Macbeth philosophe est une pièce de théâtre mise en scène par Olivier Py, directeur du festival d’Avignon et Enzo Verdet, issue d’un partenariat avec la prison du Pontet. La pièce est émouvante, forte, et donne la parole et une reconnaissance à des individus souvent rejetés et incompris par la société.
Macbeth revisité par Olivier Py et Enzo Verdet est issu d’un partenariat entre la prison du Pontet et le festival d’Avignon depuis cinq ans. Renommé Macbeth philosophe, cette pièce vibrante permet de regarder autrement ces personnes condamnées par la société. C’est une prise de liberté, une réintroduction dans la population qui s’en est pourtant protégée. Aujourd’hui la distance avec ces prisonniers n’est que de quelques mètres et la confiance règne, que ce soit du côté de l’organisation comme celui du public qui, curieux, s’est attroupé autour de la scène. Personne ne connaît leur histoire en tant qu’individu, en tant que prisonnier. Ce qui est roi est le texte, le jeu de ces comédiens et les émotions qu’ils nous procurent. Le théâtre donne une seconde chance, une porte d’entrée.
Partenariat avec la prison du Pontet
Le partenariat entre le festival d’Avignon et la prison du Pontet existe en réalité depuis quinze ans. Il a commencé par faire jouer des pièces du festival dans la prison. Il s’est poursuivi avec des sorties organisées lors de représentations à l’extérieur de la maison carcérale. Il y a cinq ans, un détenu a demandé à ce qu’un atelier soit créé. Depuis, chaque année, des détenus montent et jouent une pièce au festival d’Avignon dans le in. « Ce sont les permissionnables que nous choisissons pour jouer dans les pièces et participer aux ateliers. Ils ont dépassé la moitié de leur peine et ont entamé le cursus de réinsertion. Ce cursus inclut des sorties pour aller voir la famille, trouver du travail. Dans ce cas ils sortent seuls, cela n’entraîne pas de problèmes juridiques pour les intégrer au festival » commente Enzo Verdet, metteur en scène de la pièce.
Tout le monde est invité à participer. Les permissionnables sont privilégiés : leur peine est plus longue et permet d’aller au bout du processus. Des détenus qui seraient en maison d’arrêt pour des peines courtes ou en attente de jugement peuvent en cours d’année arrêter et bloquer le processus créatif.
Selon l’expérience, on s’aperçoit que le théâtre en prison a joué un rôle exutoire et de transition vers une nouvelle vie. Beaucoup arrêtent en sortant de prison malgré leur volonté première de continuer. « C’est dans la tête de beaucoup et beaucoup qui sont déjà sortis. Ils l’avaient en tête mais les sorties c’est souvent très prenant. Il faut avoir un boulot qui soit stable en sortant. Ceux qui me disent qu’ils veulent en faire le métier une fois leur peine terminée, je leur déconseille car obtenir le statut d’intermittence est compliqué. En revanche certains persistent. Yousseff a terminé sa dette à l’Etat et est venu jouer Macbeth, un autre s’est inscrit au conservatoire. Mais à l’extérieur il y a des priorités qui sont autres. Le théâtre est une liberté. Une fois qu’ils sont libres ils n’en ont plus forcément besoin » explique Enzo Verdet.
Le théâtre comme ouverture à la rencontre
A la fin, toute la salle est debout pour applaudir chaleureusement et longuement. Rares sont les pièces qui trouvent l’unanimité du public comme cela a été le cas cette fois ci. Les comédiens sont attachants avec leur accent du sud, ils se sont réappropriés la pièce. Macbeth, à travers eux, est au fond un personnage qui se questionne sur l’acte de tuer, de dévier et enfreindre la loi pour un gain qu’est ici devenir roi. Métaphore de leur condition, des choix qu’ils ont fait en tant qu’individu qui les a amené sur la route des hors la loi.
Macbeth est une des pièces les plus noires de Shakespeare. Ici le fond et la forme collent à la peau des comédiens. L’émotion est forte lorsque l’on sait d’où ils proviennent. On partage avec eux un moment fort de leur vie. C’est plus qu’une pièce de théâtre jouée par de professionnels, c’est un territoire de liberté, une réunion entre des fâchés, des France qui s’ignorent. Entre des français éduqués culturellement et une France cachée et retenue qui n’a jamais imaginé un jour pouvoir partager et vivre des instants de théâtre. « Ils se sont toujours dit que le théâtre ça n’était pas pour eux. Aucun n’a imaginé faire du théâtre un jour avant cet atelier » confirme Enzo Verdet.
À la fin, un des comédiens prend le micro et réunit ceux qui ont permis cette pièce et des comédiens. Il ne sait pas trop quoi dire, il improvise. C’est son moment, sa voix, ses paroles, que tout le monde écoute, peut-être pour une fois.