.

9 : Comme le note Domenico Losurdo dans sa Contre-histoire du libéralisme.

10 : Yves Bénot, La Révolution française et la fin des colonies 1789-1794 p.47

11 : Maximilien Robespierre Œuvres tome 7 cité par Jean-Daniel Piquet L’émancipation des Noirs dans la Révolution française (1789-1795) ; Ed. Karthala ; 2002 ; p.82.

12 : Yves Bénot, La Révolution française et la fin des colonies 1789-1794 p.51

13 : Jean-Daniel Piquet, L’émancipation des Noirs dans la Révolution française (1789-1795) p.161

14 : Idem p.170

15 : Florence Gauthier, « La Société des Citoyens de Couleur élabore le projet de la Révolution de Saint-Domingue » in Les élections de la députation « de l’égalité de l’épiderme » publié sur le site « Le Canard Républicain » le 1er août 2018 

16 : Jean-Daniel Piquet, L’émancipation des Noirs dans la Révolution française (1789-1795) p.259-260

17 : Louis Pierre Dufay, dans son discours lors de la séance d’abolition de l’esclavage à la Convention nationale le 4 février 1794 in « Grands discours parlementaires » sur le site de l’Assemblée nationale 

18 : Cette ambiguïté avérée ou résultant d’une mauvaise interprétation des discours de certains Jacobins est étudiée par Jean-Daniel Piquet, dans son article Robespierre et la liberté des Noirs en l’an II d’après les archives des comités et les papiers de la commission Courtois publié en janvier-mars 2001 dans les Annales historiques de la Révolution française. L’article souligne l’ampleur de la désinformation organisée par les colons et rappelle néanmoins le rôle des Jacobins et celui particulier de Robespierre pour la concrétisation de l’abolition de l’esclavage.

19 : La Feuille Villageoise n°20, 4ème année, tome 18, Bibliothèque de l’Arsenal cité par cité par Jean-Daniel Piquet, L’émancipation des Noirs dans la Révolution française (1789-1795) p.339

20 : René Levasseur,Mémoires, Paris, Messidor, 1989 cité par Jean-Daniel PIQUET L’émancipation des Noirs dans la Révolution française (1789-1795) p.335

21 : Jean-Daniel Piquet, L’émancipation des Noirs dans la Révolution française (1789-1795) p.337

22 : Olivier Douville, Présentation du Discours de Chaumette au sujet de l’esclavage dans les colonies françaises. Cahier des Anneaux de la Mémoire, Les Anneaux de la Mémoire, 2001, p.345 

23 : Jean-Daniel Piquet, « Robespierre et la liberté des Noirs en l’an II », op. cit.

24 : Domenico Losurdo (Contre-histoire du libéralisme) note une dialectique entre l’abolition de l’esclavage en métropole et sa radicalisation dans les colonies. L’arrêt Somerset, qui marque l’abolition de facto de l’esclavage sur le sol britannique, justifie cette décision par le fait que « notre air est trop pur pour être respiré par des esclaves » – légitimant sa pérennisation dans les colonies, où il en allait autrement.

25 : Florence Gauthier, « Toussaint Louverture mène une politique indépendante, 1796-1801 » in 1793-94 : la Révolution abolit l’esclavage ; 1802 : Bonaparte rétablit l’esclavage.

26 : Jean-Daniel Piquet,L’émancipation des Noirs dans la Révolution française (1789-1795) p.339

27 : Clément Thibaud, « COUPE TÊTES, BRÛLE CAZES Peurs et désirs d’Haïti dans l’Amérique de Bolivar », Editions de l’EHESS « Annales, Histoire, Sciences Sociales » 

28 : Idem

La Petite Maison dans la Prairie : Anticapitaliste, féministe & antiraciste

©NBC Television Network. L’image est dans le domaine public.

La petite maison dans la Prairie ? On parle bien de la série ringarde, patriarcale et puritaine qui passe en boucle sur toutes les télés des maisons de retraites depuis 40 ans ? Oui, parce que s’il y a une part de vrai là-dedans, force est de constater que ce monument de la culture pop’ a su marteler avec force des discours parfois extrêmement progressistes auprès d’un public qui ne l’était pas toujours. Analyse.

Adaptée de l’autobiographie de Laura Ingalls, La Petite Maison dans la Prairie raconte la vie d’une famille de paysans pauvres dans la seconde moitié du XIXème siècle aux Etats-Unis, l’occasion d’aborder de multiples thèmes politiques sous des angles souvent beaucoup moins conservateurs qu’on ne l’imagine.

Et si la Petite Maison était féministe ?

Forcément quand on pense Petite Maison on pense avant tout à Charles Ingalls, l’incarnation de l’ultra virilité – qui, quand des bandits « touchent » sa femme, part seul sur sa charrette les démolir à mains nues –, ce père de famille trop parfait qui symbolise à lui seul le modèle patriarcal et la famille nucléaire. Le portrait peut toute de même être nuancé en notant que Charles est aussi un être extrêmement sensible, qui pleure énormément, profondément à l’écoute et qui s’oppose d’innombrables fois aux violences faites aux femmes et aux enfants (S01E20). Mais, effectivement, Michael Landon qui l’incarne et qui est aussi le créateur de la série, a donné à son personnage une place bien plus centrale qu’elle ne l’était dans l’autobiographie de Laura Ingalls.

Néanmoins cette figure imposante du patriarche n’enlève rien au fait que La Petite Maison dans la Prairie explose à tout jamais le mythe de la femme au foyer, l’idée absurde mais répandue selon laquelle le travail productif des femmes serait quelque chose de récent… Elle montre le travail des champs fait par les femmes et d’autres ouvrages extrêmement physiques.
A travers les filles Ingalls, elle dresse des portraits de jeunes femmes incroyablement débrouillardes, au caractère très tranché, et aussi indépendantes qu’elles peuvent l’être pour une époque qui ne jouait pas en leur faveur. Enfants, elles travaillent pour se payer leur matériel scolaire. Plus grandes, elles sont ambitieuses, essayent de faire des études et peuvent se comparer aux hommes sur tous les plans.
Toutefois les formes les plus violentes de domination masculine telles que les coups ou les viols ne sont pas ignorées de la série – ce qui tranche avec la réputation niaise et joyeuse qui lui est souvent faite.

Bref, on est bien éloignés des images de femmes (soumises, prostituées, complaisantes vis-à-vis de leurs viols…) que présentaient à outrance les westerns de la période…

Pour en savoir plus

Antiraciste

Si au XIX e siècle les Indiens étaient toujours durement persécutés ils l’étaient aussi dans les westerns américains jusqu’à très récemment.  La Petite Maison dans la Prairie fait preuve à ce sujet d’un humanisme certain : dans L’Indien (S01E22) des cow-boys veulent massacrer un indien par pur racisme, mais celui-ci secoure Charles Ingalls qui à son tour finit par lui venir en aide.

On trouve dans la série de nombreux épisodes très moralisateurs dans le bon sens du terme sur la question indienne et sur la question noire (S08E04 – nos héros se battent pour faire accepter l’idée que l’assistant noir du docteur Baker est une chance et est aussi compétent qu’un autre) : la Famille Ingalls tenant toujours un discours d’égalité absolue sans condescendance et se battant fermement contre les discriminations.

Une communauté autogérée

Quand on arrive à Walnut Grove en 1873 et que l’on est pauvre, pour espérer loger sa famille, il faut construire soi-même sa maison. Ce système n’est alors possible que par l’entraide (l’aide du voisin Edwards) et le troc (on échange des chevaux contre des bœufs pour labourer son champ).
Ces mécanismes de solidarité et d’échanges de services sont au cœur de la vie à Walnut Grove.

Toutefois les conflits de classes sont là et les Ingalls se retrouvent plusieurs fois en opposition avec des exploiteurs et des grands propriétaires terriens. C’est d’ailleurs sur un de ces combats que se conclut la série.
En effet dans Le Dernier Adieu un magnat des chemins de fer a acheté toute la ville ; et si les habitants veulent rester, ils doivent travailler pour lui. Mais plutôt que de laisser leurs terres aux capitalistes et de se soumettre, les habitants décident ni plus ni moins de faire péter l’entièreté de la ville. Rien que ça.

Dans son documentaire Merci Patron ! , François Ruffin avait également repéré le “substrat marxiste de La Petite Maison dans la Prairie“, voir à partir 15’30 :

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