Les cabinets de conseil gouvernent-ils le monde ?

Le siège de KPMG à Canary Wharf, dans la City londonienne. © Paul Wilkinson

De la stratégie vaccinale au plan de relance européen, les cabinets de conseil sont omniprésents dans l’action publique contemporaine. D’abord issues du monde de l’entreprise, les firmes de consulting ont progressivement étendu leurs tentacules dans tous les domaines, jusqu’à dicter de vastes pans des politiques étatiques. Plus que jamais, leur influence doit être questionnée.

En 1926, James « Mac » McKinsey crée à Chicago une compagnie d’experts-comptables qui a pour objectif de réaliser les audits d’autres sociétés. En 1932, la Bourse de New-York oblige les entreprises d’État à fournir des audits indépendants à l’agence fédérale chargée de surveiller le système financier. La rencontre de Marvin Bower, futur dirigeant de McKinsey & Company, et de James McKinsey change rapidement le destin de l’entreprise : la firme ne se spécialise non plus uniquement dans l’analyse des comptes financiers d’autres établissements, mais dans la définition et la mise en oeuvre de stratégies de croissance et de réductions de coûts de fonctionnement. McKinsey & Company , souvent dénommée « La Firme », est aujourd’hui devenue un des plus grands cabinets de conseil au monde. L’entreprise emploie plus de 30 000 employés dans soixante-cinq pays tandis que neuf des dix plus grandes multinationales ont un contrat avec la firme.

En 1991, alors que les sociétés de conseil ont de plus en plus d’influence autour du globe, les chercheurs Christopher Hood et Michael Jackson popularisent le terme « consultocratie ». Selon eux, les sociétés de conseil ont acquis un rôle prépondérant au sein des hautes administrations étatiques et du capitalisme mondial. Il est en effet primordial, pour qui veut comprendre la transformation du système économique mondialisé et financiarisé, de mieux connaître ces sociétés en conseil et stratégie.

Du capitalisme national au néolibéralisme financiarisé

Dans son ouvrage Temp: How American Work, American Business, and the American Dream Became Temporary, Louis Hyman (Viking, 2018, non traduit) dresse un tableau chronologique complet du fonctionnement de l’économie américaine. Selon ce dernier, les sociétés de consultants ont eu un rôle particulièrement important au sein du capitalisme américain, participant pleinement au tournant néolibéral des années 1980. Les consultants s’apparentent en effet à de réels diffuseurs d’idéologie : très vite, les sociétés de conseil produisent de multiples journaux, livres et rapports. Ainsi, dès 1939, « La Firme » publie Top Management Notes, puis, l’année suivante, Supplementing Successful Management, qui est envoyé à plus de 2 600 clients.

Les cabinets de consulting sont très vite devenus le relai du mouvement de mondialisation du capitalisme dans les années 1950. À ses débuts, McKinsey & Company ne conseillait que des sociétés sur le sol américain. Certaines entreprises, à l’image d’IBM, ont rapidement demandé à « La Firme » de mieux organiser leurs structures internationales. Bientôt, c’est avec des entités européennes – Siemens, Britain’s Imperial Chemical Industries ou encore Renault – que McKinsey & Company s’associe. La société leur conseille d’adopter le modèle économique alors dominant aux États-Unis, c’est-à-dire celui d’une organisation décentralisée des entreprises. Si des différences de cultures économiques freinent souvent ce processus d’américanisation – les Allemands privilégiant par exemple plus l’égalité économique que leurs partenaires anglophones – les normes économiques s’homogénéisent rapidement sur le Vieux continent. C’est ce qui fait dire à Louis Hyman que « le management américain des années 1960 allait remodeler le monde et McKinsey allait devenir le filtre par lequel ces idées circulaient. »

« La vision de Galbraith de l’entreprise était complètement opposée à celle d’hommes comme Winter, qui pensaient que le travail, et même le capital, devaient être flexibles. » (1)

John Kenneth Galbraith, économiste americano-canadien de renom, privilégiait la sécurité et la stabilisation des entreprises, en ayant pour objectif principal leur développement à long terme. Durant les années 1970, ce modèle managérial entre en crise, préfigurant une crise intellectuelle globale du capitalisme. Très vite, la vision de J. K. Galbraith est éclipsée par des penseurs comme l’avocat Elmer Winter, cofondateur de l’agence d’intérim Manpower. Dans ce nouveau paradigme, les institutions d’après-guerres – syndicats, larges entreprises spécialisées, etc. – sont largement discréditées. La prise de risque devient alors largement valorisée car assimilée à une manière efficace de réaliser de larges profits. Comme le note Louis Hyman, « cette crise a donné naissance à un autre modèle de capitalisme, pensé par des consultants, qui ne célébrait pas la stabilité des entreprises, mais privilégiait au contraire l’instabilité du marché. »

Durant cette période, des sociétés de consulting sont embauchées à tour de bras afin de briser les larges entreprises qui avaient auparavant le vent en poupe. Un nouveau modèle d’investissement est alors pensé par Bruce Henderson et son Boston Cabinet Group (BCG) : les grandes entreprises possédant de larges parts d’un marché, générant de facto de larges profits, mais à la potentialité de croissance faible, ne doivent pas réinvestir leurs bénéfices dans leur propre développement. Au contraire, plutôt que de rester sur un marché stable, ces dernières ont tout intérêt à investir leur capital dans de nouvelles sociétés avec de fortes potentialités de croissance. Les filiales d’une entreprise qui ne sont que très peu rentables doivent alors être revendues ou fermées car le modèle de Bruce Henderson ne leur reconnaît aucune utilité.

Le parangon de ce changement de mentalité est l’entreprise américaine General Electric (GE), jusqu’alors spécialisée dans le domaine énergétique. La société avait privilégié jusque dans les années 1970 une approche décentralisée en axant sa stratégie sur une recherche de stabilité. Sous l’influence de consultants, GE diversifie son portefeuille, vend ses filiales les moins rentables et investit dans divers domaines très éloignés de son domaine d’expertise d’origine comme la santé, la télévision ou la finance.

« Même si une division était rentable, cela ne signifiait pas qu’il faille y réinvestir. C’est la croissance qui déterminait l’investissement. » (2)

Dans ce modèle, la flexibilité est également perçue comme une solution miracle capable de compresser au maximum les coûts fixes d’une entreprise. Comme le note Louis Hyman, « les intérimaires ne sont plus utilisés uniquement pour répondre à des besoins urgents ou pour soutenir un marché du travail tendu, mais constituent dorénavant une composante planifiée de la main-d’œuvre des entreprises, un dispositif de réduction des coûts formant un second marché du travail qui pourrait effectivement éliminer les sureffectifs. »

Les entreprises de conseil s’apparentent ainsi à des relais efficaces du savoir économique dominant à chaque époque. Ces dernières savent s’adapter aux changements de paradigmes hégémoniques qui fluctuent en fonction des crises que traverse le capitalisme. Depuis la crise économique de 2008, McKinsey & Company s’est ainsi spécialisé dans la data economy et l’intelligence artificielle. Pourtant, si les cabinets de consulting ont joué un rôle clé dans les mutations récentes du capitalisme, ils ont aussi noué des liens durables avec des gouvernements du monde entier.

Un État planificateur ou planifié ?

En 1952, le président américain Eisenhower demande pour la première fois à McKinsey & Company de le conseiller dans l’attribution de certaines positions au sein de l’exécutif. Les firmes de consultants se sont depuis associées à de nombreuses agences fédérales – de la gestion des flux migratoires au département de la Défense – et représentent un secteur de neuf milliards de dollars chaque année en Amérique du Nord.

Pourtant, l’Oncle Sam n’est pas le seul à faire intervenir les sociétés de conseil dans sa gestion étatique. Le Royaume-Uni dépense chaque année 2,6 milliards d’euros dans le recours aux cabinets de conseil, un chiffre qui monte à 3,1 milliards d’euros pour l’Allemagne. Ursula Von Der Leyen, présidente de la Commission européenne, s’est ainsi fait épingler par la Cour des comptes de son pays. Alors qu’elle était ministre de la Défense en Allemagne, cette dernière a confié à une ancienne salariée de McKinsey, Katrin Suder, le soin de moderniser l’armée allemande pour un coût de plus de 100 millions d’euros chaque année. L’Union européenne a elle aussi largement recours à ces sociétés de conseil : entre 2016 et 2019, la Commission européenne a versé 462 millions d’euros aux sociétés d’audit PWC, KPMG, Deloitte et E&Y.

La France n’est pas non plus en reste dans ce recours aux cabinets de conseil. Comme l’analyse le chercheur Philippe Bezès dans Réinventer l’État (Le Lien Social, 2009), la politique d’adaptation et de réforme de l’État débute dans les années 1960 avec la Rationalisation des choix budgétaires (RCB). À l’époque, cette quête de réforme n’est alors pas dirigée par des intervenants extérieurs comme les sociétés de conseil, mais bien par l’intérieur de l’État lui-même. De même, la « modernisation du service public » pensée par Michel Rocard quand il était Premier ministre (1988-1991), fait principalement appel aux acteurs étatiques. La culture administrative française, influencée par les hauts fonctionnaires, est alors largement sceptique et rétive au recours aux sociétés de conseil américaines dans la gestion des affaires publiques. Une première brèche s’ouvre néanmoins durant les années 1980 avec les lois de décentralisation : pour les collectivités locales et administrations affectées, l’aide des cabinets de conseils se révèle précieuse. Tout au long des années 1980, les sociétés d’experts en réforme se multiplient et se spécialisent dans la gestion administrative de maîtrise des coûts et d’atteinte d’objectifs. Ces sociétés se développent alors principalement de manière autonome vis-à-vis du pouvoir central. « Influencées par les savoirs de management, elles proposent d’agir directement sur le fonctionnement interne de l’administration afin de la moderniser et d’accroître son efficacité. Elles portent en elles une critique de la forme bureaucratique d’administration » indique Philippe Bezès.

Dans un contexte « d’ordre de la dette » hégémonique, où le secteur public est voué aux gémonies et où la réduction des coûts est un objectif primordial, les cabinets de conseil ont pu largement se développer au sein de l’Hexagone.

Ce n’est qu’en 2001, avec la ratification de la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF) qui impose une vision financière de l’action publique, que les sociétés de conseil acquièrent un rôle majeur dans les réformes étatiques. Créée en 2007 sous l’impulsion d’Éric Woerth, alors ministre du Budget, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la Révision générale des politiques publiques (RGPP) consolide la position dominante des consultants au sein de l’appareil étatique. À cette initiative succède le Secrétariat général à la modernisation de l’action publique (SGMAP) lors du quinquennat Hollande puis la Direction interministérielle à la transformation publique (DITP) sous Emmanuel Macron. L’initiative est dotée d’un budget de 100 millions d’euros pour le quinquennat pouvant être utilisé afin de recourir aux services de sociétés de conseil. Le ministère des Armées dispose quant à lui d’une enveloppe propre de quatre-vingt-sept millions d’euros pour s’associer aux sociétés de conseil.

L’administration française semble donc s’être acclimatée au management américain par la performance sous le prisme du paradigme du New Public Management. Dans un contexte « d’ordre de la dette » hégémonique, où le secteur public est voué aux gémonies et où la réduction des coûts est un objectif primordial, les cabinets de conseil se sont largement développés au sein de l’Hexagone. Comme le montre le sociologue Frédéric Pierru, les consultants ont été particulièrement influents dans la mise en place des politiques hospitalières des dernières années. Partant du dogme du « big is beautiful » (les larges entités sont préférables aux petits établissements, NDLR), l’État a ainsi eu recours à des sociétés de conseil, comme Capgemini et le BCG, dans la mise en place des Agences régionales de santé (ARS). Le conseiller chargé de mettre en place ces institutions auprès de la ministre de la Santé d’alors, Roselyne Bachelot, était un ancien partenaire de McKinsey et y a retravaillé par la suite. Plus étonnant encore, Salmon & Partners a été mandaté par l’État afin de recruter… les futurs directeurs de ces ARS.

La crise du coronavirus a également été une réelle occasion pour le déploiement des cabinets de conseil. Le plan de relance européen, d’une valeur de près de 750 milliards d’euros, a permis à des firmes de consulting, comme Deloitte ou PWC, d’être embauchées par les institutions bruxelloises et par les États membres de l’Union européenne. Ces entreprises ont eu pour rôle de déterminer comment l’immense manne monétaire dégagée par ces plans devait être utilisée. En Espagne, quatre grands cabinets de consultants ont ainsi conseillé plusieurs ministères dirigés par le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) dans le cadre de ce plan de relance européen. Même schéma en Italie où le recours au cabinet McKinsey par le gouvernement de Mario Dragui a créé une large polémique. La France ne fait pas figure d’exception : McKinsey a été embauchée à hauteur de 3,4 millions d’euros afin d’aider les services étatiques à mettre en place la logistique de la vaccination. Depuis mars 2020, le cabinet Citwell a également été mandaté par la France dans la mise en place d’un schéma de distribution vaccinal dans un contrat d’une valeur de 3,9 millions d’euros. Au total, depuis le début de la pandémie, le ministère de la Santé a signé vingt-huit contrats en lien avec la crise sanitaire, pour un montant supérieur à onze millions d’euros. Des prestations critiquées par certaines personnalités politiques, en raison de leur fréquence, de leur montant et de l’attribution de certains marchés sans appel d’offres.

Une dépendance problématique

Outre ces aspects formels, ce recours massif, voire systématique, aux sociétés de conseil dans la gestion des affaires étatiques pose d’autres problèmes encore plus importants. Les conflits d’intérêts tout d’abord. Comme l’a montré le New York Times, la filiale d’investissement de McKinsey & Company, MIO Partners, possédée par 1 400 « collaborateurs » ayant travaillé au sein de l’entreprise de conseil et gérant plus de 9,5 milliards de dollars de fonds propres, peut être suspectée de pratiques trompeuses. Officiellement, « La Firme » et sa filiale d’investissement sont deux structures distinctes qui ne communiquent pas. Pourtant, plusieurs affaires laissent penser le contraire. Le fonds investit par exemple régulièrement dans des entreprises créées par des anciens salariés de McKinsey, à l’image du fonds d’investissement Northgate ou de la Pacific Alliance Asia Opportunity. De même, certains faits laissent penser que McKinsey & Company utilise sa position de conseiller pour prendre des décisions allant dans l’intérêt de sa filiale MIO Partners. « La Firme » a ainsi été embauchée par Porto Rico pour mettre en place un plan de restructuration de sa dette alors que MIO Partners y avait des intérêts financiers qui auraient pu être remis en cause en cas d’annulation de cette créance. Le New York Times révèle que le plan mis en place par McKinsey « était étonnamment généreux pour les propriétaires de ces obligations de taxe de vente. »

Certains faits laissent penser que McKinsey & Company utilise sa position de conseiller pour prendre des décisions allant dans l’intérêt de sa filiale MIO Partners.

De même, certaines compagnies d’audit ont le double rôle d’éplucher et de vérifier les comptes de grosses entreprises tout en les aidant à optimiser leur fiscalité. À la suite de la faillite d’Enron en 2002, qui a montré les limites d’un tel système, la loi a contraint ces sociétés à séparer leurs activités d’audit et de conseil. Pourtant, les Luxembourg Leaks ont révélé que la firme PWC a aidé le géant de l’alimentaire Heinz à réduire ses impôts tout en certifiant ses comptes. Nonobstant la responsabilité de PWC dans l’organisation de l’évasion fiscale au niveau mondial, la société a été mandaté de multiples fois par l’État dans la mise en place de sa stratégie vaccinale. De même, dans une sorte de mélange des genres de mauvais goût, alors que le cabinet KPMG a plusieurs fois été épinglé pour avoir aidé de riches fortunes à placer leurs fonds dans des paradis fiscaux, la société conseille 6 000 agglomérations, départements et régions françaises.

Ce double jeu des cabinets de conseil est en fait souvent lié au phénomène des « revolving doors » (le « pantouflage »), qui désigne le fait pour une personne d’évoluer entre secteur public et privé, souvent en exerçant dans les mêmes domaines. La force d’entreprises telles que McKinsey repose en bonne partie sur leur capacité à embaucher du personnel ayant un carnet d’adresses conséquent. Ainsi, des personnes travaillant au sein de l’administration publique sont régulièrement employées par ces sociétés de conseil. En quelques années, plus de vingt personnalités politiques espagnoles ont été embauchées par ces entreprises. En France, on estime qu’environ cinquante-huit anciens élèves de l’ENA ont eu des expériences professionnelles avec des cabinets de conseil. McKinsey et le BCG ont attiré respectivement dix-huit et dix-sept anciens énarques. La promotion Léopold Sédar Senghor (2002-2004), qui a vu passer Emmanuel Macron et Gaspard Gantzer, concentre quatre diplômés passés par ces entreprises de conseil. D’anciens salariés de ces entreprises peuvent même atteindre des fonctions très importantes au sein des gouvernements. Alexander de Croo, le Premier ministre belge, a ainsi travaillé pour le BCG, tandis que le secrétaire américain des Transports, Pete Buttigieg, est un ancien de McKinsey.

Les firmes de conseil proposent également des missions pro-bono : des prestations gratuites, pour le bien public. Lors de la commission Attali dont Emmanuel Macron était le rapporteur, Eric Labaye (McKinsey) et Pierre Nanterme (Accenture) étaient par exemple présents à titre gratuit. Pour autant, force est de constater que cette mission n’était pas sans intérêt pour ces firmes : elle a permis à Karim Tadjeddine, alors représentant de McKinsey, de rencontrer le futur Président de la République Emmanuel Macron. Les deux hommes préfacent le livre d’un inspecteur des finances, Thomas Cazenave, devenu directeur adjoint de cabinet d’Emmanuel Macron lorsque ce dernier est nommé ministre de l’Économie (L’État en mode start-up, Eyrolles, 2016). En 2017, lorsque le nouveau Président français crée la Direction interministérielle à la transformation publique (DITP), il nomme alors Thomas Cazenave à sa tête. Cette institution française a notamment pour prestataire McKinsey, dont le co-directeur du département du secteur public n’est autre que… Karim Tadjeddine.

Ce lien entre les trois hommes n’est en réalité que la face émergée de l’iceberg de la consultocratie qui envahit chaque jour un peu plus les organes de l’État. Comme le notent Nicolas Belorgey et Frédéric Pierru dans Une « consultocratie » hospitalière ? , « la présence des grands cabinets de conseil internationaux s’est banalisée dans le secteur public en général ». Conquis par les méthodes managériales américaines, les élites étatiques et les hauts-fonctionnaires, justement supposés remplir le rôle d’organisation et de réforme de l’État, ont en réalité largement favorisé cette situation. Outre les conflits d’intérêts au profit d’une petite caste mi-privée mi-publique, ce recours excessif au consulting rend de plus en plus l’État incapable de gérer des situations de crise sans l’aide du privé, comme en témoigne la crise du COVID-19. Nicolas Belorgey et Frédéric Pierru notent ainsi que « recourir à leurs (onéreux) services est devenu une sorte de réflexe des élites étatiques, dans un contexte plus global de dévalorisation des compétences internes à l’État et, symétriquement, de célébration de la supposée supériorité des méthodes de gestion du secteur privé ». Les lois de moralisation de la vie publique ou la réforme de l’ENA engagées par le gouvernement suffiront-elles à pallier cette situation ?

(1) (2) Louis Hyman, Temp: How American Work, American Business, and the American Dream Became Temporary (Viking, 2018, non traduit)

Comment la baisse tendancielle du taux de profit explique le capitalisme d’aujourd’hui

© Aitana Perez pour LVSL

Alors que l’eau devient une marchandise comme une autre au Chili, les employeurs européens ne fournissent plus de vélos aux livreurs des plateformes. Tandis que Jeff Bezos s’envole dans l’espace, la planète brûle de l’Australie à la Californie… Le point commun entre ces faits ? La quête du profit. Si cette obsession pour l’appât du gain est critiquée pour ses abus, beaucoup n’y voient que la marque d’une cupidité excessive de certains entrepreneurs. Or, cette quête du profit maximum est intrinsèque au mode de production capitaliste. C’est du moins le postulat fondamental de la notion marxiste de baisse tendancielle du taux de profit. Elle permet de penser des phénomènes en apparence aussi divers que la concurrence oligopolistique, la plateformisation de l’économie, la financiarisation, ou encore la prédation exercée sur l’environnement, comme l’émanation d’un même mécanisme fondamental.

Comment expliquer la valeur que prennent les biens dans la société ? Pour Karl Marx, la valeur d’un bien est constituée par sa valeur d’usage, c’est-à-dire la valeur procurée par son utilisation, et sa valeur d’échange, qui correspond à la quantité de travail moyen nécessaire à sa fabrication. Si toute la richesse est produite par les travailleurs, elle ne leur revient pas entièrement, loin s’en faut : les détenteurs des moyens de production s’accaparent une part de la valeur produite par les travailleurs via les revenus du capital. Le taux de profit est défini comme étant le rapport de la survaleur (l’excédent récupéré après les ventes de marchandises et le paiement des salaires) sur la somme du capital constant (les machines et matières premières) et du capital variable (la masse salariale ). Ainsi, en vue de maintenir ou d’augmenter son profit, les détenteurs de capital ont trois options :

1 – Augmenter la survaleur ;

2 – Diminuer la part de capital constant ;

3 – Diminuer la part de travail rémunéré.

Une des clés pour augmenter les taux de profit est l’innovation technique, qui permet de produire avec plus de machines – que Marx identifie comme étant une accumulation de travail vivant passé – et moins de force de travail vivante. En réduisant la part de la rémunération du travail vivant dans la production, les détenteurs de capital espèrent ainsi soit conquérir de nouvelles parts de marché en diminuant les prix de vente, soit, à prix de vente constants, augmenter leurs marges. Ce mode de production repose cependant sur une contradiction inhérente : c’est en cherchant à diminuer la part de ce qui permet pourtant leur plus-value (le travail vivant de leurs employés, seuls producteurs) que les employeurs entendent augmenter leur profit.

Face à la menace permanente d’une baisse du taux de profit, l’une des stratégies fondamentales des employeurs est de chercher à s’implanter sur de nouveaux marchés. À ce titre, l’État joue un rôle fondamental.

En effet, les entreprises rivales sur un même marché ne tardent jamais à s’imiter mutuellement et l’avantage compétitif obtenu grâce aux innovations techniques devient caduc. C’est bien cette dynamique que l’on identifie comme étant la baisse tendancielle du taux de profit : celle qui pousse les employeurs à recourir à moins de travail vivant pour bénéficier d’un avantage sur leurs concurrents… alors même que cet avantage n’est que temporaire puisqu’ils seront bien vite imités. Ce nivellement par le bas de l’usage de la force de travail est une contradiction interne du système capitaliste qui le rend instable, puisque c’est sur l’exploitation de cette force de travail que les employeurs fondent leur pouvoir économique.

Si le concept de baisse tendancielle du taux de profit fait l’objet de nombreuses controverses, il demeure pertinent pour comprendre certaines dynamiques actuelles du capitalisme. D’une part, cette grille de lecture permet de comprendre l’extension permanente des sphères lucratives, la déresponsabilisation des entrepreneurs vis-à-vis de l’appareil productif, et le suicide environnemental dans une même logique. D’autre part, elle permet de saisir la nécessité d’adopter un mode de production alternatif pour contrevenir à ce futur.

Comment les accumulateurs de capital s’y prennent-ils pour enrayer cette pente spontanée vers la diminution de leur taux de profit ? Bien des phénomènes qui caractérisent l’économie contemporaine – la concurrence entre groupes oligopolistiques pour la conquête de nouveaux marchés, le développement des plateformes, la financiarisation, la marchandisation des biens naturels, etc. – peuvent être lus à l’aune de cet objectif.

L’État au service de l’accumulation de capital

Face à la menace permanente d’une baisse du taux de profit, l’une des stratégies fondamentales des employeurs est de chercher à s’implanter sur de nouveaux marchés. À ce titre, l’État joue un rôle fondamental. L’idée selon laquelle les politiques néolibérales conduisent à moins d’État, souvent entendue chez une partie de la gauche, est partiellement incorrecte. Les grandes entreprises ont en réalité un besoin éperdu d’État afin de maintenir leur domination sur l’économie et, par ce biais, leur taux de profit. La création de nouveaux marchés par l’État s’effectue par le biais de sa puissance de coercition, ainsi que par l’instauration d’un cadre juridique qui leur est propice – comme le suggérait Marx et l’analysait de manière détaillée Karl Polanyi.

NDLR : Pour une analyse de l’État comme cadre instituant du libéralisme, lire sur LVSL l’article de Marin Lagny : « Polanyi, La grande transformation : de l’économie à la société (néo)libérale »

À mesure que l’autonomie de l’État décroît par rapport aux détenteurs de capital, celui-ci devient une machine à accroître leurs marges. Au sein des dépenses dédiées au service public, une part croissante tend à rémunérer les prestataires des délégations de services publics – ces derniers perdant alors leur caractère socialisé. Les partenariats public-privé, dans lesquels les entrepreneurs financent les infrastructures pour ensuite exiger des loyers exorbitants à l’État et aux collectivités s’inscrivent dans la même logique. La part croissante que l’État consacre aux aides aux entreprises, en particulier aux grands groupes, s’inscrit dans cette logique. Récemment, le travail d’information d’Allô Bercy détaillait la manière dont des milliards d’euros ont été versés aux multinationales sans contrepartie pendant la crise sanitaire, permettant le versement de dividendes indécents aux actionnaires. Cet épisode est loin de relever de l’exception. D’après la Cour des comptes, près de 140 milliards d’euros y sont dédiées chaque année, soit autant que les salaires versés aux fonctionnaires.

Le capitalisme de plateforme au secours de la classe dominante

De la même manière, la plateformisation de l’économie peut être lue à l’aune de cette volonté de lutter contre la baisse tendancielle du taux de profit.

NDLR : Pour une analyse marxiste du capitalisme de plateformes, lire sur LVSL l’article d’Evgeny Morozov : « « Extraction des données par les GAFAM : aller au-delà de l’indignation »

Il rejoint l’enjeu du travail effectué de façon invisible – et gratuite. La question du travail domestique, encore très largement effectué par les femmes, est un exemple bien connu. Quand une employée de maison exerce les tâches domestiques chez un particulier qui l’emploie, il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un travail dans tous les aspects qu’on lui donne. Dès que cette même femme effectue les mêmes tâches effectuées chez elle, celles-ci ne sont plus qualifiées de travail.

Une dynamique semblable peut être observée dans les domaines où l’économie est numérisée – par d’ingénieux artifices, les travaux salariés disparaissent et sont confiés à des travailleurs non payés. Il n’est que de considérer l’exemple de la bascule des démarches administratives vers la numérisation – à l’image de la déclaration des revenus en ligne – pour s’en convaincre. Par le passé, cet exercice était accompli par les agents des impôts et représentait un travail considérable de saisie informatique. Ce travail a subi une forme de privatisation à l’échelle individuelle : l’exécution de la tâche de saisie informatique est directement effectuée par le contribuable derrière son écran. Bien qu’il y ait des vertus à exempter les agents publics d’une telle tâche pénible et répétitive, son élimination a surtout été stimulée par la suppression de postes et l’accroissement de la charge de travail dans ces services. Comme l’analyse avec brio Frédéric Lordon, la délégation à l’individu du tri des déchets s’inscrit dans la même logique : déléguer un travail auparavant effectué par des salariés qualifiés à des citoyens-usagers, non qualifiés, qui le font gratuitement.

Analyser l’ubérisation au travers de la baisse tendancielle des taux de profit permet de comprendre pourquoi les plateformes représentent l’avenir rêvé par les investisseurs. En effet, si les employeurs sont amenés à gagner moins, à part égale de capital constant, ils ont trouvé dans l’ubérisation un moyen de contourner ce problème – n’ayant plus à supporter le « coût » de la production.

Si la classe dirigeante, attachée à la propriété lucrative source de ses profits, cherche donc à investir de nouvelles sphères d’activité pour étendre ses profits, elle semble en parallèle se lancer dans une large dynamique de désinvestissement de l’appareil productif. Il s’agit ici d’une évolution importante. Historiquement, les classes dominantes utilisaient en effet leur propriété de l’outil de travail des travailleurs comme légitimation de la ponction qu’elles réalisaient sur la valeur créée par le travail de ces derniers. Le capitalisme de plateforme rebat les cartes de cet état de fait et offre désormais la possibilité aux possédants de ne même plus avoir à investir dans l’appareil productif : ils peuvent s’en déresponsabiliser en laissant aux travailleurs eux-mêmes le soin d’acquérir leur propre outil de travail. Ainsi, le chauffeur Uber conduit sa propre voiture, le livreur Deliveroo achète lui-même son vélo, etc. Dans cette perspective, « l’apport » du propriétaire lucratif se retrouve réduit à peau de chagrin : il se contente de proposer une intermédiation entre offreurs et demandeurs, sans assumer aucune autre responsabilité, mais continue de ponctionner une part très importante de la valeur économique créée par les travailleurs de plateforme.

NDLR : Pour une analyse des implications sociales et juridiques de l’ubérisation, à lire sur LVSL : « auto-entrepreneuriat : les chaînes de l’indépendance »

Si l’on sait combien cette intermédiation par le capitalisme de plateforme est à la fois mauvaise pour les travailleurs et évitable, l’analyser au travers de la baisse tendancielle des taux de profit permet de comprendre pourquoi les plateformes représentent l’avenir rêvé par les investisseurs. En effet, si les employeurs sont amenés à gagner moins, à part égale de capital constant, ils ont trouvé dans l’ubérisation un moyen de contourner ce problème – n’ayant plus à supporter le « coût » de la production. En définitive, non seulement le capitalisme de plateforme contourne le droit du travail, endette les travailleurs et les rémunère mal, mais il est aussi un moyen pour les possédants de ne plus avoir à s’encombrer de l’appareil productif dans certains secteurs d’activité, tout en continuant à y exercer une ponction. Le fort développement du télétravail à la faveur de la crise sanitaire peut aussi être lu à l’aune de cette dynamique d’abandon, par la classe possédante, de certains coûts intrinsèquement liés à l’activité réelle. Concrètement, généraliser le télétravail est l’opportunité, pour l’employeur, non seulement de casser la cohésion entre salariés, mais aussi de se débarrasser de certains frais inhérents à l’entretien de l’outil de travail : bureaux, matériel informatique, etc.

La financiarisation comme compensation de la baisse des taux de profit

Un autre secteur d’activité permet de générer beaucoup des profits en supportant un faible coût de production : la finance. Si les détenteurs de capitaux jugent encore insuffisante la ponction qu’ils réalisent sur le travail vivant effectué dans l’économie réelle, ils peut choisir d’utiliser leur patrimoine financier comme un levier de profitabilité démultiplié ou, pour reprendre une expression courante (mais passablement erronée), « faire travailler son argent ». Historiquement, la finance passe principalement par les prêts bancaires, qui permettent de recevoir des intérêts pour avoir mis à disposition des fonds servant aux prêts. Dans le capitalisme contemporain, cette logique s’étend aujourd’hui à des entreprises au départ bien éloignées des métiers de la banque. Il est désormais très courant de pouvoir acheter un produit à crédit sans passer par sa banque.

Le concept de baisse tendancielle du taux de profit permet d’aborder avec moins de naïveté la critique du « productivisme » portée par l’écologisme mainstream et médiatique.

Ainsi, les activités bancaires elles-mêmes sont aujourd’hui dépassées en termes de taux de profit par les activités dites « de marchés », c’est-à-dire les paris en Bourse. Rien de plus simple, en effet, que de spéculer sur la hausse ou la baisse d’une valeur, qu’il s’agisse d’une part d’entreprise (action), d’une dette (obligation), du prix des matières premières, d’une monnaie, d’un indice boursier etc. Les plus-values à la clé peuvent être considérables, tandis que les coûts de production sont ridicules, les traders étant d’ailleurs de plus en plus remplacés par des algorithmes.

La finance, monstre froid déconnecté de l’économie réelle ? Les crises financières révèlent au contraire à quel point elle est imbriquée dans celle-ci. Lorsque les détenteurs de capitaux entrent au capital d’une entreprise, c’est parfois pour spéculer, mais aussi pour acquérir un pouvoir décisionnaire sur les orientations de la production et toucher des dividendes. Généralement indifférents à ce que produit l’entreprise et aux conditions environnementales et sociales dans lesquelles s’exercent cette production, les actionnaires sont en revanche particulièrement attentifs à la rente qu’ils vont pouvoir en obtenir. En exacerbant l’obsession du profit déjà présente dans une entreprise indépendante des marchés financiers, en l’indexant sur une logique de spéculation financière, la finance bouleverse donc le régime d’accumulation capitaliste traditionnel, et porte à un degré supérieur l’obsession de maximisation du taux de profit.

Un capitalisme prédateur

L’impact de la rapacité des détenteurs du capitaux sur les travailleurs, mais aussi sur l’environnement, est un leitmotiv majeur de la théorie marxiste. « Le capital épuise deux choses : le travailleur et la nature », écrivait Karl Marx. Dans la théorie marxiste, le capitalisme élimine toutes les restrictions à l’appropriation de la nature – appropriation, car ce processus conduit à tirer des bénéfices du « travail impayé » extra-humain (accumulation géologique, biodiversité…) en les sortant des bilans des entreprises [5]. Les lentes évolutions géologiques et physiques, étalées sur des millions d’années, ayant permis de constituer les réserves d’hydrocarbures, sont ainsi gratuitement accaparées – on peut en dire autant de la surpêche ou de l’utilisation abusive des sols par l’agriculture intensive, qui détruit la biodiversité sans payer un centime, alors que tout le système de production alimentaire repose sur cette ressource si fragile.

La théorie libérale a bien pris en compte le caractère problématique de cette course vers l’accaparement des ressources, pour le recoder dans la grammaire de la théorie coûts / bénéfices [6]. Il s’agit de mettre en balance l’avantage à polluer obtenu par une entreprise, avec les désavantages pour le reste de la société, traduites en langage libéral comme des « externalités négatives ». Bien évidemment, réussir à évaluer précisément les impacts d’un acte polluant, que cela soit par des études statistiques d’augmentation de risques de cancer ou des effets cumulatifs des multiples dégâts environnementaux, se révèle impossible. Sans compter que cette approche ne prend aucunement en compte la disparition progressive des ressources qui n’ont pas une valeur marchande immédiate – autrement dit, tant que le coût de la disparition d’une ressource naturelle n’a pas été comptabilisé et chiffré, il n’existe tout simplement pas.

Le concept de baisse tendancielle du taux de profit permet d’aborder avec moins de naïveté la critique du « productivisme » portée par l’écologisme mainstream et médiatique. Il profit permet en effet de comprendre pourquoi le productivisme est inhérent au mode de production capitaliste : puisque le taux de profit baisse sur chaque unité produite, il faut produire plus en quantité – ce qui est écologiquement préjudiciable. De même, elle permet de comprendre la cause de la frénésie à l’innovation technique de la part des détenteurs de capital : confrontés à une pression de tous les instants pour améliorer le rendement de leur capital fixe, ils se lancent dans une course sans le luxe de se soucier de son impact environnemental.

Lutte pour l’accaparement de nouveaux marchés, plateformisation, financiarisation, prédation sur les ressources naturelles : ces phénomènes peuvent être compris comme une manière de répondre à la baisse tendancielle du taux de profit. Se pose alors la question du dépassement du système économique dominant à l’ère néolibérale. Il est courant d’opposer, dans les cercles hétérodoxes, un capitalisme fordiste-keynésien à un capitalisme néolibéral et financiarisé – pour vanter les vertus du premier et critiquer les effets néfastes du second. Une analyse en termes marxistes conduirait pourtant à considérer que le second est le produit logique du premier : la transition de l’ère fordiste-keynésienne à l’ère néolibérale peut en effet être lue comme une manière parfaitement rationnelle d’enrayer la baisse tendancielle du taux de profit. Est-ce à dire que la critique du néolibéralisme demeure superficielle, tant qu’elle ne prend pas en compte le mécanisme fondamental qui a conduit à l’apparition du néolibéralisme ?

Notes :

[1] Concernant les niches fiscales, les comptes du budget de l’État en 2020 par la Cour des comptes, page 162. Consultable ici.

[2] Concernant les exonérations de cotisations sociales, Les Comptes de la Sécurité Sociale, Résultats 2019 et prévisions 2020, page 58. Consultable ici.

[3] Par-delà Nature et Culture, Philippe Descola.

[4] Manières d’être vivant, Baptiste Morizot.

[5] La Nature dans les limites du Capital, Jason Moore.

[6] La société ingouvernable, Grégoire Chamayou.

[7] En outre, produire en régime capitaliste implique des coûts mathématiquement plus élevés puisqu’il est nécessaire, en plus des dépenses publicitaires et de marketing, de dégager une marge pour le profit, alors même que la production en est exemptée.

De Jaurès à Sanofi, la solution coopérative

Construction d’une grange par la communauté Amish aux Etats-Unis. @randyfath

À la suite de la crise du Covid, les appels à changer l’organisation générale de notre économie arrivent de toutes parts. Ces appels se divisent en deux catégories : soit ils préconisent le retour d’un État fort, soit ils se contentent de mesures cosmétiques sans s’attaquer à la racine du problème de l’entreprise, qui n’est autre que la recherche du profit à tout prix. Pourtant, tout attendre de l’État n’est pas la seule alternative possible. Comme le fit Jean Jaurès en son temps, on peut s’appuyer sur les coopératives pour instaurer une rupture majeure : la démocratie plutôt que le profit.


Nous faisons face à une triple crise. Une crise sociale, dont on se demande comment sortir : les inégalités sont exacerbées, les salariés précarisés, les entreprises délocalisées. Une crise sanitaire, dont l’idée d’une deuxième vague nous fait frémir : les médicaments sont importés, les soignants exténués, les hôpitaux délabrés. Une crise environnementale, dont les premiers effets se font déjà sentir : la nature est surexploitée, la biodiversité menacée, le climat déréglé.

Pourquoi ? Car toute action est jugée selon une même finalité : la rentabilité. Tant que cela rapporte davantage ou coûte moins cher, les conséquences sociales et environnementales ne comptent guère. D’où vient cette logique du profit à tout prix ? On en attribue généralement l’origine au « monde de l’entreprise ». Quoi de plus logique puisque les entreprises sont au cœur de nos sociétés ? La majorité des salariés y travaillent, les consommateurs achètent leurs produits et la fonction publique n’en finit pas de copier leurs méthodes.

L’entreprise : un concept économique, divers modèles juridiques

Ici, il est cependant nécessaire de faire une distinction entre l’économie et le droit. En économie, le concept d’entreprise désigne une organisation réalisant une activité économique de production d’un bien ou d’un service. En droit, l’entreprise n’existe pas en tant que telle [1]. Pour exister juridiquement, l’entreprise doit adopter l’un des multiples modèles juridiques reconnus par la loi : association, mutuelle, société civile d’exploitation agricole… pour une propriété privée ; société d’économie mixte, société publique locale, établissement public à caractère industriel et commercial… pour une propriété publique.

Pourtant, quand on pense au monde de l’entreprise, on le réduit généralement à un seul des modèles juridiques existants : la société de capitaux (Sanofi, Total, LVMH… pour les plus connues). En son sein, le pouvoir est aux mains de celles et ceux qui apportent des capitaux. Ce sont donc les actionnaires ou associés qui prennent les décisions stratégiques et élisent les dirigeants, selon le principe capitaliste « une action = une voix ». Puisque ces actionnaires attendent un retour sur investissement, les dirigeants sont élus d’après leurs capacités à rentabiliser les capitaux investis : l’activité, les salariés, les ressources naturelles ou encore le territoire d’implantation ne sont que des variables d’ajustement au service de la logique du profit. Du point de vue des salariés, la démocratie s’arrête donc aux portes de la société de capitaux. Jean Jaurès le formula d’ailleurs en ces termes : « La Révolution a fait du Français un roi dans la société et l’a laissé serf dans l’entreprise ».

Or, ce modèle juridique étant le modèle d’entreprise le plus répandu, il est le cœur de notre système économique. On comprend donc mieux pourquoi cette logique du profit s’est diffusée jusque dans les moindres recoins de notre société, au détriment de la démocratie. Pour transformer la société en profondeur, il est donc indispensable de remplacer ce cœur par un modèle productif alternatif. Pour identifier cette alternative, un petit détour par la pensée de Jaurès peut justement s’avérer utile. Ce dernier ne se limita pas à une simple critique de la société de capitaux, et défendit abondamment un modèle bien particulier : la coopérative.

La démocratisation par la coopération, pilier de la transformation pour Jaurès

Dès la fin du XIXe siècle, Jaurès s’impliqua dans plusieurs initiatives coopératives : la verrerie ouvrière d’Albi, la Boulangerie socialiste de Paris, la Bourse des coopératives socialistes…[2] A partir de ces expériences, il en déduisit que « le socialisme ne peut, sans danger, ou tout au moins sans dommage, négliger la coopération qui peut ajouter au bien-être immédiat des prolétaires, exercer leurs facultés d’organisation et d’administration et fournir, dans la société capitaliste elle-même, des ébauches de production collective » [3].

Jaurès finit même par reconnaître la coopérative comme étant l’un des piliers de la transformation de la société, au même titre que le syndicat et le parti : « Lorsque trois actions sont aussi essentielles que le sont l’action syndicale, l’action coopérative et l’action politique, il est vain de régler entre elles un ordre de cérémonie, il faut les utiliser toutes les trois au maximum » [4]. Dès lors, dans sa vision de la démocratie économique, Jaurès associait les travailleurs, mais aussi d’autres parties prenantes ayant un lien avec l’activité, actionnaires exceptés. La confrontation de ces points de vue divergents ne devait pas se limiter à une simple consultation, mais bien à l’implication de chacun dans la prise de décision.

La nécessaire confrontation de points de vue divergents

Ainsi, lorsqu’il prôna l’intervention directe de l’Etat, comme en 1912 à l’issue d’une nouvelle augmentation du cours du prix des céréales, il précisa : « Bien entendu, il ne faudra pas que ce pouvoir nouveau de l’État s’exerce bureaucratiquement. Des délégués des groupes de producteurs paysans et des consommateurs ouvriers interviendront dans la gestion, à côté des représentants directs de la nation tout entière et des hommes de science les plus qualifiés » [5]. Plutôt que d’imposer par en haut le prix des céréales, avec le risque qu’il soit déconnecté de la réalité, Jaurès concevait la confrontation de ces points de vue divergents dans un intérêt commun : la définition d’un prix juste, suffisamment rémunérateur pour les producteurs et relativement modéré pour les consommateurs, avec expertise scientifique à l’appui.

La confrontation de ces points de vue divergents avait enfin pour but d’éviter la concentration de pouvoirs dans les seules mains des dirigeants politiques. Car Jaurès était bien conscient des dangers inhérents au fait de « donner à quelques hommes une puissance auprès de laquelle celle des despotes d’Asie n’est rien » [6]. Or, encore aujourd’hui, on peut suivre Jaurès en s’inspirant du mouvement coopératif contemporain. Et ainsi instaurer de véritables ruptures dans l’organisation générale de la production et faire primer la démocratie sur la logique du profit.

En SCOP, la démocratie n’est pas une faiblesse, elle est une force

Prenons d’abord les 2300 Sociétés Coopératives et Participatives (SCOP) que compte notre pays [7]. La SCOP n’est pas une société de capitaux, mais une société de personnes. En son sein, le pouvoir est aux mains de celles et ceux qui apportent leur force de travail. Ce sont donc les salariés qui prennent les décisions stratégiques et élisent les dirigeants, selon le principe démocratique « une personne = une voix » [8]. La logique de l’entreprise s’en trouve redéfinie : le profit n’est plus une fin en soi, mais un moyen au service de l’activité et des emplois [9].

La pérennité des SCOP n’est plus à prouver : leur taux de survie à 5 ans est de 70%, contre 60% pour les sociétés de capitaux.

Serait-ce un non-sens économique ? Un modèle non soutenable ? Une fragile utopie ? Au contraire : d’une part, comme toute société commerciale, les SCOP sont soumises à l’impératif de viabilité économique. A l’inverse de nombreuses associations, c’est un gage de leur indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics. D’autre part, les salariés de SCOP sont amenés à devenir associés de l’entreprise, afin de détenir au minimum 51% du capital. A l’inverse de nombreuses sociétés de capitaux, c’est un gage de leur indépendance vis-à-vis des pouvoirs financiers. Surtout, la pérennité des SCOP n’est plus à prouver : leur taux de survie à 5 ans est de 70%, contre 60% pour les sociétés de capitaux [10].

Quelle est la source de cette résilience ? « La démocratie n’est pas une faiblesse, elle est une force » nous dit François Ruffin à propos des institutions politiques au temps de la crise du Covid [11]. Or, ce qui est vrai à propos de l’Etat l’est tout autant pour l’entreprise, même si les SCOP sont généralement plus proches de la démocratie représentative que de l’idéal autogestionnaire [12].

Cette démocratie est une force : elle favorise l’efficacité des décisions qui sont prises. En effet, puisque les dirigeants sont élus par les salariés, leurs décisions bénéficient d’une plus grande légitimité [13]. De plus, comme toute personne élue, ils doivent rendre des comptes auprès de leurs électeurs. Du point de vue des salariés, cette transparence facilite les échanges et la compréhension des enjeux associés à chaque décision [14]. Enfin, qui connaît mieux l’outil de travail que les salariés eux-mêmes ? La gouvernance partagée renforce donc la pertinence de décisions prises par rapport aux besoins et atouts de l’entreprise.

La démocratie est une force : elle favorise l’engagement des salariés. Boris Couilleau, dirigeant de Titi-Floris, une SCOP de plus de 1000 salariés spécialisée dans le transport de personnes en situation de handicap, le résume en ces termes « Quand on est locataire d’un logement, on n’en prend pas autant soin que lorsqu’on en est propriétaire. C’est le même mécanisme avec l’entreprise : quand on devient salarié associé d’une coopérative, on fait plus attention à son outil de travail, on s’implique davantage » [15]. Aussi, quand des difficultés économiques se présentent, les coopératrices et coopérateurs sont d’autant plus prêts à faire des efforts, pouvant aller jusqu’à une augmentation ou une baisse du temps de travail, une réduction des rémunérations, une réorganisation de l’activité… puisqu’ils savent que cela servira avant tout à maintenir à flot leur coopérative et leur emploi, et non à remplir les poches d’un actionnaire extérieur [16].

L’un des véhicules adaptés de la SCOP Titi-Floris. © Titi-Floris

La démocratie est une force : elle favorise la prudence en matière de gestion financière. Ainsi, les SCOP affectent en moyenne 45% des bénéfices réalisés à leurs réserves, 43% en participation à leurs salariés, contre seulement 12% en dividendes [17]. Cette répartition équilibrée du résultat est peu banale dans le monde de l’entreprise. Elle permet à ces coopératives de disposer de fonds propres importants, que ce soit pour faire face aux difficultés économiques ou pour investir sur le long terme. A titre de comparaison, Oxfam nous rappelle que les sociétés du CAC 40 affectent en moyenne à peine 27% des bénéfices en réinvestissement, seulement 5% aux salariés, contre 67% aux actionnaires [18].

La SCIC, modèle de démocratie sanitaire ?

La SCOP n’est pas l’unique forme juridique que peut prendre une coopérative. Les 900 Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif (SCIC) que compte notre pays sont, comme les SCOP, des sociétés de personnes. En leur sein, le pouvoir est aux mains de celles et ceux qui participent de diverses manières à l’activité. Ce sont donc les salariés mais aussi des usagers, des bénévoles, des collectivités locales, des organisations du même secteur ou encore des représentants de l’Etat, qui peuvent coopérer au sein d’une gouvernance partagée [19]. La démocratie est toujours une force, puisque la confrontation de ces points de vue divergents, chère à Jaurès, se retrouve bel et bien au service d’un intérêt commun.

On peut prendre comme exemple le centre de santé parisien Richerand, sous forme de SCIC depuis 2018. Issu du syndicalisme des industries électriques et gazières, anciennement EDF-GDF, ce centre était initialement géré par la seule caisse des œuvres sociales des électriciens et gaziers (Ccas) [20]. Le modèle coopératif a alors rendu possible l’implication dans la prise de décisions des salariés (médecins, dentistes, infirmiers, employés…), de groupes hospitaliers partenaires (AP-HP, Fondation Ophtalmologique Rothschild, Diaconesses Croix Saint-Simon), de professionnels du secteur médico-social (Institut de victimologie, association Parcours d’exil), de la ville de Paris, mais aussi des patients, ce qui constitue l’innovation majeure de ce type de coopérative. En outre, comme pour une grande partie des SCIC existantes, la coopérative Richerand a fait le choix de placer l’intégralité de ses bénéfices en réserve, au profit du projet de santé et de sa pérennité [21].

Ce modèle de démocratie sanitaire devrait-il être reproduit ? C’est en tout cas la volonté qu’a récemment exprimée une grande diversité d’acteurs : à Grenoble, un collectif de salariés, d’usagers et de syndicats souhaitaient reprendre un groupe hospitalier en cours de privatisation en SCIC [22] ; dans les Côtes d’Armor, d’anciens salariés de l’une des dernières usines françaises de masques, fermée fin 2018, viennent de relancer leur activité sous forme de SCIC, avec le soutien de syndicats et de collectivités locales [23] ; dans Le Monde, une tribune prône la constitution d’un réseau de SCIC pour produire en France les principes actifs et médicaments nécessaires à notre souveraineté sanitaire [24] ; dans son dernier manifeste, Attac se demande même « Pourquoi ne pas transformer Air France, Renault et Airbus, et même la SNCF, EDF ou la Poste, en SCIC nationales ? » [25].

De Sanofi à l’hôpital public, une solution pertinente

Que ce soit en SCOP ou en SCIC, la coopération incarne donc une rupture avec la logique de la recherche illimitée du profit pour les actionnaires.

Imaginons alors une généralisation de cette rupture, qui ferait probablement la une des journaux : « A partir de 2021, le géant pharmaceutique Sanofi, comme l’ensemble des entreprises du CAC40, sera soumise à un contrôle démocratique de sa stratégie. Ce contrôle sera réalisé par des représentants de salariés mais aussi d’usagers, de professionnels de la santé, d’associations environnementales, de l’Etat… » Qui sait ce qui pourrait alors être décidé, par exemple à propos de la répartition des milliards de bénéfices que Sanofi réalise chaque année : Augmenter sensiblement la rémunération de ses salariés ? Investir massivement dans la recherche contre le coronavirus ? Dédommager décemment les victimes de la Dépakine [26] ou des rejets toxiques de son site de Mourenx [27] ?

Une généralisation du modèle de « la démocratie plutôt que le profit » répondrait à un besoin crucial pour l’hôpital public : mettre fin à la vision de l’hôpital-entreprise, dont la priorité n’est plus l’utilité sociale mais la rentabilité.

Car jusqu’à maintenant, la réalité fut bien différente : entre 2009 et 2016, 95% des 37 milliards d’euros de profit réalisé par Sanofi ont été versés aux actionnaires [28]. Et même en pleine crise du coronavirus, l’entreprise n’a pas eu trop de scrupules à annoncer qu’elle distribuerait encore plus de dividendes en 2020 qu’en 2019, pour un montant total de près de 4 milliards d’euros [29]. Ou encore qu’elle vendrait son vaccin contre le COVID-19 au pays le plus offrant, alors que 80% de son chiffre d’affaires est issu du remboursement des médicaments par la Sécurité Sociale française et qu’elle bénéficie chaque année de centaines de millions d’euros de subventions publiques, notamment à travers le Crédit d’impôt recherche et le CICE [30].

Par ailleurs, une généralisation du modèle de « la démocratie plutôt que le profit » répondrait à un besoin crucial pour l’hôpital public : mettre fin à la vision de l’hôpital-entreprise, dont la priorité n’est plus l’utilité sociale mais la rentabilité. De l’avis du personnel soignant, cette rupture passerait par un changement du mode de gouvernance actuel : remettre l’humain au cœur de la décision, comme ce fut le cas au plus fort de la crise du COVID-19 [31]. Concrètement, le pouvoir ne doit plus être aux mains des managers et administratifs comme c’est le cas depuis 2009, mais des personnels médicaux, paramédicaux et des usagers.

La coopération : une solution non suffisante mais plus qu’inspirante

Revenons-en au mouvement coopératif. Bien sûr, lui non plus n’est pas parfait et sa seule généralisation ne sera pas suffisante pour résoudre tous les maux de notre société. D’abord, derrière les modèles coopératifs se cachent une large diversité de pratiques et de progrès à réaliser pour nombre de coopératives : accélérer leur virage écologique, approfondir leur démocratie interne, s’éloigner des méthodes de management néolibérales… Ensuite, l’extension des principes coopératifs doit être complétée par d’autres mesures indispensables à la transition écologique : protectionnisme solidaire et écologique, contrôle démocratique du crédit, réduction de la consommation et du temps de travail… Enfin, il ne faut pas négliger les actions spécifiques à mener contre toutes les formes d’oppressions, liées au genre, à l’orientation sexuelle, à l’origine… qui ne se résoudront pas magiquement lorsque les questions économiques et écologiques auront été traitées.

Néanmoins, il est d’ores et déjà possible de s’inspirer des succès de la coopération pour transformer la société. Et ce, sans se limiter au secteur de la santé, puisque les SCOP et SCIC sont présentes dans tous les secteurs d’activité. Parmi tant d’autres, on peut citer les services avec le Groupe Up (SCOP), l’alimentation avec Grap (SCIC), la presse avec Alternatives Economiques (SCOP), l’énergie avec Enercoop (SCIC), l’industrie avec Acome (SCOP) ou encore le sport avec le club de foot du SC Bastia (SCIC).

Car sinon, quoi d’autre ?

Car sinon, quoi d’autre ? L’imitation de la cogestion à l’allemande ? Certes, la cogestion vise à instituer la parité dans la prise de décision entre actionnaires et salariés. Mais, à quoi bon impliquer les salariés si la logique du profit continue d’avoir un rôle clé ? Les coopératives prouvent qu’il est pourtant possible de subordonner intégralement cette logique à la pérennité de l’activité et d’intégrer à la gouvernance d’autres parties prenantes.

Le retour à une planification autoritaire et aux nationalisations ? Certes, la planification vise à fixer un cap ambitieux de transformation sociale. Mais, à quoi bon virer les actionnaires si les travailleurs et les citoyens restent soumis à une soi-disant élite éclairée ? Les coopératives prouvent qu’il est pourtant possible de changer la société de manière démocratique et au plus près des besoins, des aspirations et de la créativité de chacun.

Bref, les germes d’une nouvelle société, plus juste, soutenable et démocratique, ne demandent ni à être copiés depuis l’étranger, ni à être ressuscités depuis un modèle dépassé. Les germes coopératifs sont déjà présents et ne demandent qu’à être développés massivement.

[1] FAVEREAU, Olivier et EUVÉ, François. Réformer l’entreprise. Etudes, Août 2018

[2] DRAPERI, Jean-François. La république coopérative: théories et pratiques coopératives aux XIXe et XXe siècles. Larcier, 2012

[3] JAURES, Jean. Coopération et socialisme. La Dépêche de Toulouse, 24 juillet 1900, cité dans DUVERGER, Timothée. Jean Jaurès, apôtre de la coopération : l’économie sociale, une économie socialiste? La République de l’ESS, Juillet 2017 : https://ess.hypotheses.org/391

[4] GAUMONT, Jean. Au confluent de deux grandes idées, Jaurès coopérateur. F.N.C.C, 1959, cité dans DRAPERI (op. cit. 2012)

[5] CHATRIOT, Alain et FONTAINE, Marion. Contre la vie chère. Cahiers Jaurès. Société d’études jaurésiennes, Décembre 2008, Vol. N° 187-188

[6] DUVERGER (op. cit. 2017)

[7] CG SCOP. Chiffres clés 2019 : https://www.les-scop.coop/sites/fr/les-chiffres-cles/

[8] CG SCOP. Qu’est-ce qu’une Scop ? : https://www.les-scop.coop/sites/fr/les-scop/qu-est-ce-qu-une-scop.html

[9] CHARMETTANT Hervé, JUBAN Jean-Yves, MAGNE Nathalie et RENOU Yvan. La « sécuflexibilité » : au-delà des tensions entre flexibilité et sécurité de l’emploi, les sociétés coopératives et participatives (Scop)‪. Formation emploi, 2016, vol. 134

[10] Le service des études de la CG SCOP. Bilan chiffré 2019 : une progression régulière. Participer, Le magazine des Sociétés coopératives. Scopedit. Mai 2020

[11] RUFFIN, François. Leur folie, nos vies: la bataille de l’après. Les Liens qui Libèrent, 2020

[12] CHARMETTANT Hervé. Les Scop à « direction forte » : quelle place pour la démocratie ?. Centre de recherche en économie de Grenoble, HAL, 2017

[13] CHARMETTANT et al. (op cit, 2016)

[14] CHARMETTANT (op cit, 2017)

[15] Entretien réalisé par téléphone le 28 février 2019

[16] CHARMETTANT et al (op cit, 2016)

[17] Le service des études de la CG SCOP (op. cit. 2020)

[18] Oxfam France et Le Basic, CAC 40 : des profits sans partage, comment les grandes entreprises françaises alimentent la spirale des inégalités. [Rapport], 2018

[19] CG SCOP. Qu’est-ce qu’une Scic ? : http://www.les-scic.coop/sites/fr/les-scic/les-scic/qu-est-ce-qu-une-scic.html

[20] MILESY, Jean-Philippe. La santé pour tous et par tous. Economie sociale, le nouvel élan solidaire. Hors-série Politis, Mars 2019

[21] Le projet de santé de la Coopérative – La Coopérative de Santé Richerand : http://richerand.fr/le-projet-de-sante/

[22] Clinique mutualiste : Éric Piolle appelle à reporter la vente. Place Gre’net : https://www.placegrenet.fr/2020/04/22/crise-sanitaire-eric-piolle-appelle-a-reporter-la-vente-de-la-clinique-mutualiste/291787

[23] Usine de masques dans les Côtes-d’Armor : où en est le projet porté par la Région ?  France 3 Bretagne : https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/cotes-d-armor/guingamp/usine-masques-cotes-armor-est-projet-porte-region-1845160.html

[24] « Créons un réseau de sociétés coopératives d’intérêt collectif pour produire les médicaments ». Le Monde : https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/06/10/creons-un-reseau-de-societes-cooperatives-d-interet-collectif-pour-produire-les-medicaments_6042341_3232.html

[25] ATTAC. Ce qui dépend de nous, manifeste pour une relocalisation écologique et solidaire. Les Liens qui Libèrent, 24 juin 2020

[26] Dépakine: Sanofi refuse d’indemniser les victimes. L’Express : https://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/depakine-sanofi-refuse-d-indemniser-les-victimes_2057667.html

[27] Sanofi ferme son usine à la pollution record. Politis.fr : http://www.politis.fr/articles/2018/07/sanofi-ferme-son-usine-a-la-pollution-record-39137/

[28] Oxfam (op. cit. 2018)

[29] Sanofi distribuera cette année un dividende un peu supérieur à l’an dernier. Boursorama : https://www.boursorama.com/bourse/actualites/sanofi-distribuera-cette-annee-un-dividende-un-peu-superieur-a-l-an-dernier-dea6baa9688fc6c117808079430dfa96

[30] Des élus français s’indignent que le vaccin à l’étude de Sanofi serve prioritairement les États-Unis. BFMTV : https://www.bfmtv.com/politique/des-elus-francais-s-indignent-que-le-vaccin-a-l-etude-de-sanofi-serve-prioritairement-les-etats-unis_AV-202005140061.html

[31] NAEBEL, Rachel. Comment transformer l’hôpital en bien commun, géré par les soignants et les usagers, non par les financiers. Basta ! : https://www.bastamag.net/Manif-soignants-hopital-Olivier-Veran-salaire-segur-de-la-sante-fermeture-de-lits