Merci à toute la communauté de lecteurs de LVSL

Il y a un mois et demi, nous lancions notre financement participatif, avec l’objectif de rassembler 20 000€ pour réaliser nos nombreux projets. Nous l’avons fait sans être certains d’y arriver, avec le doute, mais aussi avec l’assurance que nous avions une communauté de lecteurs formidable sur laquelle nous pouvions compter.

Sept semaines plus tard, nous avons atteint et dépassé l’objectif prévu. Grâce à vous et à votre générosité, et malgré les fêtes de fin d’année, nous avons rassemblé 22 959 euros. Vous nous permettez ainsi de franchir une nouvelle étape dans le développement de ce projet fou qu’est LVSL. Le développement de la revue va prendre du temps, mais nous travaillons dessus. L’université d’été est en très bonne voie, vous pourrez bientôt vous y inscrire. Des développeurs planchent d’ores et déjà sur l’application, et l’activité des cercles se développe. Le matériel vidéo sera bientôt au complet. D’ailleurs, n’oubliez pas de vous abonner à notre chaîne Youtube pour suivre nos futures productions, à notre compte Instagram et à notre compte Twitter !

Tout cela est possible grâce à vos dons et à tous les bénévoles qui animent ce site, et nous tacherons d’en être dignes. D’autres projets arrivent, parce que ça ne s’arrête jamais avec LVSL, nous vous les révélerons bientôt. Vous pourrez d’ailleurs les financer grâce à l’onglet permanent qui permet de réaliser un don.

Encore merci à toutes et à tous !

La Rédaction

Le populisme est-il l’avenir de la gauche ?

Jorge Lago, Charlotte Girard, Chantal Mouffe, Lenny Benbara et Christophe Ventura.

Le 16 décembre 2017 avait lieu au Lieu-Dit un débat sur le populisme avec Charlotte Girard (LFI), Chantal Mouffe, Lenny Benbara (LVSL), Christophe Ventura et Jorge Lago (Podemos). Retrouvez le débat sur notre chaîne Youtube et n’oubliez pas de vous abonner.

 

LVSL : Un média dans la guerre de position

LVSL part d’un constat : celui d’une défaite historique des forces de progrès. Notre projet s’annonce donc comme une entreprise de reconquête. Exposé d’une méthode.

 

La parole confisquée

L’époque actuelle a pour caractéristique première la domination sans partage – quoique contestée – de l’hégémonie néolibérale. Si le néolibéralisme refuse de dire son nom, s’il refuse de se donner un visage unique, il est cependant parvenu à construire une hégémonie solide, laquelle s’incarne dans une variété d’acteurs : journalistes, politiques, partis. Ce sont là les expressions les plus visibles de cette hégémonie, ensemble de théories, de pratiques, d’idées, de valeurs et de méthodes qui infusent dans la société tout entière, font système et fondent le règne d’une pensée dominante répandue partout.

Le phénomène le plus évident qui résulte de cette dynamique de conquête est la concentration médiatique et l’appropriation par une poignée de milliardaires des médias de masse. L’information serait un bien comme un autre que l’on achète et que l’on vend, de sorte qu’on la soumette aux lois du marché. Il est cependant permis de douter du sens des affaires de nos grandes fortunes nationales qui se précipitent dans la course à la monopolisation des moyens de communication et d’information. Surprenant en effet que ces gens s’acharnent à vouloir investir dans des titres de Presse à peu près tous déficitaires qui ne promettent pas de perspectives de profits très importantes… Aurions-nous alors affaire à une démarche philanthropique ? Peut-être. On n’imagine en tout cas pas que messieurs Niel, Bergé, Pigasse, Drahi, Dassault, Arnault, Pinault, Lagardère, Bouygues ou Bolloré, heureux propriétaires du Monde et de l’Obs, de Libération et de l’Express, du Figaro, des Echos, du JDD et du Point, d’Europe 1, du groupe TF1 et du groupe Canal, puissent vouloir contrôler tous les titres de Presse du pays à des fins d’influence.

Or donc, il convient de faire ce constat froid que la quasi-totalité des moyens d’information d’une démocratie sont concentrés entre les mains de quelques oligarques. La subordination de l’information aux intérêts privés, économiques ou financiers, est aussi préoccupante que l’était l’alignement de l’information sur les intérêts étatiques au temps de l’ORTF. En quelques décennies, les moyens de communication seront simplement passés des mains de l’Etat aux mains des puissances privées. Il n’est pas évident que la démocratie ait gagné au change si l’on considère que les médias dominants se sont contentés de troquer un ministre de l’information ayant une ligne directe dans toutes les rédactions contre une multitude d’actionnaires et d’annonceurs publicitaires qui, de la même manière, censurent, licencient et influencent les lignes éditoriales malgré la résistance et le travail indépendant que continuent de mener certains journalistes.

Pourtant, des débats se tiennent, des idées sont échangées, des points de vue contradictoires se confrontent et plusieurs titres de Presse sont concurrents. Seulement la pluralité ne fait pas le pluralisme. CNews, BFMTV et LCI se disputent des parts d’audience, peut-on pour autant parler d’un pluralisme des points de vue pour cette seule raison que ces chaînes occupent des fréquences différentes ? Les mêmes présentateurs lisent les mêmes prompteurs, donnent la parole aux mêmes éditorialistes, au-dessus des mêmes bandeaux déroulants où s’accumulent les mêmes informations jusqu’à la perte totale de sens. Il faut bien faire preuve du dernier aveuglement pour voir dans le matraquage médiatique aux allures de spectacle permanent la condition d’une information libre. Nous sommes en droit de nous interroger : l’espace public qui garantit l’existence d’un débat réellement démocratique existe-t-il encore dans ces conditions ? Il n’a certes pas été détruit comme dans les régimes autoritaires, il existe ! Mais il est occupé, colonisé par les intérêts privés et pour tout dire, anesthésié, toute contradiction véritable s’en est trouvée évacuée, ou placée dans une situation de faire-valoir.

Disons-le clairement au risque d’en décevoir certains : nos industriels fortunés n’ont pas investi la sphère médiatique dans l’unique but de renflouer des titres en difficulté. S’offrir un journal ou une chaîne de télévision c’est s’acheter de l’influence. C’est-à dire une influence personnelle et aussi – et surtout – une influence politique qui s’inscrit dans un projet de classe. Le rachat de la Presse est l’étape ultime de la conquête de l’hégémonie culturelle par les néolibéraux. Sont ainsi répétés en boucle les mêmes credos néolibéraux, les mêmes mots-valise matraqués ad nauseam (« compétitivité » ; « coût du travail » ; le « courage » du « chef d’entreprise » ; le « dialogue social » qu’il faudrait « fluidifier » etc.) jusqu’à faire accepter ces mots pour évidents. Cette construction d’une grille de lecture, prétend à une forme de naturalité. Elle interdit la mise en avant de cadres d’analyse différents. En l’espèce, ces dernières années ont achevé de marginaliser la parole de gauche, pourtant devenue déjà très minoritaire dans le monde médiatique. Il est vrai, cependant, que la parole de gauche s’est elle-même disqualifiée, n’ayant pas su se réinventer, ni établir de stratégies pour faire face à un tel contexte. Les voix dissonantes, expropriées de l’espace public, se regroupent autour de pôles de résistance et de potentielle renaissance intellectuelle (on citera Le Monde Diplomatique, Là bas si j’y suis, Les économistes atterrés, Fakir, Acrimed dans des domaines très différents…). Mais ces quelques bastions enclavés se trouvent bien seuls au milieu d’un océan de silence, et s’adressent à un public restreint.

Face au Mur médiatique : Guerre asymétrique

Faire de la situation actuelle une fatalité serait une grave erreur car notre adversaire a des points faibles. Il importe aujourd’hui de jeter les bases d’un nouveau cycle et d’entamer la construction d’une nouvelle hégémonie.

L’ampleur de la tâche à accomplir a pourtant de quoi briser les élans les plus déterminés. Parce que les conditions historiques ont changé, les règles de la lutte politique ont également changé. C’est pourquoi cet article se veut l’exposé d’une méthode, de notre méthode.

Préalablement à tout développement, il nous faut admettre comme point de départ une représentation spatiale du monde social dans la lignée d’Antonio Gramsci. Il faut comprendre par là l’idée d’un monde social comme un vaste champ de bataille découpé entre leurs positions et les nôtres, entre notre ligne de défense et la tranchée adverse. Les positions de l’adversaire ont ceci de particulier qu’elles sont bien mieux défendues que les nôtres et qu’il peut de ce fait se permettre de mener l’offensive contre nous. Ce schéma, c’est celui de la guerre de position élaboré par Gramsci au lendemain de la première guerre mondiale. Il transpose le vocabulaire propre à la tactique militaire à l’analyse du monde social. Il parle ainsi des médias, des églises, des universités, des usines, des palais de justice, comme d’autant de bunkers et de casemates, de forteresses et de bastions qu’il importe de défendre ou de conquérir avant de pouvoir prétendre à l’exercice du pouvoir. De là la distinction fondamentale dans la pensée de Gramsci entre la société politique et la société civile, qui fabrique le consentement et assure le règne de la classe dominante par la diffusion de ses idées dans la société.

Ce qui importe ici, c’est de comprendre l’effort d’actualisation de la pensée marxiste entrepris par Gramsci. Ce dernier écrit dans un contexte d’échec généralisé des tentatives révolutionnaires en Europe de l’Ouest et d’arrivée du fascisme au pouvoir en Italie, plus précisément, il écrit depuis la cellule de prison où Mussolini l’a fait jeter. Afin de comprendre cet échec historique des révolutions socialistes, il opère une distinction d’importance entre l’Est et l’Ouest, entre la Russie où la révolution bolchévique a triomphé et l’Europe où tous les mouvements révolutionnaires ont été défaits. La société russe se caractérisait alors par une structure sociale simple, une société civile quasi-inexistante, un appareil étatique affaibli : le pouvoir était à prendre. Cette situation appelle une guerre de mouvement, rapide, frontale, pour se saisir du pouvoir.

En Europe de l’Ouest tout au contraire, la structure sociale est complexe, nervurée de tranchées, la société civile est puissante et la classe dominante s’appuie bien davantage sur les idées que sur la force brute pour régner. Ce qu’il appelle l’Etat intégral peut ainsi se définir comme une « hégémonie cuirassée de coercition », la domination par les idées encadrée par la possibilité du recours à la contrainte, l’aspect coercitif occupe ici le second rôle. Dans une telle configuration, opposer le fusil à la plume est impossible, inefficace et contre-productif. Gramsci pense ici aux grandes offensives frontales sur des tranchées ennemies trop bien défendues au cours desquelles des centaines de milliers d’hommes se faisaient faucher par les mitrailleuses pendant la Grande Guerre, sans aucun résultat militaire. Il faut adapter les méthodes de lutte et substituer la guerre de position à la guerre de mouvement. Cette guerre de position se mène avant toute chose par une praxis politique propre à un parti et à une classe sociale, par la guerre culturelle. La “bataille des idées et des mots” joue ici un rôle important quoique non exclusif : il s’agit, pour les acteurs de cette guerre, de conquérir des positions sociales, d’avancer leurs pions, et de faire progresser leur vision du monde. C’est une stratégie de conquête plus lente, plus laborieuse, mais la seule à même de réussir. A travers cette guerre de position, ce qu’il s’agit de faire – comme le formulent Ernesto Laclau et Chantal Mouffe -, c’est de tracer une ligne de démarcation claire, à l’endroit le plus pertinent, entre l’adversaire et nous, de créer un eux et un nous de part et d’autre d’une frontière intérieure à la société et de nous battre toujours pour faire avancer cette frontière antagonique, pour faire avancer nos lignes et faire reculer l’adversaire.

Aujourd’hui, face à un adversaire tout-puissant qui nous contraint au repli sur les dernières positions qu’il nous reste, tout assaut frontal est voué à l’échec. Attaquer une forteresse trop bien défendue est au mieux stupide, au pire suicidaire. C’est pourquoi nous refusons de lui livrer bataille directement. L’hégémonie néolibérale domine et toute parole alternative est disqualifiée de manière systématique lorsqu’elle se confronte à la parole de l’adversaire sur son terrain, dans ses journaux ou sur ses chaînes de télévision. Prenant acte de cette situation, nous affirmons notre stratégie : face au mur médiatique, menons une guerre asymétrique.

Nous n’avons pas les moyens de l’adversaire, aussi nous investissons un terrain où nous pouvons être meilleurs que lui. Cette lutte pour l’hégémonie culturelle, cette bataille des idées, nous choisissons de la mener sur internet, sur les réseaux sociaux, sur un champ de bataille où nous pouvons avoir l’avantage. La guerre de position est présentement quasi-impossible à mener ? Soit ! Menons ce que nous appellerons une guérilla de position. Toute guérilla, une fois qu’elle est devenue suffisamment puissante affronte cependant l’adversaire sur son terrain et mène une guerre régulière. La guerre asymétrique que nous avons choisi de mener n’est donc ni une fin en soi, ni une initiative qui doit interdire la guerre de position sur un champ de bataille traditionnel, dans le domaine de la lutte politique classique, bref, dans la réalité matérielle. Elle est un préalable, elle est un complément. A la guérilla devra succéder la guerre de position.

La devise que nous avons adoptée « Tout reconstruire, tout réinventer » ne veut pas dire autre chose : tout réinventer dans le monde des idées, réformer un logiciel politique sclérosé, pour tout reconstruire dans le monde matériel, forger une force politique nouvelle dans la réalité concrète.

C’est l’unité de ces deux termes qui fonde le projet que nous nous efforçons de construire. Suivant cette idée, et empruntant une distinction déjà énoncée ailleurs, on peut comparer le rôle d’un média comme LVSL au rôle d’un échafaudage. L’échafaudage est une structure temporaire, il n’est pas une fin en soi, il a pour seule fonction d’assurer la construction du bâtiment auquel il est adossé. Pour construire le grand mouvement qui émergera demain, un échafaudage solide est nécessaire. L’émergence d’une force politique nouvelle est conditionnée à l’élaboration d’une grille de lecture alternative par des médias comme le nôtre, par l’imposition de nos mots dont Íñigo Errejón dit qu’ils « sont des collines dans le champ de bataille de la politique » et que celui « qui les domine a gagné la moitié de la guerre », par la mise à l’agenda de nos thèmes et de nos termes afin d’œuvrer à la conquête de la centralité de l’échiquier politique. Et nous pouvons en cela compter sur les très nombreuses initiatives qui émergent ici et là, des médias écrits, des blogs, des chaînes Youtube, des revues, des collectifs etc. LVSL n’est de ce point de vue qu’un pion dans la large constellation d’initiatives en train de naître.

La construction d’un média d’opinion

Cela étant, le terrain que nous investissons, c’est-à-dire internet et les réseaux sociaux, n’est pas un terrain vierge. Une multiplicité d’acteurs s’y affrontent déjà. Les plus combatifs parmi eux sont les médias d’extrême droite dont le succès fulgurant et l’omniprésence sur les réseaux sociaux constituent la raison première de la fondation de LVSL, démarche qui se concevait comme une contre-attaque nécessaire. Ces sites constituent, aux côtés des médias officiels évoqués plus haut, notre second adversaire. Une clarification s’impose ici. La guerre asymétrique doit être une stratégie simplement temporaire le temps de gagner en puissance. Cette stratégie ne doit pas faire oublier cette loi fondamentale du combat politique que pour vaincre son adversaire il faut jouer sur son terrain et selon ses règles. 

Dès lors, cela implique de comprendre les raisons du succès de ces sites d’extrême-droite. La raison en est assez évidente : leur capacité à rester proche du sens commun, des représentations majoritaires dans la société, et à travailler ce sens commun dans leur sens par des discours adéquats. A l’inverse, la gauche s’est depuis trop longtemps murée dans son idéologie, sûre d’être le “camp du bien”, quitte à être de plus en plus déconnectée des subjectivités politiques du commun des mortels. LVSL ne veut pas laisser le monopole de l’efficacité politique à ces sites et ces groupes. Nous nous revendiquons de ce que Gramsci appelle le journalisme intégral. Celui-ci part du sens commun, afin de le travailler et de l’amener là où il est désirable de l’amener. Jusqu’alors, au sens commun populaire, la gauche opposait son sens commun militant et toutes ses évidences. C’est cet échec historique qu’il faut dépasser, si nous voulons être en mesure de gagner cette bataille culturelle. Le journalisme intégral implique de façonner son lectorat à travers la production d’un discours alternatif. Cette idée est à la base du projet de média populiste qu’est LVSL : forger de nouvelles identités politiques pour construire un peuple.

Or donc, les réseaux sociaux possèdent des règles qui leur sont propres, l’une d’elles est la suivante : l’opinion prévaut sur la soi-disant objectivité journalistique. Les sites dont nous parlons l’ont bien compris et doivent leur succès au modèle qu’ils ont su élaboré. Assumer sa subjectivité, prendre position de façon argumentée, s’annonce comme la tactique la meilleure pour faire avancer ses idées sur ce terrain particulier. L’horizontalité qui caractérise le fonctionnement des réseaux sociaux place les acteurs sur un relatif pied d’égalité. La disqualification de la parole alternative ne fonctionne pas sur internet. Les récentes polémiques sur les fake news et la création en réponse du très critiqué service Décodex par le journal Le Monde, dont la mission consiste à décerner des brevets de respectabilité aux sites d’information, témoigne d’une tentative de régulation de la diffusion de l’information sur les réseaux sociaux – sans grand succès pour le moment.

Le média d’opinion tire sa force de ce fait qu’il assume sa subjectivité. Nous affirmons que la neutralité n’existe pas pour cette raison simple que l’auteur d’un article est engagé dans des rapports sociaux et influencé (pour ne pas dire déterminé) par une multitude de discours antagonistes. Que l’on combatte ou que l’on serve les intérêts de la classe dominante de manière active, de manière consciente ou de manière inconsciente, on ne peut pas prétendre s’extraire d’un monde social conflictuel et accéder à une neutralité quelconque, on est toujours du côté de l’une des forces en présence. Aussi, assumer un parti pris revient à une forme d’honnêteté. Cela permet par ailleurs de capitaliser sur le discrédit dont souffrent les médias officiels, c’est là pour nous une arme puissante.

Restent encore les médias d’opinion d’extrême droite. Nous le disions, lorsque le combat est possible, il faut affronter l’adversaire en jouant avec ses règles. En l’espèce, nous adoptons les codes de l’adversaire, nous les subvertissons, les transformons, les adaptons et les retournons contre lui. Nous conservons le parti pris, nous conservons le style polémique, mais nous nous assurons une légitimité supérieure en prenant le lecteur au sérieux et en ne l’abreuvant pas de mensonges ou d’articles insipides.

Nous ne sommes pas seuls à mener ce combat, nous venons juste d’intégrer une chaîne qui compte déjà de nombreux maillons qui sont autant d’alliés. Nous parlons des très nombreux projets qui reposent sur l’écrit ou la vidéo, et qui fleurissent un peu partout et vont dans le même sens que nous. Nous prenons nos adversaires au sérieux, et nous sommes ici pour les combattre pied à pied. Ils ont prospéré sur un terrain vierge, à nous de leur contester le monopole de la parole alternative, à nous d’être meilleurs qu’eux.

LVSL, c’est tout ça. Un projet qui veut faire converger les forces existantes pour fédérer autour d’une parole alternative, autour d’un discours de rupture pour jeter les bases d’un renouveau. En ces temps de montée des périls, il est indispensable de porter un autre projet de société, un système de pensée nouveau qui pave la voie à la construction d’un autre avenir. Ainsi nous engageons le combat, animés par cette conviction profonde, étayée par les faits et l’histoire, qu’à l’hiver, toujours, succède le printemps.

Pour aller plus loin :

Médias français, qui possède quoi ? Le Monde Diplomatique

https://www.monde-diplomatique.fr/cartes/ppa

Projet pour une Presse libre, Le Monde Diplomatique,

https://www.monde-diplomatique.fr/2014/12/RIMBERT/51030

Médias : pourquoi 10 milliardaires contrôlent-ils notre information ?

http://osonscauser.com/medias-pourquoi-10-milliardaires-controlent-ils-notre-information/

Notre projet, Tout reconstruire, tout réinventer

http://lvsl.fr/notre-projet-reconstruire-gauche

Turquie : la stratégie du chaos

Discours d’introduction du co-président du HDP lors du nouvel an kurde “Newroz” à Diyarbakir en Mars 2015. ©Delal Azadî

La situation en Turquie est devenue intenable. Le gouvernement turc réprime ses opposants parlementaires, médiatiques et militants. Ce mouvement s’est accéléré depuis le coup d’État avorté de juillet 2016. Petit tour d’horizon de la situation au Kurdistan turc.


Ce titre aurait pu paraphraser la citation latine “Si vis pacem, para bellum” (qui veut la paix prépare la guerre), à la différence qu’ici la paix se fait réprimer sous les chenilles des chars ou les balles des Loups Gris. Difficile pour un démocrate de Turquie de croire encore au schéma classique de la démocratie ; “vote – élection – parlement”, remplacé par “vote – revote – torture/prison”.

En juin 2015, le parti d’opposition “Parti Démocratique des Peuples” (HDP), mené par ses co-présidents Selahattin Demirtaş et Figen Yuksekdag, dépasse historiquement le seuil des 10% aux élections législatives.

Discours des Co-Maires de la ville/capitale Diyarbakir, en Turquie lors du nouvel an kurde, Mars 2015. Ils ont depuis été emprisonnés. ©Delal Azadî.

Il obtient près de 13% des voix au niveau national et près de 89 députés à la Grande assemblée Nationale Turc. Mécontent de ne pouvoir asseoir son pouvoir constitutionnel, le président R.T. Erdogan convoque à nouveau des élections anticipées quelques mois plus tard.

Le HDP renouvelle alors l’exploit en maintenant son score au dessus de 10%, malgré un nombre galopant d’attentats. Ainsi le 10 octobre 2015 deux explosions retentissent à Ankara lors d’un meeting du HDP. Le bilan s’élève à 97 morts ce qui en fait l’attentat le plus meurtrier de Turquie. L’attaque n’a pas été revendiquée. Dans le même temps, plus de 400 locaux du HDP/DBP ont été brûlés, et des sympathisants et des militants ont été harcelés. Le HDP par la voix de ses co-présidents a annoncé l’arrêt de sa campagne électoral craignant pour la vie des citoyens et de ses sympathisants, contrairement à l’AKP (Adalet ve Kalkınma Partisi – parti de la justice et du développement), au MHP (Milliyetçi Hareket Partisi – parti d’action nationaliste) et au CHP (Cumhuriyet Halk Partisi – parti républicain du peuple) qui ont maintenu leurs activités.

Nul besoin d’être médium pour comprendre que l’Europe ne fera rien en ce qui concerne la réduction des libertés individuelles et collectives à cause des accords diplomatiques, militaires et économiques entre l’Union Européenne et la Turquie (par ailleurs deuxième puissance militaire de l’OTAN). Les médias mainstream pèsent le pour et le contre, car le Président Turc menace d’ouvrir “les vannes de l’immigration aux portes de l’Europe” alors même qu’il s’agit de réfugiés liés au conflit syrien.

Dans un cadre démocratique classique, l’opposition est censée mener dans l’hémicycle son combat politique. Ce n’est pas le cas en Turquie, où le HDP est à l’heure actuelle privé de ses représentants : pas moins de 13 députés sont actuellement en prison, ainsi que plusieurs maires, responsables de districts et responsables locaux du DBP et du HDP. Les démocrates et les républicains turcs sont, dans leur ensemble, la cible du régime.

C’est un état des lieux accablant et les possibilités d’entrevoir une paix immédiate sont inexistantes. Pour qu’une paix immédiate et durable soit possible, il faudrait que l’ensemble des acteurs acceptent de discuter et de mettre en place des accords. Or, l’AKP ne veut pas la paix, pas plus que le MHP. Le CHP, le parti social-libéral, a depuis longtemps capitulé face au pouvoir d’Erdogan, acceptant par exemple de voter la levée des immunités parlementaires des députés du HDP.

Les élus du HDP n’ont pas ménagé leur peine. Ils ont du gérer des centaines de procédures judiciaires à leur encontre et la possibilité de se voir infliger des centaines d’années cumulées de prison. Les dirigeants du parti (répartis de façon paritaire entre hommes et femmes) se sont mobilisés pour alerter l’opinion sur la réalité des opérations militaires à l’Est de la Turquie en montrant des photos des chars rasant la ville de Cizre dans la province de Sirnak en 2015. Cela n’a pas suffi pour provoquer une réaction internationale… puisque les journaux qui avaient relayé ces informations ont été démantelés, au sens propre comme au figuré.

Qui reste-t-il alors pour s’opposer à un régime dictatorial ?

Le conflit armé entre le gouvernement Turc et les combattants du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) perdure. Le gouvernement turc reproche au HDP d’être la vitrine légale du PKK qu’il veut éradiquer. Faysal Sariyildiz député HDP a un curriculum militant impressionnant et a été élu démocratiquement depuis sa prison en juin 2015. Puis il a du prendre la fuite en Europe pour une question de survie. Il parcourt actuellement et inlassablement l’Europe pour relater ce qui s’est passé à l’Est de la Turquie et notamment dans son district de Sirnak, afin de faire comprendre que Cizre, c’est l’équivalent d’Oradour sur Glane. 250 personnes ont été carbonisées, d’autres ont été assassinées par des balles de sniper ou ont été ensevelies vivantes dans la ville. Malgré les appels au secours, les ambulances n’ont pas pu intervenir du fait des risques qu’une intervention aurait entraînés. Mehmet Tuncel, responsable DBP de Cizre (et ami de Faysal) a délivré un dernier message d’alerte avant d’être assassiné-enseveli, avec les femmes, les adolescents, les bébés et les vieillards. Ces individus sont qualifiés de “terroristes” plus dangereux que Daesh par l’État Turc.

Agence de presse féminine, Dihâ    (fermée depuis…)

Lorsqu’on veut mettre fin à la démocratie, on réduit l’ensemble des contre-pouvoirs en supprimant méthodiquement tous les types d’oppositions possibles, y compris parmi des membres fondateurs de l’AKP  tel que Fethulla Gullen qui réside en Pennsylvanie.

Un dernier nom que vous ne connaissiez peut être pas, Tahir Elçi  ; grand et prestigieux bâtonnier de la ville de Diyarbakir, a été assassiné en pleine rue en 2015. C’était un militant de la cause kurde, et un militant pour la Paix.

On ne peut dès lors qu’en arriver à ce constat : la paix n’est ni possible, ni désirée du fait de la politique islamo-nationaliste du président turc R.T.Erdogan qui cherche à éradiquer ses opposants.

Notes sur les partis politiques de Turquie :
– HDP/DBP : Le Parti démocratique des peuples et le Parti démocratique des Régions sont des partis politiques de Turquie. Le DBP est une branche du HDP. Ils sont situés politiquement à gauche et sont issus du mouvement politique kurde. Ils se veulent représenter la société turque dans sa diversité et dans la prolongation du mouvement protestataire de 2013 en lien avec les manifestations du parc de Gezi. Ils sont attachés à l’écologie, l’égalité radicale Femme/Homme, aux droits des LGBT, aux droits des minorités.
– CHP : Le Parti républicain du peuple est un parti politique turc, de type républicain, social-démocrate et laïc. il est membre de l’Internationale Socialiste et membre associé du Parti Socialiste Européen. Il constitue depuis 2002 le principal parti d’opposition face à l’AKP. Il représente le courant historique du Kémalisme.
– AKP : Le Parti de la justice et du développement ou AKP (en turc : Adalet ve Kalkınma Partisi) est un parti de centre droit, au pouvoir en Turquie depuis 2002. Le Premier ministre Binali Yıldırım en est le président depuis le 22 mai 2016, désigné lors d’un congrès extraordinaire à Ankara. Il succède à Ahmet Davutoğlu.
– MHP : Le Parti d’action nationaliste (Milliyetçi Hareket Partisi ou MHP ) est un parti politique turc d’extrême droite fondé en 1969 par Alparslan Türkeş. Il participe au gouvernement Ecevit II de 1999 à 2002 en coalition avec le Parti démocratique de la gauche (DSP) de Bülent Ecevit et le Parti de la mère patrie (ANAP) de Mesut Yılmaz, et disparaît de la Grande Assemblée nationale de Turquie avant de la réintégrer lors des élections de 2007.

Sources :
GABB , Güneydoğu Anadolu Bölgesi belediyeler birliği, union des villes d’Anatolie–  recherches et rapport sur les femmes et les enfants qui ont subi des traumatismes durant les couvres-feux à Cizre et Silopi en Mai 2016 – http://www.gabb.gov.tr/doc/2016/07/gabbhasartespit/cizre%20and%20silopi%20-women%20and%20children%20obs.report.pdf
Laura Mai Gaveriaux , journaliste indépendante , OrientXXI ;
http://orientxxi.info/lu-vu-entendu/la-silencieuse-destruction-des-villes-kurdes-en-turquie,1277,1277

©Delal Azadî