Transition énergétique : Fillon se fourvoie dans le dogme nucléaire

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Confirmer le choix nucléaire, donner la main au marché : Fillon se fourvoie dans la logique productiviste en poursuivant les choix énergétiques qui conduisent à la destruction de notre écosystème.

“Il faut sortir des objectifs chiffrés, pour donner la main au marché.”

        “Il faut sortir des objectifs chiffrés, pour donner la main au marché. Si ces énergies sont rentables, elles attireront les investissements et leur part se développera.” La messe est dite. Pour sauver le seul écosystème compatible avec la vie humaine, Fillon nous promet de faire confiance à la divine main invisible du marché qui nous apporte déjà bonheur et félicité dans le domaine économique et social. Il a beau concéder que le marché carbone – ce mécanisme d’échange de droits à polluer mis en place par l’Union Européenne pour respecter les objectifs de réduction des émissions de gaz effets de serre que les nations mondiales, Etats-Unis et Chine exceptées, se sont données – est un échec cuisant. En effet, du fait des spéculations, les prix se sont effondrés entre 5 et 10 euros la tonne de CO2 émise alors que l’on estime que ce prix du carbonne ne doit pas descendre en-dessous de 30 euros afin de répondre à nos objectifs communs. Les pollueurs peuvent donc acheter des droits à polluer à très bas prix et polluer allègrement sans se soucier des dangers qu’il font peser sur l’humanité. On aura beau blasphèmer en expliquant à M. Fillon que l’écologie nécessite une action sur le long terme et que les entreprises multinationales obsédées qu’elles sont par leur cotation en bourse conditionnée par le benchmarking de leurs activités tous les trois mois ne peuvent y prêter un quelconque intérêt, Fillon croît dur comme fer à la main verte du marché. Ainsi, Fillon propose de faire sauter l’obligation d’achat à un prix garanti supérieur au prix de marché pour les énergies électriques intermittentes, que sont l’éolien et le solaire. En clair, EDF achète de l’électricité produite à base de sources renouvelables à un prix supérieur au prix de marché. L’Etat développe ainsi les énergies renouvelables. Si le mécanisme n’est pas parfait, il a le mérite d’exister.

Politique de l’offre et perpétuation du nucléaire : des archaïsmes dangereux

        Quelle autre stratégie propose Fillon pour sortir des energies carbonnées ? La politique de l’offre. Ne vous étonnez pas. Chez les libéraux, qu’il s’agisse de protection de l’écosystème, de production automobile ou d’éducation, la réponse est toujours la même : le marché et la politique de l’offre. Concrètement, Fillon propose des pôles de compétitivité pour les entreprises du secteur, de faire émerger des fonds d’investissements privés (qui évidemment développeront des politiques écologiques sur 30 ans et ne privilégieront pas leurs cours boursiers et leur profits immédiats à la survie de l’humanité), et enfin un crédit d’impôt pour ce type d’investissements (Bien évidemment, il n’y aura pas d’effet d’aubaine. Les crédits d’impôt ont su démontré leur efficacité depuis 30 ans).

      Autre axe pour la transition énergétique : la continuation du nucléaire. Il propose de prolonger la durée de vie des centrales de 40 à 60 ans. Bien sûr, il refuse de fermer Fessenheim. Pire, encore, il veut lancer des investissements pour continuer le développement de ces EPR qui coûtent une fortune à EDF. Celui de Flamanville devait être mis en service en 2012. On le promet désormais pour fin 2018. Le coût a triplé : initialement prévu à 3,4 milliards d’euros, il devrait s’élever au moins à 10,5 milliards d’euros. Le projet anglais d’EPR Hinkley Point est tellement mal engagé que le directeur financier d’EDF a démissionné pour manifester son opposition. Fillon veut même développer une gamme de petits et moyens réacteurs nucléaires pour les exporter.

  Or, le Président de l’Autorité de Sûreté Nucléaire vient de tirer la sonette d’alarme dans Le Figaro. Après la découverte, au printemps 2015, d’un défaut dans la cuve du futur réacteur EPR de Flamanville, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a déclenché une campagne de contrôle sans précédent. Le President s’alarme dans ces termes : “Actuellement, douze réacteurs sont à l’arrêt ou vont être mis à l’arrêt, pour contrôler que l’excès de carbone découvert dans l’acier n’altère pas la capacité de résistance mécanique des générateurs de vapeur. […] Une anomalie générique a été identifiée sur les générateurs de vapeur, entraînant une procédure de contrôle de grande ampleur. […] Il y a de plus un cas où la sûreté pouvait être en cause, ce qui nous a conduits à décider de l’arrêt de Fessenheim 2 l’été dernier. […] Quand nous avons mesuré les concentrations de carbone dans l’acier, qui devaient être de 0,2 %, nous avons découvert des valeurs allant de 0,3 % à 0,4 %, soit deux fois le niveau attendu. Un tel excès de carbone pourrait diminuer la résistance mécanique de l’acier. Au total, 18 générateurs de vapeur étaient potentiellement concernés. Mais six, produits par le site du Creusot, présentent des taux de 0,3 %, ce qui est acceptable en termes de sûreté, tandis que ce taux était de 0,4 % pour les fabrications de générateur de vapeur de JCFC.  De tels niveaux n’avaient pas été étudiés jusque-là. Depuis avril 2015, et la découverte d’un excès de carbone dans l’acier de la cuve de l’EPR, nous sommes allés de mauvaises surprises en mauvaises surprises! Nous avons ainsi mis en évidence l’anomalie générique qui conduit aujourd’hui au contrôle de 12 réacteurs.  Mais, en parallèle, nous avons aussi mis en évidence l’existence de pratiques inacceptables depuis le début des années 1960, à la forge du Creusot: existence de 400 dossiers «barrés», volontairement cachés au client et à l’ASN, portant sur des anomalies, et découverte de documents de fabrication apparemment falsifiés. Du fait des irrégularités identifiées dans les dossiers du Creusot, et de l’existence de pratiques s’apparentant à de la falsification depuis le début des années 1960, il y a près de 10.000 dossiers à revoir par Areva. […] Un quart concerne les équipements pour le nucléaire en France. Cette revue complète est nécessaire. Elle amènera très certainement à mettre en évidence de nouvelles anomalies, qui devront être systématiquement analysées et traitées. […] La situation est devenue, en effet, très préoccupante.”

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