Loi de programmation des finances publiques : la servitude volontaire de Macron devant Bruxelles

Le Vent Se Lève - Philippe Brun - Valérie Rabault LVSL
© LHB pour LVSL

Pour toucher 18 milliards de fonds européens, le gouvernement français a promis à Bruxelles une loi de programmation des finances publiques prévoyant une nouvelle cure d’austérité. Pour faire adopter cette trajectoire budgétaire malgré un premier rejet par l’Assemblée nationale l’an dernier, Bruno Le Maire utilise l’arme du chantage pour forcer la main des parlementaires. Une méthode qui semble fonctionner sur les députés LR et RN, mais que dénoncent plusieurs élus socialistes, dont Valérie Rabault et Philippe Brun, dans cette tribune.

En matière de finances publiques, on se fait tôt ou tard rattraper par ses mensonges ou par ses incohérences, tout simplement parce que même en les tordant, les chiffres finissent toujours par traduire une réalité qui ne peut être dissimulée à l’infini. C’est l’expérience amère que vient de vivre le ministre de l’Economie et des finances, Bruno Le Maire. 

Voici ce dont il s’agit. Lorsque l’Union européenne a déployé des crédits pour « la reprise et la résilience », elle a conditionné leur versement à la réalisation d’avancées, en matière de réforme et d’investissement. La grande nouveauté est que plutôt que d’imposer les mêmes critères à tous les pays, chaque Etat était libre de proposer les siens à la Commission européenne. Par exemple, l’Allemagne s’est engagée à lancer des projets liés à l’hydrogène en investissant 1,5 milliards d’euros ; l’Espagne un plan ambitieux de 1,6 milliards pour favoriser l’attractivité et l’accessibilité du réseau ferroviaire public à courte distance ; l’Italie des investissements importants visant à réduire les inégalités et les vulnérabilités sociales dans le sud du pays.

La réduction envisagée du déficit public – de 0,5 % du PIB chaque année, afin de revenir sous les fameux 3 % en 2027 – est d’un niveau inatteignable sans endommager sérieusement notre économie.

De son côté, le gouvernement français, sans jamais en référer de quelque manière que ce soit au Parlement, pourtant seul habilité à voter la loi – sans juger utile non plus de l’en informer – a négocié en catimini avec Bruxelles que l’un des critères pour le versement des crédits soit l’adoption et l’entrée en vigueur d’une loi de programmation pour les finances publiques. Sans doute imaginait-il que ce serait une simple formalité. Grossière erreur : en septembre 2022, l’Assemblée nationale a rejeté ce texte par 349 voix contre 243. La droite a ensuite totalement réécrit le texte au Sénat en surenchérissant dans l’austérité, notamment en y inscrivant la suppression de 120.000 postes de fonctionnaires.

En soi, une loi de programmation des finances publiques est un outil intéressant qui répond à deux objectifs : définir une trajectoire budgétaire crédible et dire comment on y arrive. Mais dans la copie du gouvernement, aucun de ces deux objectifs n’est traité sérieusement : la réduction envisagée du déficit public – de 0,5 % du PIB chaque année, afin de revenir sous les fameux 3 % en 2027 – est d’un niveau inatteignable sans endommager sérieusement notre économie.

Surtout, dans le passé, on observe que réduire le déficit public de plus de 0,5 point de PIB par an, ne s’est fait « sans casse » que lorsque la croissance économique était supérieure à 2 % par an. Or, le gouvernement veut appliquer une baisse de 0,5 point durant quatre ans, et même de 0,7 point de PIB entre 2024 et 2025, alors même que les prévisions de croissance économique ne dépassent pas les 1,5 % par an et alors même qu’une telle marche n’a jamais été franchie dans un passé récent. Dès lors, il y a deux options : soit le gouvernement ment à Bruxelles et au peuple français, soit il va casser notre économie.

Quant au second objectif qui vise à définir les moyens de sa trajectoire budgétaire, le gouvernement ne dit rien. Le Haut Conseil aux finances publiques le relève également, estimant dans son avis que « le respect de la trajectoire suppose enfin la réalisation d’un montant important d’économies toujours peu documentées à ce jour ». Etant donné la situation sociale extrêmement tendue que vit notre pays, on comprend que le gouvernement ait peur de trop s’avancer sur les dépenses qu’il compte sacrifier ou les recettes fiscales qu’il entend augmenter.

Le Ministre de l’Economie et des finances soumet le Parlement à un chantage.

Plutôt qu’ouvrir une vraie concertation au Parlement, que nous demandons depuis avril 2020 avec une conférence de financement, le Ministre de l’Economie et des finances soumet le Parlement à un chantage, et indique vouloir « être clair avec la représentation nationale : sans LPFP (loi de programmation des finances publiques), il n’y aura pas de décaissement des aides européennes ». Ou encore « nous devrons faire la croix sur 18 milliards d’euros d’aides qui sont nécessaires pour nos finances publiques ». 

Manifestement, la méthode fonctionne mieux qu’un vrai débat puisque le Rassemblement national et les Républicains, qui lors du premier examen de la loi de programmation des finances publiques à l’automne 2022, avaient voté contre, ont préféré se ranger et ne pas faire de vague. Ce sont sans doute les mêmes qui iront expliquer dans quelques mois à leurs électeurs que Bruxelles leur impose des règles dont ils ne veulent pas. 

Le Rassemblement national et les Républicains, qui avaient voté contre ce texte à l’automne 2022, ont préféré se ranger et ne pas faire de vague. Ce sont sans doute les mêmes qui iront expliquer dans quelques mois à leurs électeurs que Bruxelles leur impose des règles dont ils ne veulent pas. 

Pour notre part, nous préférons la clarté démocratique, la seule qui respecte le peuple, en assumant nos positions : Bruxelles n’a rien imposé du tout à la France ; soumettre le décaissement des règles au vote d’une loi de programmation des finances publiques découle du seul engagement du gouvernement qui désormais ne sait plus comment faire auprès de Bruxelles vu que le Parlement lui a refusé le vote de ladite loi de programmation. Privé de majorité, le gouvernement a fini par dégainer aujourd’hui l’article 49.3.

Pour nous, la priorité est d’éviter d’abîmer notre économie, pas de sauver la face du gouvernement français qui s’est pris tout seul les pieds dans le tapis auprès de nos partenaires européens et qui voudrait en faire porter la responsabilité aux parlementaires français en les culpabilisant. 

Nous voterons contre la loi de programmation des finances publiques, et sommes prêts à rencontrer tous nos partenaires à Bruxelles pour aborder les conditions du décaissement des aides européennes. 

Signataires : Valérie Rabault, Philippe Brun, Christian Baptiste, Mickaël Bouloux et Christine Pirès-Beaune

Taxe GAFA : un coup de com pas à la hauteur

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© Economist / David Parkins probly www.davidparkins.com/

Jeudi 4 juillet, l’Assemblée nationale a voté définitivement le texte mettant en place une taxation de certains services numériques. Députés et sénateurs sont en effet parvenus à un accord. Si le Sénat n’a pas voulu s’opposer à ce texte, c’est notamment parce que les citoyens se sont maintenant emparés d’un sujet sur lequel ils ne pardonneraient pas l’inaction de leurs dirigeants politiques. Pourtant, ce texte, présenté en première lecture juste avant les européennes, a uniquement servi de coup de com’ en plein mouvement social réclamant plus de justice fiscale. Avec un rendement très faible de 500 millions d’euros, qui sera acquitté en grande partie par les utilisateurs, cette taxe n’est pas à la hauteur de l’enjeu.


Ce fait est bien connu et reconnu, y compris par les libéraux : les multinationales utilisent des techniques d’optimisation fiscale agressives afin d’échapper à l’impôt sur les sociétés français. Le système, appelé transfert de bénéfices est simple : afin que les filiales françaises déclarent très peu de bénéfices en France, ces multinationales mettent en place un système de redevances. Pour utiliser la marque de la maison-mère, une filiale française devra donc payer tellement de redevances que cela permettra en fait de sous-estimer le bénéfice réellement obtenu en France et de sur-estimer celui qu’elle réalise dans des paradis fiscaux, où le groupe est généralement implanté.

Pour les entreprises du numérique, il est même encore plus simple de déclarer les bénéfices réalisés dans des paradis fiscaux, puisqu’elles n’ont pas de magasins physiques implantés dans un pays en particulier. Ces entreprises, qui peuvent se payer une armée d’avocats fiscalistes, jouent donc avec les règles fiscales pour payer le moins d’impôt possible. Cela avait notamment été démontré dans les Paradise Papers, qui avaient permis de directement mettre en cause Google, Apple, Facebook ou encore Amazon : les fameux GAFA.

Loin d’être un moyen de lutte, le fonctionnement actuel de l’Union européenne facilite cette fraude généralisée. L’Union accepte en son sein les pires paradis fiscaux (Luxembourg, Irlande, etc.) alors que ses traités interdisent toute restriction aux mouvements de capitaux entre pays membres.

Selon Bercy, les PME françaises sont taxées en moyenne 23%, contre 9% pour les GAFA. Airbnb avait par exemple payé seulement 161 000 euros d’impôts en France en 2017. Soit 30 centimes par an et par logement proposé sur leur site.

L’ampleur de la fraude est gigantesque. Selon Bercy, les PME françaises sont taxées en moyenne 23%, contre 9% pour les GAFA. Airbnb avait par exemple payé seulement 161 000 euros d’impôts en France en 2017. Soit 30 centimes par an et par logement proposé sur leur site. Aucun des GAFA n’avait par ailleurs payé plus de 20 millions d’euros d’impôt en France en 2017 alors que leur chiffre d’affaires mondial se chiffre en dizaines de milliards d’euros. Amazon avait par exemple payé 8 millions d’euros d’impôt en France pour un chiffre d’affaires mondial de 151,9 milliards d’euros. Même si ces deux valeurs ne sont pas directement corrélées, la disproportion ne laisse ici pas de place au doute.

Cette perte de recettes colossale pour la France et la mise en lumière de ce problème public par les associations a obligé le gouvernement à réagir. Mais comme avec l’écologie, la communication a été préférée aux actes.

Le feuilleton de la taxe GAFA

Depuis son entrée en fonction, Bruno Le Maire n’a ainsi cessé de s’agiter pour montrer qu’il souhaitait faire aboutir des négociations européennes sur la taxation des géants du numérique. Pourtant, un accord européen paraît très difficilement envisageable à court terme, puisqu’il faudrait que la totalité des 27 pays de l’UE le signent, alors même que l’économie de certains de ces pays repose en grande partie sur leur moins-disant fiscal visant à attirer ces entreprises. Cette pseudo-négociation européenne permettait en fait à Bruno Le Maire de gagner du temps, pour faire croire qu’il s’occupait de ce problème mais sans réellement taxer ces multinationales.

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Bruno le Maire © Aron Urb (EU2017EE). Estonian Presidency. Licence : Creative Commons Attribution 2.0 Generic license.

Fin 2018, Bruno Le Maire n’avait réussi qu’à négocier un accord très minimal avec l’Allemagne. Mais l’Europe se fait à 27. Suite au refus de certains pays, Le Maire s’est résigné à faire avancer les négociations directement au niveau de l’OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques  – , tout en proposant en décembre 2018 la mise en place dès 2019, de manière unilatérale au niveau français, de cette taxe minimaliste issue des premières négociations européennes. C’est ce que proposaient des groupes d’opposition depuis 2017 par le biais d’amendements. Mais il a fallu attendre la pression populaire des gilets jaunes pour que Le Maire accepte enfin de taxer les GAFA. Ou du moins de faire semblant de le faire.

Cet épisode symbolise l’échec de la stratégie européenne macroniste. On ne peut bâtir l’Union européenne sans harmonisation fiscale et sociale avec des paradis fiscaux en son sein. Le Maire a ici d’ailleurs assez ironiquement validé la stratégie Plan A / Plan B de la France insoumise, comme le faisait remarquer Adrien Quatennens. Le plan A (les négociations européennes) a échoué, Le Maire a fait le plan B (une taxe unilatérale au niveau français). Sauf que son plan B résulte de négociations européennes et est par conséquent très minimaliste. L’Union européenne nous aura ainsi fait perdre notre temps et nos ambitions concernant la taxation des géants du numérique, sans nous apporter aucune solution.

L’Union européenne nous aura ainsi fait perdre notre temps et nos ambitions concernant la taxation des géants du numérique, sans nous apporter aucune solution.

Une taxe GAFA assise sur un sous-bock en carton

L’ambition initiale de taxer les géants du numérique à hauteur des profits réalisés grâce aux utilisateurs français est en effet bien lointaine. Pour le comprendre, il faut s’intéresser en détail à l’assiette de cette taxe.

Celle-ci ne porte que sur deux types d’activités bien précises : les plateformes numériques qui touchent une commission pour mettre en relation des clients et des entreprises (Airbnb, Amazon pour leur marketplace qui met en lien des clients avec des vendeurs, etc.) et le ciblage publicitaire (Google, Facebook, entres autres). Dans l’exposé des motifs du projet de loi, il est expliqué que ce sont ces secteurs en particulier qui sont visés car ce sont ceux pour lesquels les entreprises peuvent le plus facilement délocaliser les profits et qu’ils concernent des entreprises ayant des positions hégémoniques dans leur secteur. Ce sont les services pour lesquels l’utilisateur crée la valeur. Mais cette explication ne tient pas, puisque c’est le cas également pour les autres types de services : quand un utilisateur français achète un livre sur Amazon, le site marchand fait du profit grâce à cet utilisateur français et devrait donc à ce titre être taxé en France. Or, il ne le sera toujours pas, contrairement à la petite librairie qui elle paiera un impôt sur ses bénéfices réalisés.

Si notre ministre de l’Economie voulait encourager Amazon dans son processus de destruction de toutes les petites librairies françaises, il ne s’y prendrait pas autrement.

En effet, tous les autres secteurs seront exclus du champ de la taxe. Cette exclusion concerne aussi bien la vente en ligne (Fnac.com, Amazon lorsqu’ils vendent directement leurs produits, etc.), la fourniture de contenus numériques, de moyens de communications ou de moyens de paiement s’inscrivant dans un modèle classique d’achat/revente (Netflix ou Microsoft, par exemple), mais aussi la fourniture de « services financiers réglementés », comme les plateformes d’échanges de titres, ainsi que tous les services fournis entre entreprises d’un même groupe. Ainsi, comme l’a subtilement résumé le secrétaire national du parti communiste Fabien Roussel lors des débats en Commission des finances à l’Assemblée : « votre assiette n’est pas très large et ressemble davantage à une soucoupe – que dis-je : un sous-bock en carton ! » D’après les calculs d’Attac, 64% du chiffre d’affaires cumulé des GAFA échapperait ainsi à la taxe puisqu’il concerne des services non visés par cette taxe.

Pourtant, nous retrouvons des champions de l’évasion fiscale dans ces secteurs exclus du champ de cette taxe. Mais cela ne gêne pas le ministre de l’Économie qui s’est opposé au Parlement à tous les amendements proposant d’élargir la portée du texte. Il a ainsi déclaré : « En aucun cas ce projet de loi vise à lutter contre l’évasion fiscale. »

C’est selon lui simplement un texte visant à plus de « justice fiscale » en taxant des services pour lesquels les utilisateurs sont les principaux créateurs de valeur, puisque ces services échappent habituellement à l’impôt. Mais alors qu’il ne cesse de déclarer que les GAFA payent 14 points d’impôt de moins que les autres entreprises implantées en France, il n’indique pas si son projet de loi permettra de résorber cet écart. Il ne préfère en fait pas avouer que ce ne sera pas le cas. Pire, un certain nombre d’entreprises et de services échapperont à cette taxe, alors même qu’ils échappent déjà actuellement à toute imposition. Ce texte ne rétablit donc en rien la « justice fiscale » dont se réclame Le Maire.

Le ministre n’a d’ailleurs jamais expliqué précisément pourquoi il refusait d’inclure ces services dans le champ de la taxe, à part en établissant une frontière floue entre les services pour lesquels « c’est l’utilisateur qui crée la valeur » qui mériteraient à ce titre d’être taxés, et les autres qui ne rentreraient pas dans le champ de la taxe. Or, cela est injustifiable.

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Jeff Bezos, patron d’Amazon © Seattle City Council

Amazon fait par exemple du profit en vendant à des acheteurs français des biens matériels, comme les livres. Amazon n’est presque pas taxé sur ces profits qui sont délocalisés dans des paradis fiscaux tels le Luxembourg ou le Delaware. Alors pourquoi ne pas inclure le chiffre d’affaires issu de ces ventes dans l’assiette de la taxe comme le proposaient des groupes d’opposition à l’Assemblée ? Cette justification autour de la création de valeur n’est qu’un pure enfumage pour justifier l’injustifiable : les GAFA ne seront taxés que sur une infime partie de leur activité. Une méthode qui peut faire penser au Fonds pour l’innovation. Ce dernier servait à justifier les privatisations effectuées par Le Maire dans la loi PACTE, mais personne, pas même la Cour des comptes, n’a compris son utilité.

Cette justification autour de la « création de valeur » n’est qu’un pure enfumage pour justifier l’injustifiable : les GAFA ne seront taxés que sur une infime partie de leur activité.

Une micro taxe pour des géants

Et le taux de cette taxe est à l’image de son assiette. Concrètement, le chiffre d’affaires issu des services visés sera taxé à un taux fixe de seulement 3%. Ainsi, en appliquant cette taxe, le taux réel d’imposition de ces géants du numérique restera largement inférieur à celui des PME françaises.

Mais surtout, cette taxe ne touchera qu’une poignée d’entreprises. Ainsi, elle ne visera que les entreprises dont le montant annuel des produits tirés des services taxés – qui nous avons vu sont très limités – est supérieur à 750 millions d’euros au niveau mondial et à 25 millions au niveau national. Seuls 30 groupes seront donc touchés par cette taxe, dont un seul français.

Seuls 30 groupes seront donc touchés par cette taxe, dont un seul français.

On aurait pu entendre la volonté de ne pas pénaliser des petites entreprises du numérique, mais un juste milieu aurait pu être trouvé. Si Le Maire fait mine d’opposer les gros et les petits, il oppose en fait seulement les géants (à qui il prend si peu que cela sera indolore pour eux) aux très gros (à qui il ne prend rien).

Sans surprise, les recettes attendues de cette taxe seront donc très faibles. Elles ne seront à terme que de 500 millions par an (et même de seulement 400 millions en 2019 d’après l’étude d’impact du projet de loi). Or, ce chiffre est très faible au vu des profits colossaux que réalisent ces entreprises en France. L’économiste Gabriel Zucman estime par exemple que, en prenant en compte seulement les multinationales, le contournement de l’impôt français dépasse les 5 milliards, soit 10 fois plus que ce que Le Maire ambitionne de récupérer.

Cette taxe est donc moins une taxe qu’une forme d’accord tacite : le Gouvernement français convient qu’il ne peut rien faire contre l’évasion fiscale et finit donc par accepter les pratiques des GAFA en échange d’une petite compensation financière (que ces GAFA doivent acquitter qu’ils aient ou non échappé à l’impôt français). Cela reviendrait à accepter le fait que les riches contribuables fraudent l’impôt et donc à leur demander quelques euros à la fin de l’année, qu’ils aient ou non fraudés, pour compenser cela.

Mais surtout, les GAFA eux-mêmes ont déclaré qu’ils répercuteraient la quasi-totalité du coût de cette taxe sur leurs utilisateurs, ne s’acquittant que de 25 millions d’euros sur les 500 millions réclamés. Ils promettent donc avec insolence de faire payer le consommateur français pour cette taxe qui leur est due.

Des GAFA qui défient avec insolence le législateur français

Une étude sur cette taxe GAFA a en effet été publiée par le cabinet d’avocats Taj, mandaté par le lobby des GAFA (l’Association de l’industrie numérique et informatique – CCIA). Elle montre que ces entreprises, du fait de leur position quasi-monopolistique, risquent de répercuter cette taxe sur le consommateur et sur les PME qui utilisent leurs services. Ainsi, l’étude de ce lobby montre que le coût de cette taxe sera répercuté à 55% sur les utilisateurs, à 40% sur les PME utilisant les services de ces GAFA et seulement à 5% sur les GAFA eux-mêmes.

L’indécence des GAFA n’a donc pas de limites : non content de ne pas payer leurs impôts, ils indiquent que si on les forçait à payer cette taxe, ils répercuteraient l’intégralité de son coût sur leurs utilisateurs. Sur les 500 millions récoltés, les GAFA en payeront seulement 25 millions, selon leurs propres dires.

L’indécence des GAFA n’a donc pas de limites : non content de ne pas payer leurs impôts, ils indiquent que si on les forçait à payer cette taxe, ils répercuteraient l’intégralité de son coût sur leurs utilisateurs.

L’insolence de ce lobby ne s’arrête pas là car cette étude conclue également que « personne ne sait vraiment comment Bercy va faire pour contrôler les rentrées fiscales associées à cette taxe » : en clair, les GAFA comptent bien frauder pour également échapper à cette nouvelle taxe et ils ne s’en cachent pas. Et quand on sait que le Gouvernement compte supprimer 2 313 postes supplémentaires rien qu’en 2019 au sein de la Direction Générale des Finances Publiques et de ses opérateurs, on se demande effectivement qui va contrôler les rentrées fiscales de cette nouvelle taxe.

Invités par la Commission des finances de l’Assemblée nationale, les responsables des relations publiques de ces grands groupés ont réitéré ces propos, annonçant même qu’elles allaient devoir revoir à la baisse leurs investissements en France si cette taxe était mise en place.

Il faut de toute urgence ré-inverser le rapport de force : il n’est pas acceptable que des entreprises qui ne payent déjà pas leurs impôts en France soient invitées à l’Assemblée pour faire ce type de déclarations. Il faudrait aussi leur rappeler qu’en échappant à l’impôt, les GAFA ne participent pas au financement de services publics dont elles bénéficient pourtant largement pour leur implantation en France. Elles mobilisent ainsi les réseaux routiers et les réseaux de télécoms à grande échelle : 80% de l’utilisation des bandes passantes des réseaux de télécoms est le fait des multinationales Google, Facebook et Netflix.

Cette taxe GAFA est un effet d’annonce mais ne réglera pas le problème

En plus d’être minimaliste, la taxe GAFA ne touchera que les entreprises du numérique, alors même que toutes les multinationales utilisent ces techniques de transfert de bénéfices, y compris celles qui possèdent des magasins physiques en France, à l’image de McDonald’s.

Bruno Le Maire indique qu’il s’agit d’une étape intermédiaire, avant d’arriver à un accord au niveau de l’OCDE. Mais cet accord mondial viserait uniquement une taxation minimale. Et il y a fort à parier que cette taxation minimale soit plus proche de celle de l’Irlande que de la France. Or, si cette taxation minimale mondiale reste largement inférieure à la française, les entreprises continueront de pratiquer l’évasion fiscale et cela ne réglera donc en rien le problème. Au contraire, cela pourrait être utilisé comme un argument pour baisser encore plus l’impôt sur les sociétés français. Ce n’est donc pas pour rien que le lobby des GAFA soutient ce projet de l’OCDE.

Cette taxe est donc l’un des symboles de l’impuissance volontaire de l’État libéral : comme sur les dossiers industriels, le Gouvernement fait semblant d’avoir un État fort, mais il se couche finalement face aux grands groupes. Pourtant, les GAFA deviennent de plus en plus puissants et sans État fort, leur position hégémonique et leur pouvoir ne feront que s’accroître. Alors que l’étude d’impact du projet de loi signale à juste titre que 95% des recherches en ligne en France se font via Google, le projet de loi semble en tirer comme conclusion qu’il ne faudrait pas trop durcir le ton face à cette entreprise dont le pays dépend. Mais au contraire, il faudrait rompre ce monopole en imposant a minima à ces multinationales les mêmes règles que l’on impose à nos PME et autres start-up du numérique.

Cette taxe est donc l’un des symboles de l’impuissance volontaire de l’État libéral

C’est donc sans surprise que les syndicats et associations concernés par le sujet ont fait part de leur déception. Solidaires Finances Publiques, le principal syndicat des agents des impôts, dénonce ainsi une taxe qui « ne répond pas aux enjeux ». Oxfam parle d’un projet « très décevant et extrêmement peu ambitieux au regard de l’ampleur de l’évasion fiscale en France ». Attac note que cette taxe GAFA  « ne  rétablit  en  rien  la  justice  fiscale  et  que  les  géants  du  numérique  vont  continuer à échapper à l’impôt ».

Des solutions existent

Ces associations proposent des solutions pour lutter contre ce fléau. Si elles ont leurs nuances, toutes cherchent à taxer les multinationales, et pas seulement celles du numérique, sur leurs bénéfices réellement réalisés en France. En effet, taxer le chiffre d’affaires comme le propose le gouvernement ne répond à aucune logique économique, puisque certaines entreprises font beaucoup de profits avec peu de chiffre d’affaires et inversement.

Mais comment déterminer le montant de ce bénéfice effectivement réalisé en France, que rechignent à nous livrer ces multinationales ? L’économiste Gabriel Zucman a proposé une solution, reprise par des amendements malheureusement rejetés à l’Assemblée nationale. Il s’agirait pour la France d’utiliser une clef de répartition pour que les entreprises payent leur impôt sur les sociétés au prorata du pourcentage de leur chiffre d’affaires mondial réalisé en France. Si, par exemple, une multinationale fait 10 milliards de bénéfices en tout dans le monde, et qu’elle réalise 10% de son chiffre d’affaires en France, alors elle devra déclarer 10% de ces 10 milliards comme bénéfices réalisés en France, qu’elle les ait ou non artificiellement transférés vers des pays à fiscalité nulle ou très faible.

Cette solution est techniquement possible. Il ne manque plus que la volonté politique pour l’appliquer.

Scandale : comment Lactalis a mis en circulation du lait contaminant des nourrissons

Scandale : dans son édition du 3 janvier 2018, Le Canard Enchaîné révèle comment Lactalis a mis en circulation du lait contaminé aux salmonelles, une bactérie capable de provoquer des déshydratations graves chez les nourrissons. Le 26 décembre, la justice française a ordonné l’ouverture d’une enquête préliminaire à l’encontre du premier groupe laitier mondial pour “blessures involontaires”, “mise en danger de la vie d’autrui”, “tromperie aggravée par le danger pour la santé humaine” et “inexécution d’une procédure de retrait ou de rappel d’un produit”. Au 9 janvier, au moins 35 nourrissons ont été affectés par la Salmonellose selon Santé Publique France


Qu’est-ce que la salmonelle ? 

Santé Publique France nous dit que 35 nourrissons ont été contaminés au moins. 18 d’entre eux ont été hospitalisés. Mais quel diable porte en elle la salmonelle ? Cette bactérie peut contaminer l’être humain s’il consomme des aliments d’origine animale insuffisamment cuits. Maladie infectieuse, elle est, en général, bénigne pour les adultes. Elle provoque des crampes abdominales, diarrhées, une fièvre légère voire la nausée. Des complications, comme une septicémie, peuvent éventuellement arriver.

Pour les nourrissons, “le risque essentiel, c’est la déshydratation”, explique le médecin Gérald Kierzek, joint par Europe 1. Les salmonelles vont “provoquer des diarrhées fébriles et sanglantes”. La fièvre et les saignements sont les principaux symptômes.

Pour les nourrissons, “le risque essentiel, c’est la déshydratation”, explique le médecin Gérald Kierzek, joint par Europe 1. Les salmonelles vont “provoquer des diarrhées fébriles et sanglantes”. La fièvre et les saignements sont les principaux symptômes. “Il y a un risque de dissémination de la bactérie et un risque de déshydratation lié à cette diarrhée”, continue l’urgentiste. “Chez les enfants de moins de trois mois, cela peut aller de la gastro-entérite plus ou moins sévère à des formes de septicémie voire de méningite”, précise le professeur Robert Cohen au Parisien. Les salmonelles peuvent en effet, dans les cas les plus graves, conduire à des infections du sang (la septicémie) voire des infections extra-digestives qui peuvent aller jusqu’à atteindre les méninges, le cœur, les os.

Comment le modèle d’agriculture industrielle met en danger la santé de nos enfants

C’est ici que commence le scandale. Il met à jour tout le dysfonctionnement de la chaîne de commandement. Surtout, il trouve sa cause dans le principe même de l’organisation de l’agriculture de notre temps. On voit ici deux éléments fondateurs de l’agriculture industrielle : la première est la diminution des contrôles de l’Etat défendue depuis des années par les Bruno Le Maire et consorts qui veulent “libérer les énergies”. Ainsi, on aboutit au fait que la commercialisation des produits dépend d’un petit nombre de gros industriels qui font pression sur les producteurs pour obtenir des prix très bas, ce qui conduit à de grandes négligences au niveau des contrôles sanitaires. De plus, la concentration de la commercialisation dans les mains de quelques grands groupes conduit à une grande opacité sur la chaîne qui remonte de la consommation jusqu’à la production. Une production en circuit-courts empêcherait ce type de phénomènes. Evidemment, cela va totalement à l’encontre du type d’agriculture promu par Emmanuel Macron et son gouvernement. 

“Ainsi, on aboutit au fait que la commercialisation des produits dépend d’un petit nombre de gros industriels qui font pression sur les producteurs pour obtenir des prix très bas, ce qui conduit à de grandes négligences au niveau des contrôles sanitaires.”

Cependant, il ne faut pas oublier l’irresponsabilité absolue de multinationales qui font les poches des paysans en leur achetant du lait à des prix qui ne leur permettent pas de survivre et dont l’obsession immodérée du profit conduit à des négligences mettant en danger la santé de nos bébés.

Ainsi, le Canard Enchaîné révèle que Lactalis s’est bien gardé de signaler à qui que ce soit qu’elle avait repéré  « des salmonelles sur du matériel de nettoyage et sur les carrelages » de son site de Craon, en Mayenne dès les mois d’août et de novembre ! « Le fabricant reconnaît qu’une alerte positive à la salmonelle avait également été détectée en juillet et novembre derniers. Alors depuis combien de temps Lactalis savait-elle qu’elle exposait les bébés à un risque ? », s’interroge l’ONG Food Watch dans un communiqué. Le Canard Enchaîné pointe également la responsabilité de l’Etat : en septembre, les contrôles effectués par l’inspection sanitaire ne lui ont pas permis d’observer une telle contamination. Interrogé par le Canard Enchaîné, un expert en sécurité sanitaire des aliments s’en étonne : « Comment les contrôleurs s’y sont-ils pris pour ne détecter en septembre aucune salmonelle, alors que l’on sait aujourd’hui, après enquête, que l’usine était infectée depuis février, au moins ? ». Clairement, il y a anguille sous roche.

Ce n’est qu’au cours mois de décembre que le Ministère de la santé alerte sur le taux inquiétant de bébés contractant la salmonellose après avoir consommé du lait Lactalis. Le groupe d’enquête nationale des Fraudes relève alors qu’une colonne de séchage, où le lait liquide est transformé en poudre, « est plombée par les salmonelles ». D’où la demande immédiate de rappel de plusieurs lots Lactalis. Cependant, cette découverte ne provoque pas l’arrêt complet de l’usine : « La fabrication des laits pour nourrissons est bloquée. Mais… pas celle des boîtes de céréales », relève l’hebdomadaire. Alors même que certains lots de céréales infantiles sont concernés par les rappels.

Signalons au passage que la même usine avait déjà connu une contamination à la salmonelle en 2005. La défaillance avait rendu malade une vingtaine de bébés. Le 10 janvier, l’institut Pasteur a confirmé que la souche de la bactérie à l’origine de l’infection il y a 12 ans, et celle présente actuellement, sont identiques. D’ailleurs, au micro de RTL, le directeur du Centre de référence des salmonelles à l’institut Pasteur, François-Xavier Weill, n’écarte pas  la survie de la bactérie directement dans l’usine. “C’est possible, mais peu probable”, a déclaré le docteur.

“Le scandale ne s’arrête pas là : c’est que même après l’ordre donné par l’Etat de rappeler le lait contaminé, les chaînes de grande distribution ont continué à vendre du lait Lactalis de l’usine en question !”

Selon les informations de France info et du Parisien, Intermarché a ouvert une enquête interne après l’achat à Marles-les-Mines, par une mère de famille, de lait Milumel Lémiel 1er âge. “Une fois rentrée, mon conjoint et moi avons préféré vérifier le numéro de lot (…) J’étais au courant des problèmes avec certains laits infantiles mais quand je l’ai vu en rayon, je me suis dit que peut-être l’entreprise avait redémarré la production. C’est grave, quand même. Heureusement, mon bébé n’en a pas pris (…) C’est honteux de vendre cela”, explique Virginie sur FranceinfoLe Parisien révèle aussi qu’une cliente aurait également pu acheter du lait Milumel dans une enseigne située à Beauvais Nord, dans l’Oise. Suite à ces révélations, Intermarché a fini par lancer une enquête interne pour vérifier ses points de vente. L’enseigne a finalement promis d’arrêter “définitivement” de commercialiser des laits infantiles Lactalis de la marque Milumel.

Et il en va ainsi pour toute une série d’enseignes. Cora annonce sur France info avoir vendu 72 boîtes depuis le 22 décembre (alors que la consigne de retrait des produits a été donnée par l’Etat le 21 décembre) .”Certains clients ont déjà ramené ces produits en magasin”, explique la direction. Selon les informations du Figaro, Auchan a vendu 52 boîtes de lait infantile après le dernier rappel. Système U a annoncé mercredi avoir vendu 384 boîtes de lait infantile Lactalis . “Il s’avère que 384 boîtes de lait ont échappé à cette procédure de rappel mise en oeuvre dès le 21 décembre et ont été vendues dans les jours qui ont suivi”, a annoncé dans un communiqué le groupe, qui a “instantanément procédé à l’appel des clients identifiés”.

Carrefour fait également partie de la bande. “Un plan de contrôle a été mis en place dans l’ensemble des magasins pour s’assurer du retrait et de la destruction des produits concernés. Néanmoins, et malgré ces mesures de vigilance, 434 produits ont été vendus après le rappel”, a indiqué l’entreprise dans un communiqué. Leclerc, le pape de la grande distribution française, – vous savez le champion de la lutte contre la vie chère – a annoncé avoir vendu 984 produits Lactalis !  Le distributeur affirme avoir identifié les consommateurs ayant acheté les produits, et les directions des magasins les contactent actuellement individuellement. Le groupe Casino (Géant, Casino, Franprix) a vendu 363 articles concernés par le rappel de laits infantiles Lactalis, a annoncé jeudi une porte-parole.

On voit ici à l’oeuvre la magnifique agriculture qu’on nous vante depuis des années. C’est une agriculture où on dépouille les paysans de leurs revenus, où on concentre la commercialisation des produits agricoles dans les mains de la grande distribution et de grands industriels, où au nom de la “baisse du coût du travail”, on réduit les contrôles et les normes. Voilà le résultat : un scandale de premier plan qui engage la responsabilité de la grande distribution, du principal industriel et, on va le voir, de l’Etat.

La grande responsabilité de l’Etat

Ce matin, face à l’indignation générale, Bruno Le Maire a opportunément renvoyé la balle dans le camp des industriels et de la grande distribution. C’est toujours la même comédie. Elle ne surprend plus. Elle ne fait plus rire personne. Mais les acteurs la rejouent, résignés, mais condamnés à la rejouer pour ne pas quitter la scène. A chaque fois, les ministres prennent des airs graves, des airs de vierges effarouchées, scandalisés par ce qu’ils viennent de “découvrir”. Ils le jurent. On ne les y reprendra plus. Ils vont durcir les contrôles. Cette fois-ci, pas de doutes ! Il va leur en cuire !

Bruno Le Maire a tenu une conférence de presse aujourd’hui, promettant de sanctionner Lactalis et de multiplier les contrôles. ©EU2017EE Estonian Presidency

Ces beaux discours cachent l’incurie totale de l’Etat et son incapacité à prévenir la contamination des bébés. En effet,  la DGCCRF, chargée de contrôler les produits qui sont mis en circulation, a vu ses effectifs réduits de 1000 postes depuis 2002 signale Emmanuel Paillusson, secrétaire général de Solidaires à la DGCCRF, qui précise que les agents ne contrôlent pas que le lait. “On contrôle tout ce qui s’achète, tout ce qui se vend”, explique-t-il. Pire ! En Mayenne, où se trouve l’usine Lactalis, la DGCCRF compte six agents-enquêteurs, un cadre et une secrétaire. Bien loin des 14 agents que comptait l’administration il y a quelques années. Pour ne rien arranger, l’Etat projette rien moins que de déléguer cette mission à des organismes privés. Histoire que l’Etat n’ait vraiment aucune prise sur la mise en circulation de lait capable de contaminer des bébés !

Le scandale s’internationalise ! 

Le scandale est loin de toucher seulement quelques cas. Des millions de boîtes et au moins 7000 tonnes de lait Lactalis sont concernés par un risque de contamination, d’après le Ministère de la Santé… L’ONG FoodWatch signale d’ailleurs que la contamination peut désormais s’étendre à 35 pays : pour Karine Jacquemart, directrice générale de Foodwatch : « 35 pays sont désormais touchés par le scandale. Il est urgent de faire toute la lumière, d’établir les responsabilités et d’appliquer les sanctions qui s’imposent. ».

Pour l’ONG Foodwath, « ce scandale aurait pu être évité », et l’ampleur du problème montre bien que « le système de traçabilité des aliments ne fonctionne toujours pas ». L’ONG foodwatch a interpellé par courrier le groupe Lactalis ainsi que les Ministères de la Santé et de l’Economie pour exiger « la totale transparence sur cette affaire qui aurait pu et aurait dû être évitée. »

Sources : 

http://www.rtl.fr/actu/societe-faits-divers/lactalis-laits-contamines-la-repression-des-fraudes-a-perdu-1-000-agents-en-16-ans-7791782816

https://reporterre.net/Lait-contamine-par-des-salmonelles-Lactalis-savait-et-n-a-rien-dit

https://reporterre.net/Pour-Foodwatch-le-scandale-du-lait-contamine-aurait-pu-etre-evite

http://www.rtl.fr/actu/societe-faits-divers/affaire-lactalis-3-questions-pour-comprendre-le-scandale-sanitaire-7791785767

http://www.huffingtonpost.fr/2017/12/03/les-salmonelles-des-symptomes-de-la-gastro-particulierement-dangereux-pour-les-plus-petits_a_23295382/

Crédits photos :

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Bruno Le Maire, un ultra-libéral décomplexé à l’économie

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Bruno le Maire © Aron Urb (EU2017EE). Estonian Presidency. Licence : Creative Commons Attribution 2.0 Generic license.

Bruno Le Maire, député LR de l’Eure et candidat déçu de la primaire de la droite et du centre en 2016, a été nommé ce mercredi 17 Mai au ministère de l’économie par Emmanuel Macron. Si les tweets contre le Mariage pour Tous de Gérald Darmanin, nouveau ministre de l’Action et des Comptes publics, et la nomination d’une ancienne DRH proche des milieux patronaux au Ministère du Travail ont beaucoup fait réagir et à raison, la nomination de Bruno Le Maire à Bercy est restée peu ou pas commentée. Plus que le symbole de la véritable ligne politique et économique de droite d’Emmanuel Macron, la vision qu’à Bruno Le Maire de l’économie et du monde du travail a de quoi nous inquiéter.

Cap sur le modèle antisocial allemand

En 2011 dans un entretien accordé aux Inrocks, alors qu’il était Ministre de l’Agriculture de François Fillon, Bruno Le Maire s’insurgeait contre l’idée que la France puisse prendre le tournant du fameux « modèle allemand ». Il répondait alors aux attaques du Parti Socialiste qui accusait le gouvernement dont il faisait partie d’en prendre la voie. Bruno Le Maire pointait alors lui-même les incohérences et les conséquences du modèle allemand : « [Cela] ne veut pas dire adopter le modèle allemand, qui a de gros défauts : une population active avec beaucoup de travailleurs pauvres ; l’absence de salaire minimal. Tout cela n’est pas acceptable pour nous. ». Chose rare, puisque de Nicolas Sarkozy en 2012 à François Fillon en 2017, cette droite patronale a eu à cœur d’ériger le modèle allemand en solution pour sauver le pays du marasme économique.

Même s’il a pu réfuter cet engagement sur la voie du modèle allemand, la famille politique de laquelle il est issu, mais aussi et surtout le programme qu’il a dévoilé dans le cadre de la primaire de la droite et du centre fin 2016 ne laissent aucun doute. En plus de dire sans le moindre complexe qu’il « rigole » quand on lui parle du modèle social français, il a aussi avancé des mesures qui rappellent à s’y méprendre le « modèle » qui sévit outre-Rhin : il proposait des mini-jobs pour une maxi-précarisation . Bruno Le Maire mettait ainsi en avant les mal nommés « emplois-rebonds », des contrats précaires d’un an non-renouvelables, rémunérés 5€ nets de l’heure, pour une durée de travail maximale de 20h par semaine soit une rémunération de 433€ nets par mois.

Si on ajoute aux propositions de Bruno Le Maire la démarche de Macron qui prône l’ubérisation de la société, c’est-à-dire la rémunération à la tâche, sans protection ni droits sociaux, en bref un retour au monde du travail du XIXè siècle : oui, on peut l’affirmer, le nouveau gouvernement a mis le cap sur un modèle profondément antisocial.

Céder aux demandes du grand patronat

Non content de vouloir créer de nouvelles formes de contrats précaires, Bruno Le Maire est aussi le candidat parfait pour répondre aux exigences du grand patronat, il n’est donc pas très étonnant de le retrouver dans le gouvernement d’un nouveau président adoubé par le MEDEF.

En effet il s’était déjà prononcé en faveur d’un dialogue social à sens unique. Dans son programme de candidat à la primaire de la droite et du centre Bruno Le Maire dénonçait les « blocages par les syndicats », citant les grèves à la FNAC contre la mise en place du travail le dimanche, ou le passage aux 39h payées 37 chez Smart, pourtant obtenues d’une courte majorité par la direction de Smart au prix d’un odieux chantage à l’emploi. C’est donc ce modèle de dialogue social que promeuvent non seulement Bruno Le Maire, mais aussi Emmanuel Macron et le MEDEF. La loi travail prévoyait déjà ce genre de consultations d’entreprise sur le temps de travail, court-circuitant ainsi les syndicats et instaurant un rapport de force inégal entre patronat et salariés. Avec la nouvelle loi travail que le nouveau gouvernement espère faire passer par ordonnance cet été, il y a fort à parier que ce genre de dispositifs seront étendues.

Autre point d’accroche entre Bruno Le Maire et les attentes patronales : la baisse des charges des entreprises. Bruno Le Maire annonçait déjà dans son programme de candidat vouloir baisser l’impôt sur les sociétés pour un manque à gagner pour l’État de 5 milliards d’euros, mesure qu’il partage avec le programme défendu par Emmanuel Macron pendant la présidentielle. Mais plus important Bruno Le Maire s’était annoncé favorable tout comme le nouveau président à une pérennisation du CICE en une baisse des charges des entreprises. À toutes fins utiles rappelons que le CICE, mis en place pendant le quinquennat de François Hollande, a coûté 48 milliards à l’État en faveur des entreprises, sans avoir pourtant permis la création d’emplois qui étaient annoncées.

Enfin, dernier point de convergence et non des moindres entre Bruno Le Maire et Emmanuel Macron : baisser la fiscalité sur la finance en baissant la taxation sur les plus-values et les dividendes. Cette mesure qui figurait aux programmes de Bruno Le Maire et d’Emmanuel Macron va dans le sens d’une baisse de la fiscalité pour les actionnaires, en dépit de la bonne santé de la bourse. Pas étonnant donc que le CAC 40 se soit envolé après l’arrivée d’Emmanuel Macron en tête au premier tour de l’élection présidentielle !

Avec Emmanuel Macron, le socialiste de Schröedinger, à la tête de l’État nous assistons aujourd’hui à une recomposition presque consensuelle autour de lui de tous les néolibéraux du Parti Socialiste et de la droite conservatrice traditionnelle. Une recomposition hors du clivage gauche/droite traditionnel et qui est dangereuse sur le plan social avec l’offensive programmée contre les droits sociaux, ainsi que sur le plan politique avec une stratégie assumée de faire de Marine Le Pen la principale adversaire et peut-être la future cheffe de l’opposition.

Crédits : Bruno le Maire © Aron Urb (EU2017EE). Estonian Presidency. Licence : Creative Commons Attribution 2.0 Generic license.