La victoire du transformisme et la défaite des classes populaires

Macron Média Le Vent Se Lève LVSL Attal Macronisme Une Journaux
© Création/Édition LHB pour LVSL (2017)

François Hollande fera donc un second mandat. Son « fils », Emmanuel Macron, est en tête du premier tour, et le FN est beaucoup trop bas pour pouvoir espérer enclencher une dynamique suffisamment puissante pour prendre le pouvoir. Il est donc vraisemblable – sauf accident majeur – qu’Emmanuel Macron soit élu le soir du second tour des élections présidentielles. Cette victoire est celle d’un opportunisme politique très à la mode en Italie, qu’on appelle gentiment « transformisme » dans le pays de Dante.

« Tout changer pour que rien ne change »

Les amateurs de cinéma italien connaissent la fameuse formule du Guépard, réalisé par Luchino Visconti, qui met en scène le processus d’unification de l’Italie par le haut. Ce processus a conduit à un grand toilettage des élites italiennes, sans pour autant remettre en cause leurs privilèges. Nous assistons exactement au même phénomène. Les élites libérales du pays ont fait le constat d’un discrédit insurmontable sur le PS et LR. Elles opèrent donc un vaste mouvement de recomposition et de « renouvellement », incarné par Emmanuel Macron.

Les deux partis qui ont structuré la vie de la Vème République sont entrés dans un mouvement de destruction partielle et de recomposition, tout en se délestant de leurs éléments contestataires. Si le PS est d’ores et déjà une coquille vide et que beaucoup de ses élus sont passés chez Macron, le mouvement s’est aussi initié chez LR, ainsi que le montrent les multiples appels d’hier soir à « construire une majorité avec Emmanuel Macron ». La majeure partie du PS et l’aile centriste des Républicains commencent une opération de rapprochement, sur le modèle des « grandes coalitions » qu’on connaît dans le reste de l’Europe. Plus aucune barrière idéologique ne s’oppose à une telle fusion tant nous avons assisté à un phénomène de convergence politique autour du consensus néolibéral. L’orthodoxie comptable est donc en marche, et va conduire à une recomposition politique.

Quand les sociaux-libéraux sauvent leur peau

Il faut avouer que le coup était difficile à réaliser. Malgré leur grande impopularité, les restes du pouvoir socialiste vont pouvoir se recycler chez Emmanuel Macron, et un certain nombre de députés vont pouvoir sauver leur siège grâce au changement d’étiquette, celle du PS étant devenue un boulet. Quant à François Hollande, il a probablement gagné un poste européen majeur – vraisemblablement la présidence du conseil européen -, ce qui lui permettra de sortir par le haut, alors que son quinquennat a été une catastrophe de bout en bout.

Il aura néanmoins fallu un matraquage médiatique considérable pour mettre en scène Macron comme incarnant une forme de renouveau, et surtout, la mise à mort politique de Fillon par un feuilleton politico-médiatique interminable. Mais c’est un « one shot », un coup à un tir, car il ne sera plus possible de sortir la carte de la jeunesse et de la carrière hors des partis.

Le chant du cygne d’une époque

Le programme d’Emmanuel Macron est, dans l’esprit, exactement le même que celui de François Hollande. Il faut « réformer », pour « détruire les rigidités », afin de « libérer la croissance ». Entendez flexibilisation du rapport salarial, marchandisation généralisée et intensification du degré de concurrence dans l’économie. Tout ceci sera probablement saupoudré d’une nouvelle baisse de « charges » inefficace, sur le modèle du CICE, afin de « libérer les entreprises » pour qu’elles « créent des emplois ». Bref, tout ce qui ne marche pas depuis 30 ans. Les mêmes politiques, dans le contexte français, produiront les mêmes effets. Cela sera d’autant plus le cas que le projet de réorientation de l’Europe d’Emmanuel Macron est aussi crédible que celui de François Hollande, alors que les déséquilibres s’accroissent et que la construction européenne bénéficie toujours plus à l’Allemagne au détriment des pays du Sud.

Il ne faudra alors pas s’étonner que les fractures françaises s’approfondissent, que la précarisation des salariés s’approfondisse toujours plus, et qu’inévitablement, la contestation du système en place s’amplifie, qu’elle prenne une forme de gauche avec Jean-Luc Mélenchon (et, dans une moindre mesure, Benoît Hamon), ou une forme d’extrême-droite avec le Front National. Car, en effet, ce qui n’a pas été relevé, c’est que les partis en place ont fait un score historiquement bas.

La montée des radicalités

S’il y a un enseignement à retenir de ce scrutin, c’est que les partis « de gouvernement » totalisent un score très bas, seulement 44% si l’on prend le score de Macron et celui de Fillon, 50% si l’on y ajoute celui de Benoît Hamon, le candidat du PS. Il n’y a donc pas de quoi pavoiser, c’est un sauvetage in extremis qui a eu lieu, et non une réelle conquête électorale.

Il y a par ailleurs un fait nouveau, le FN n’est plus hégémonique dans la contestation, même s’il reste devant. Le très haut score de Jean-Luc Mélenchon, loin devant le candidat du PS, est peut-être le signe annonciateur d’un puissant bloc populiste de gauche, tout comme l’est Podemos en Espagne. Le vote des jeunes et des chômeurs (respectivement 30% et 31%) qui, dans un contexte de chômage de masse, ont beaucoup de difficultés à obtenir un emploi, est impressionnant, tout autant que l’est le faible score du tribun chez les retraités, notamment ceux qui ont eu le temps d’accumuler du patrimoine (12%). De même, le candidat de La France Insoumise a vraisembablement fait concurrence au FN chez les ouvriers, qui ont voté à 23% pour lui, et à 37% pour Marine Le Pen, alors que celle-ci était annoncée à des niveaux bien supérieurs. Bref, Jean-Luc Mélenchon a réussi a s’implanter de nouveau dans les classes populaires, alors que la gauche reculait systématiquement ces dernières années en leur sein.

Néanmoins, les élections législatives seront cruciales et risquées pour La France Insoumise, car la campagne tribunicienne de Jean-Luc Mélenchon implique une forte déperdition des voix entre les deux élections, étant donnée la prime accordée au gagnant de la présidentielle. Cependant, si le mouvement obtient des députés et se structure, on pourrait alors voir le paysage à gauche être profondément remodelé, avec l’émergence d’une puissante force post-marxiste, mais non pour autant social-démocrate.

La collusion entre les forces libérales pourrait ainsi conduire à une augmentation de la polarisation politique, qui s’opérerait à terme au détriment du bloc centriste, et aux bénéfices combinés du FN et du mouvement en gestation à gauche. L’intensité de la recomposition à venir dépendra donc du nombre de députés de ces mouvements contestataires. De leur nombre dépendra leur structuration et leur capacité à produire des cadres crédibles. La présidentielle n’est plus un enjeu, tout se jouera aux législatives.

Election présidentielle : Quel candidat pour les droits des femmes ?

Le premier tour des élections présidentielles arrivant à grand pas, un point sur les propositions des principaux candidats dans le domaine du droit des femmes s’impose. Alors qui propose quoi ?

Ceux qui régressent :

Marine Le Pen – Candidate FN

La citation qui fait mal : « Je n’ai jamais changé de discours sur la question du voile. J’ai dit et je redis que le voile n’a pas sa place dans la sphère publique en France. »

Depuis quelques mois, Marine Lepen ne cesse de prôner un intérêt particulier pour les droits des femmes. Prendrait-elle les féministes à ce point pour des idiotes ? Zoom sur les propositions et les petites manies du FN :

Le FN a pour habitude de ne pas prendre trop au sérieux les violences contre les femmes, ou l’égalité femmes-hommes de façon générale : vote contre les lois sur le harcèlement sexuel, contre la loi proposant des mesures assurant la bonne santé sexuelle des adolescents et adultes, vote contre la loi sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui, entre autre, incitait les pères à prendre des congés parentaux… Rappelons-nous ensuite du rejet du parti face au droit à l’avortement ; Marion Maréchal Le Pen qui souhaite couper les subventions des plannings familiaux, sa tante qui insiste sur un déremboursement des frais d’IVG, etc. Ainsi, les femmes ayant les moyens pourraient avorter mais les plus précaires seraient condamnées à subir une grossesse qu’elles ne souhaitent pas. La candidate et sa nièce parlent « d’avortement de confort » ; expression abjecte laissant entendre que les femmes seraient des irresponsables qui prennent l’avortement pour une simple contraception. Aymeric Chauperade, ayant quitté le FN depuis, est même allé jusqu’à parler de l’avortement comme d’une « arme de destruction massive contre la démographie européenne ».

Dernièrement, Marine Le Pen tentait de modérer ses propos sur le sujet, mais nous n’avons pas la mémoire courte. En 2015, le FN votait contre le projet de modernisation du système de santé, qui consistait à renforcer le droit à l’avortement et supprimer le délai de réflexion de sept jours précédant l’IVG.

Qu’en est-il du programme du FN pour 2017 ?
La « grande proposition » de ce programme concernant le sujet, est celle du salaire maternel. Il s’agirait là d’un revenu que l’on accorderait aux femmes qui restent au foyer pour s’occuper de leurs enfants. Ainsi, le message est clair : dans un pays qui connaît un fort taux de chômage, un retour des femmes dans leurs maisons libérerait de l’emploi. Après tout, leur place n’est-elle pas auprès de leurs enfants, à s’occuper des tâches ménagères et de la cuisine ?

Le programme du Front National s’oppose aussi fortement à la parité, considérée comme une forme de « discrimination inversée ». Le parti et sa candidate assènent régulièrement que la principale menace pour les droits des femmes est la présence de musulmans radicaux en France. Ainsi, on peut facilement deviner que derrière un soudain intérêt pour l’égalité femmes-hommes, en incohérence totale avec les propositions du programme et les habitudes du parti, se cache en réalité une volonté de réprimer le port du voile et, de manière plus générale – ce qui se rapporte à la religion musulmane.

Pour finir, remarquons que beaucoup de sujets ne sont ni abordés ni développés ; c’est le cas, pour ne citer qu’eux, du harcèlement sexuel, des violences conjugales, des possibilités d’hébergements pour les femmes qui en sont victimes, de l’éducation des enfants à l’égalité des genres… Mais qui cela étonne-t-il vraiment ?

François Fillon – candidat Les Républicains

La citation qui fait mal : « […] la France n’est pas un pays à prendre comme une femme ».

Les droits des femmes englobent bon nombre de sujets, mais l’un des premiers qui vient à l’esprit est le droit à disposer de son corps. Quand François Fillon s’exprime sur l’avortement, il est bien difficile d’en dégager une position claire et affirmée. D’abord, il avait dit être « choqué » du terme « droit fondamental » en parlant du droit à l’avortement, puis avait déclaré qu’il ne reviendrait pas dessus, en ajoutant cependant que sa foi et ses convictions personnelles le poussaient à désapprouver un tel droit. Il affirme ne pas vouloir remettre en question le droit avortement mais – à titre personnel – en condamne le recours. Une position ambiguë.
Comme si ça ne suffisait pas, Madeleine de Jessey, secrétaire nationale de LR, et membre de son équipe de campagne, exprime un soutien clair à la Marche Pour la Vie (manifestation qui porte mal son nom quand on connaît le nombre de décès qui suivent un avortement illégal)…

Tweet de François Fillon après les diverses agressions sexuelles de Cologne

Marine Le Pen n’est pas la seule a instrumentaliser les droits des femmes pour mieux attaquer les musulmans. En effet, l’été dernier, Fillon s’était placé en fervent défenseur des droits des femmes pour pouvoir prôner l’interdiction du burkini, vêtement qui a plus été aperçu dans les journaux que sur les plages.
Depuis quand la libération des femmes se fait elle par l’interdiction ? Que l’on puisse considérer que le voile est un outil d’asservissement des femmes est compréhensible – et que l’on lutte pour empêcher l’obligation de le porter dans les pays où elles n’ont pas leur mot à dire est juste – mais nous n’avons encore jamais vu François Fillon lutter contre le port de la minijupe, l’épilation, ou le maquillage, qui sont pourtant aussi des formes de contrôle du corps et d’asservissement des femmes.

Le programme de Fillon pour 2017 comporte la mention d’un « renforcement des dispositifs de signalement du harcèlement sexuel dans les entreprises », qui n’est cependant détaillé nulle part. Si le candidat de Les Républicains semble accorder un minimum d’importances aux violences contre les femmes, il reste difficile de croire en un homme qui promettait, lorsqu’il était encore premier ministre, plus de structures d’accueils pour les femmes victimes de violences… lesquelles n’ont jamais vu le jour.

Celui qui parle pour ne rien dire :

Emmanuel Macron – candidat En Marche

La citation qui fait mal : « Il y a dans cette société [en parlant des abattoirs Gad] une majorité de femmes. Il y en a qui sont, pour beaucoup, illettrées. »

Macron reste particulièrement énigmatique dans l’ensemble de son programme. Mais entre les fillonistes dégoûtés du Penelope-Gate, et les sympathisants de Valls – qui ne voteront pas Hamon – il est déjà bien placé dans la course. Alors pourquoi parler de programme quand on peut si bien profiter d’un concours de circonstances ?
Cela dit, depuis le début de sa campagne le candidat ne cesse de parler de féminisme, d’égalité, et surtout de parité : il énonce par exemple l’importance d’un gouvernement qui respecterait la parité et songe même à donner la place de Premier Ministre à une femme. Néanmoins, on remarquera que les femmes ne se bousculent pas autour de Macron… à part Brigitte Trogneux – son épouse – il n’est entouré presque uniquement que par des hommes. Tout cela ressemble surtout à un « coup de com’ ». Par ailleurs, l’idée de parité existe déjà depuis 1999. Macron voudrait-il donc qu’on l’applaudisse parce qu’il propose de respecter la loi ? Enfin, il ne présente aucune analyse des raisons pour lesquelles la parité puisse être difficile à respecter (éducation des enfants, difficulté pour les femmes d’accéder à des études ou métiers considérés comme techniques, mauvaise répartition des tâches ménagères au sein du couple – qui laisse plus de temps libres aux hommes qu’aux femmes…).

Le 8 mars dernier, à l’occasion de la Journée Internationale des Droits des Femmes, il a dit dans son discours : « je crois en l’altérité », cherchant ainsi à glorifier les femmes pour leurs différences, selon l’idée qui veut qu’hommes et femmes soient des êtres qui se complètent. Macron devait être trop occupé à crier au monde son amour pour le féminisme pour effectuer quelques recherches sur la question et s’apercevoir que la différenciation est le premier pas vers la discrimination (qui n’a jamais entendu que, les femmes et les hommes étant différents, il était normal qu’ils aient des droits différents ?). Alors, à son histoire d’altérité et de complétude, répondons lui que les femmes ne veulent compléter personne. Nous ne sommes pas là pour mettre en avant les hommes et rester dans l’ombre !
Gardons aussi en mémoire que la loi Macron, promulguée en août 2015, s’attaque – entre autre – au travail du dimanche, faisant ainsi des femmes (qui occupent majoritairement les emplois concernés) les premières victimes de sa politique. Ainsi, quand Macron nous parle de parité à tort et à travers et s’autoproclame féministe, on a le droit d’être un peu sceptique. 

Ceux qui veulent avancer :

Benoît Hamon – candidat PS

La citation qui fait du bien : « Si une femme décide de porter le voile librement, et bien au nom de la Loi 1905, elle est libre de le faire ».

Avant tout, notons que le bilan du PS en matière de droit des femmes est assez maigre.
Malgré quelques tentatives d’amélioration (les victimes de violences conjugales peuvent conserver le logement même s’il n’est pas à leur nom, l’allongement de l’ordonnance de protection…), le parti a plutôt laissé à l’abandon ce domaine. On peut légitimement se demander comment faire confiance à un homme politique qui porte l’étiquette d’un parti qui a montré peu d’intérêt pour les droits des femmes.

Cependant, Hamon réussi à se démarquer – aussi bien par son attitude que par son programme. On se retrouve enfin face à un candidat qui ne surfe pas sur le féminisme pour légitimer des idéologies anti-musulmanes. L’intérêt de Benoit Hamon pour les droits des femmes s’est noté, par exemple, lorsqu’il s’est prononcé en faveur de la libération de Jacqueline Sauvage.

Son programme, clair et cohérent, prend très au sérieux les violences contre les femmes. En effet, il suggère la création de 4 500 places d’hébergements spécialisés pour les victimes de violences, souhaite que les poursuites soient systématiques, les jugements plus rapides, et veut augmenter le délai de prescription du viol. Pour ce faire, il compte « doubler le budget du ministère des Droits des femmes », annonce-t-il sur Twitter.
Face aux difficultés d’accès à la contraception, Hamon veut multiplier les plannings familiaux sur l’ensemble du territoire. Ainsi, le programme semble vouloir répondre aux revendications féministes. En revanche, notons que Benoît Hamon, le 27 juin dernier, était absent lors du vote concernant l’amendement permettant de rendre inéligibles les députés accusés de violences contre les femmes. Il a expliqué cette absence en disant qu’il n’était pas au courant et en accusant les associations féministes de ne pas l’avoir prévenu… N’était-il pas censé se tenir au courant lui-même ?

Enfin, bien qu’il y’ait une volonté de redonner de l’importance aux questions qui concernent les femmes, certaines propositions économiques pourraient – même si ce n’est pas le but recherché – s’attaquer aux femmes. Loin du salaire maternel que propose le FN, le revenu universel pourrait tout de même précariser les femmes et les maintenir dans un rôle de mère au foyer.

Jean-Luc Mélenchon – candidat France Insoumise

La citation qui fait du bien : « il faut que chacun sache qu’il y’a des héros – ça on connaît – mais aussi des héroïnes, auxquelles on peut s’identifier. Vous les garçons, vous pouvez tous vous identifier mais mettez vous dans la tête d’une fille. Elle s’identifie à qui ? Blanche-neige ? »

Les positions de Jean-luc Mélenchon sur le féminisme ne manquent pas de précision ! Lors de son dernier meeting à Rennes, le candidat de la France Insoumise parlait de la représentation des femmes dans la littérature et du manque de personnages féminins. En tant que député européen, il a voté pour un grand nombre de propositions visant à réduire les inégalités entre hommes et femmes (dont, entre autre, le plan d’action sur l’émancipation des jeunes filles par l’éducation dans l’Union Européenne, la résolution sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes)… Son engagement féministe ne date visiblement pas d’hier, mais qu’en dit le programme de la France Insoumise ?

Avant toute chose, Mélenchon insiste sur la nécessité, face aux régulières remises en question du droit à l’avortement, de l’inscrire dans la Constitution. En réalité, c’est même un peu plus que ça. Il s’agit de constitutionnaliser le droit de disposer de son corps, ainsi que sa non-marchandisation. De cette façon, il réaffirme en plus l’interdiction de la GPA. Aussi, en réponse aux problèmes d’inégalités salariales, il propose d’augmenter les sanctions pour les entreprises qui n’appliquent pas l’égalité salariale. Mais Mélenchon ne s’arrête pas là. Il aborde aussi des thèmes nouveaux – en tout cas, en comparaison avec les autres programmes – comme sa volonté de diffuser de manière égale à la télévision les sports féminins et masculins, ou de réaffirmer les droits des femmes qui accouchent sous X à garder le secret de leur identité (ce qui est fréquemment remis en question). Enfin, le candidat souligne l’importance d’un changement d’état civil libre et gratuit. En effet, ce droit est revendiqué principalement par les femmes transgenres, trop souvent oubliées dans les luttes féministes.

Cependant on peut lui reprocher certains propos, comme lorsqu’il affirmait à la télévision qu’il savait lire dans les cerveaux des hommes alors que ceux des femmes sont inaccessibles. Cette idée perpétue l’éternel cliché de la femme qui ne sait pas ce qu’elle veut, qui a une attitude en incohérence avec ses propos. Un cliché très dangereux puisqu’il laisse entendre que les femmes ont besoin que d’autres prennent les décisions pour elles, ou que leur comportement déclenche des choses qu’elles ne veulent pas.

Il est indéniable que Mélenchon cherche à réserver une place importante aux droits des femmes, et son programme novateur le démontre.

Seuls deux candidats parmi les cinq principaux ont tenté d’accorder de la valeur au féminisme. Si le programme de Hamon et de Mélenchon semblent présenter de grandes similitudes dans ce domaine précis, on peut noter que celui de La France Insoumise ne se contente pas de mesures immédiates mais s’intéresse également à la façon dont les mentalités pourraient évoluer – notamment d’un point de vue social et culturel.

Crédits photo :

François Fillon: alnas.fr

2ème débat : Où est passée l’Ecologie ?

Capture d’écran

Le chômage, la sécurité, le rapport aux autres. Et l’Ecologie alors ? Les 3 heures de débat ont été l’occasion de mettre sur la table ce qui préoccupe (vraiment) les français. Comprenons : Les chômeurs, les terroristes, les musulmans. Ce sont vos priorités, nos priorités. Puisqu’on vous le dit ! Mais le format, certes complexe à gérer, aurait pu voir émerger une question importante : celle de la crise écologique et de ses solutions. Échec.

Les chômeurs, les terroristes, les musulmans 

            En bref, et comme on s’y attendait, le débat a été polarisé autour de ces 3 catégories. L’occasion une fois de plus de jeter de l’huile sur le feu pour certains, voire de chercher le buzz. Dans les faits, de permettre à l’élite économique, politique et médiatique en place d’employer les vieilles recettes de la division. Quand on a des choses à se reprocher et des intérêts à défendre, le meilleur moyen de détourner l’attention étant de jeter la pierre sur quelqu’un d’autre. Le bon vieux théorème attribué à C. Pasqua : « Quand on est emmerdé par une affaire, il faut susciter une affaire dans l’affaire, et si nécessaire une autre affaire dans l’affaire de l’affaire, jusqu’à ce que personne n’y comprenne plus rien. »

            L’occasion pour Marine Le Pen de qualifier la France d’ « université des djihadistes », pour Fillon de réaffirmer son ambition de “vaincre le totalitarisme islamique”, pour Macron de trouver un entre-deux habituel sur tous les sujets, fustigeant la guerre économique à laquelle mènerait le protectionnisme tout en louant une Union Européenne plus « juste » où l’harmonisation fiscale est pourtant impossible. Certains candidats ont bien tenté d’imposer une visée alternative aux priorités fixées par les deux journalistes animatrices du débat. Sortez des sentiers battus et vous vous ferez vite rappeler à l’ordre par Ruth Elkrief. Il ne faudrait quand même pas nommer les candidats en cause quand on parle de moralisation de la vie publique. Et les éditorialistes de BFMTV de s’insurger au matin : « Je trouve que c’est un candidat (Philippe Poutou) qui, par moment, n’a pas le respect qu’il faut pour être candidat à la présidentielle. » (Bruno Jeudy, journaliste à BFMTV).

Vrais ou faux écolos ?

Une majorité de candidats ont intégré des thématiques environnementales dans leur programme. Mais davantage dans un opportunisme marketing que par conscience assumée. Et cela s’est confirmé sur le plateau. Alors que le sujet « Comment protéger les français ? » offrait l’opportunité d’aborder la pollution, le nucléaire, les pesticides, (etc.), une bonne partie d’entre eux est restée focalisée sur le terrorisme. Oubli ou omission révélatrice ?

            Difficile sans pour autant impossible, avec ce format imposé, d’avancer des considérations écologistes. Le mérite revient donc d’autant plus à ceux qui ont essayé de porter haut le cœur de leur programme. Jean-Luc Mélenchon a exprimé la place centrale de l’Ecologie dans L’Avenir en Commun en insistant sur l’opportunité et la nécessité de mettre en œuvre une grande transition écologique pourvoyeuse d’emplois et garantie de paix. Philippe Poutou, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon se sont distingués dans cet intérêt commun. Les transports gratuits pour Philippe Poutou, le passage au « mode de production et de consommation écologiste » pour le candidat de la France Insoumise. Chacun disposait de 17 minutes pour exprimer les fondamentaux de son programme, et il est clair que pour d’autres, l’Ecologie est visiblement loin d’être une priorité. Au mieux, une variable d’ajustement.

L’ Ecologie, un truc de bobo ?

74% des français estiment que l’environnement devrait occuper une place « très ou plutôt importante » dans la campagne présidentielle[1]. Chez les 18-35 ans,  98% des 55 000 interrogés répondent qu’il est nécessaire, voire vital, d’agir personnellement, à notre échelle, pour réduire notre impact sur la planète et les êtres humains.[2] Personne ne peut plus ignorer les catastrophes écologiques qui s’annoncent et l’ampleur des défis auxquels nous sommes et seront confrontés.

Ainsi, il s’agit de passer à une vision écologiste qui refonde entièrement le fonctionnement de notre société. Les catastrophes en cours et à venir rendent inévitables l’urgence d’une remise en question et un changement radical de système économique et politique. Notre système de santé, notre système agricole et notre économie sont en jeu. On estime par exemple à 48 000, le nombre de décès liés à la pollution atmosphérique en France.[3] A la différence, non négligeable, que l’on ne subit et ne subira pas les effets de la crise écologique de la même manière, selon la classe sociale à laquelle on appartient ou le pays dans lequel on vit. Les pauvres sont et seront bien plus touchés par les catastrophes, la pollution, l’alimentation industrielle, les pesticides, les conflits liés à l’accès aux ressources naturelles… Et la liste est longue.

Embrasser l’écologie c’est donc envisager les luttes sociales sous un nouveau jour. Au contraire, ne pas parler d’écologie revient à ignorer ces conséquences irréversibles de long-terme qui affecteront principalement les plus démunis. Ne pas parler d’Ecologie sert à préserver les intérêts de ceux qui ont tout à gagner à ce que le système ne change pas. C’est taire le besoin impératif de renverser la table. Ou bien penser que la solution réside dans l’accablement de plus pauvre que soit. Voilà de quoi nous aider à choisir un candidat.


[1] Sondage YouGov, septembre 2016.

[2] Enquête de GénérationCobayes, décembre 2016.

[3] Agence Santé Publique France, 2016.

En savoir plus :

2017, Fronde générale

2017, cru exceptionnel. Pour la première fois dans la Ve République, aucun des candidats à la présidentielle n’est assuré de pouvoir compter sur une majorité parlementaire après les législatives. Pire, tous les prétendants majeurs font l’objet d’une dissidence interne à leur propre mouvement. Revue des troupes avant la Bérézina.

D’abord, il faut préciser que sauf surprise monumentale, ni Nathalie Arthaud, ni François Asselineau, ni Jacques Cheminade, ni Jean Lassale, ni Nicolas Dupont-Aignan, n’ont la moindre chance d’être élus. Encore moins en n’étant pas invités au débat de TF1. Si cela arrivait, ils devraient évidemment faire avec une Assemblée Nationale composite.

Procédons de gauche à droite :

  • Jean-Luc Mélenchon

    -Dissensions à gauche. Les critiques les plus virulentes à l’encontre du chef de file de la France Insoumise viennent de ses propres alliés, communistes ou d’Ensemble. “Leader minimo”, “égocentrique”, “auto-proclamé”, les insultes fusent chez ceux qui seraient censés être ses plus fidèles soutiens. Les élus communistes sont même allés jusqu’à faire du chantage aux parrainages à Mélenchon, qui n’a validé ses fameuses 500 signatures que le 14 mars. Dernier débat en date au sein de la “gauche de la gauche” : la pertinence – ou non – du déploiement de drapeaux Bleu-Blanc-Rouge lors de la manifestation du 19 mars.

  • Benoît Hamon

    COMBO-FRANCE-VOTE-PRIMARIES-LEFTLe Parti Socialiste va exploser. Après un quinquennat calamiteux, le Président en exercice est dans l’incapacité de se représenter. Un frondeur a remporté assez facilement la Primaire contre le dépositaire du bilan, Manuel Valls. Depuis la victoire de Benoît Hamon, la crise est ouverte. Par dizaines, des membres éminents de son propre camp quittent le navire pour rejoindre Emmanuel Macron. François de Rugy et Manuel Valls, tous deux candidats à la Primaire et engagés à soutenir le vainqueur, ont déjà trahi leur parole.

Capture2

  • Emmanuel Macron

    1212273_en-marche-macron-suscite-des-tensions-a-gauche-avec-son-mouvement-politique-web-tete-021824086406L’exception qui confirme la règle. Le candidat En Marche avance, poussé par une ahurissante campagne médiatique en sa faveur, vers sa probable élection. Cependant, son mouvement politique, fait de bric et de broc, semble dans l’incapacité de remporter les élections législatives. Il sera bien compliqué pour l’ancien banquier d’affaires de présenter des candidatures cohérentes aux élections de juin. Son parti ratisse tellement large que se côtoient des profils immiscibles. Sérieusement, Robert Hue, Gérard Collomb, Daniel Cohn-Bendit, Alain Minc, François Bayrou et Alain Madelin travailleraient ensemble ? Même si Macron remporte la présidentielle puis les législatives, on voit mal comment un tel attelage pourrait se mettre d’accord sur la moindre mesure. Un retour à la IVe République pour achever la Ve ?

  • François Fillon

    3414-francois-fillon_5758679Sorti vainqueur de la Primaire de la Droite et du Centre, François Fillon est aujourd’hui dans une situation qui semble inextricable.
    Quasiment chaque jour offre son lot de nouvelles révélations sur son train de vie de pacha, qui a amené la justice à le mettre en examen. Motifs : « détournement de fonds publics », « complicité et recel de détournement de fonds publics », « complicité et recel d’abus de biens sociaux » et « manquement aux obligations déclaratives ». Rien que ça.

    En conséquence de quoi d’innombrables soutiens de son propre camp ont décidé de tourner le dos à leur champion, pour ne pas être associés au naufrage qui s’annonce. Finalement, aucun plan B n’a été validé. Ni Juppé ni Baroin. C’est bien Fillon, malgré les affaires, qui représentera la droite. Il s’appuie sur son socle électoral, catholique et libéral, qui semble insuffisant pour l’emporter au suffrage universel.Capture

  • Marine Le Pen

    marine le pen portrait.jpgLa candidate du Front National, malgré la menace agitée depuis des années par les classes politiques et médiatiques, n’a aucune chance d’être élue. Quel que soit son adversaire au second tour. Sa défaite à venir pourrait être une étape majeure dans le processus d’implosion qui s’annonce au FN. Il semble en effet impossible de faire tenir ensemble sur le long terme les deux clans qui s’affrontent au sein du parti xénophobe.

    D’un côté, se trouvent les tenants de la dé-diabolisation (Marine Le Pen-Florian Philippot), de l’autre ceux du FN à l’ancienne, identitaire et réactionnaire (Marion Le Pen-Gilbert Collard-Robert Ménard). A terme, tous ceux là devraient s’entre-tuer et le schisme du FN semble inéluctable.

Capture3

Un pays ingouvernable ?

Le flou est total quant à l’identité du futur président. Il en va de même pour les législatives qui se tiendront dans la foulée. Toutefois, une chose semble à peu près certaine : le FN devrait faire bien mieux que ses 13% de 2012, qui ne lui avaient offert que 2 députés, en vertu du mode de scrutin particulier (uninominal majoritaire à deux tours). Si, comme on peut l’imaginer, “la Flamme” termine aux alentours de 25% des suffrages, se sont près de 70 députés Front National qui siégeront à l’Assemblée Nationale. Une vraie vague, mais pas suffisante pour gouverner.

Le PS devrait payer le prix du mandat désastreux de François Hollande, débordé sur sa droite par En Marche, véritable inconnue de cette équation. Seul François Fillon semble susceptible d’emporter la majorité au Palais Bourbon. Pourtant, son profil d’homme menteur et vénal, tenant un discours de rigueur insoutenable à entendre au vu de son profil, le disqualifie d’office sur le plan moral. La révolte populaire sera certainement gigantesque si le mari de Pénélope est élu et demande aux Français de se serrer la ceinture.

On peut donc imaginer que, quel que soit le nouveau locataire de l’Elysée, il devra composer avec une fronde interne et une minorité législative. Le quinquennat à venir s’annonce folklorique…

Matthieu Le Crom

___

Sur Facebook, suivez Perspicace

___

La colonisation, un crime qu’il est urgent d’admettre

La sortie récente de Macron en Algérie à propos de la colonisation « crime contre l’Humanité » a relancé, encore une fois, le débat bien français autour de cette période sombre de l’Histoire. La droite et l’extrême-droite, raccords sur la question, ont sorti les dents pour tacler le candidat En Marche, pour défendre le roman national, la France glorieuse, les « bienfaits » de la colonisation… Autant d’âneries qu’il est urgent de combattre.

Les propos anti-coloniaux d’Emmanuel Macron ont réveillé dans le débat politique cette vieille question française, qui taraude nos politiciens et ressurgit ça et là, à la (dé)faveur d’un discours de Dakar, ou d’une sortie de Fillon sur le récit national dans les manuels scolaires. La colonisation, ici française : atrocité ou bienfait ? Généralement, le clivage est assez net ; en témoignent ces tweets venus de la droite.

https://twitter.com/GDarmanin/status/831910808695214080?ref_src=twsrc%5Etfw

Alors, soyons bien clair : le but ici n’est pas de défendre Macron. Ce candidat du vide, au discours creux et au programme flou, dit tout et son contraire pour tenter une improbable fusion des électorats de droite comme de gauche. Il y a quelques mois, l’homme qui promet entre autres absurdités d’ouvrir des « mines responsables », proclamait l’inverse de ce qu’il a dit en Algérie en rappelant « les éléments de civilisation » de la colonisation française en Algérie, qui aurait permis par exemple « la naissance d’un État ». Pour ce qui est de l’inexactitude historique de cette dernière phrase, la vidéo de Nota Bene sur la question y répond clairement.

Ce qui va nous intéresser ici, c’est de comprendre comment ce débat en France peut encore avoir lieu, comment des gens peuvent encore défendre une période historique qui se caractérise par l’appropriation illégitime de terres, l’asservissement de peuples, le pillage de leur identité et de leurs richesses. Comment des hommes et des femmes politiques peuvent-ils avoir, en 2017, à cœur de défendre la France sur cette question ? Pour ce faire, il faut analyser les éléments de langage déployés par les défenseurs de la colonisation, qui en disent long sur l’idéologie sous-jacente.

Civilisation, ethnocentrisme et bilan de la colonisation

Civilisation. C’est le mot-clé qui revient dans les débats. La France aurait apporté la civilisation aux peuples colonisés. C’est l’argument massue qu’on peut retrouver dans la contribution à la construction de l’État algérien chez Macron, mais également chez Florian Philippot (FN), qui rappelle « les routes, les hôpitaux, la langue française » comme « bienfaits de la colonisation ». Si tant est que cet argument soit valide – et il ne l’est pas, nous y reviendrons – en quoi cela absout-il la France coloniale de ses crimes ? Des peuples discriminés et privés de leurs droits par le pays des Lumières, des répressions sanglantes (Algérie, Indochine, Madagascar…), un démantèlement territorial faisant fi des cultures préexistantes ? Le fait d’avoir construit des infrastructures, qui par ailleurs n’était pas un cadeau chaleureux fait aux colonisés mais répondait au besoin des colonisateurs, n’excuse en rien la torture et la souffrance infligées par l’administration française sur cette période. Ce serait peu ou prou comme défendre le régime d’Hitler en disant : « oui, mais il a redressé l’économie allemande » (comme ça, le point Godwin, c’est fait).

Ensuite, on peut largement nuancer l’apport politique de la France dans la construction des États africains : au contraire, la plupart des greffes du régime français à la décolonisation n’ont pas prises, et ont abouti à des républiques bananières autoritaires dont les Présidents sont au pouvoir depuis plus de vingt ans (à l’instar d’Idriss Déby au Tchad ou Denis Sassou-Nguesso au Congo, anciennes colonies françaises).

Les "bienfaits" de la colonisation, épisode 1 : les zoos humains
Les “bienfaits” de la colonisation, épisode 1 : les zoos humains

Ensuite, plus largement, cette idée d’apport de civilisation montre un regard complètement ethnocentré porté sur l’Afrique. Cela nourrit la vision qui perçoit l’Afrique pré-coloniale comme une sorte de désert préhistorique non-civilisé, qui aurait évolué uniquement avec l’arrivée des colons occidentaux. Cet argument, invalidé par l’existence des grandes puissances africaines pré-coloniales (comme l’Empire du Mali), doit être combattu avec force. L’Afrique pré-coloniale avait bien entendu ses civilisations, ses cultures, ses peuples et ses langues, n’en déplaise à Florian Philippot (le soi-disant cadeau de la langue française leur a donc été bien inutile). La colonisation est venue écraser tout cela : ce n’est pas une mission civilisatrice, mais l’imposition d’une culture aux détriments d’une autre, c’est-à-dire un ethnocide. Un ethnocide qui a de plus engendré le chaos sur le continent : l’instabilité de la région résulte souvent directement du legs colonial (cf. le génocide au Rwanda, hérité de l’ethnicisation des rapports de forces créés de toute pièce par le colon belge). Cette idée reçue sur l’Afrique pré-coloniale, qui n’aurait demandé qu’à être éduquée, témoigne du paternalisme ethnocentré qui frappe une grande partie de la classe politique, et nos concitoyens à travers eux. Cela réaffirme aussi la nécessité urgente d’apprendre l’Histoire ancienne africaine dans les manuels scolaires, de lui donner une véritable importance, puisque nous l’avons liée à la nôtre par la force.

Les "bienfaits" de la colonisation épisode 2 : le partage et le mélange des cultures
Les “bienfaits” de la colonisation épisode 2 : le partage et le mélange des cultures

L’exemple allemand

Par ailleurs, une idée revient souvent : celle de « repentance, d’auto-flagellation » qui agace la droite notamment. Il est utile de se demander pourquoi ces hommes et ces femmes, qui prennent chaque critique envers la responsabilité française lors de la colonisation comme un coup de poignard, une insulte, le ressentent ainsi. C’est pourquoi j’ai eu ici l’envie de le comparer avec l’Allemagne, quitte à me faire insulter pour avoir « osé » comparer les crimes nazis et la colonisation. L’idée défendue par les agacés de la « repentance », c’est celle qui veut que les Français doivent se sentir fiers de leur pays, et que toute acceptation de la réalité de la colonisation va à l’encontre de cette idée. C’est à travers cet argument que François Fillon défendait un programme scolaire d’histoire mettant en valeur le récit national.

Les Allemands doivent affronter leur passé et composer avec lui. A l’école, rien ne leur est épargné du nazisme, et nous serions les premiers choqués si de tels crimes étaient euphémisés. Ils ont bien compris l’intérêt du devoir de mémoire, pour éviter que de telles atrocités ne se reproduisent. L’identité allemande s’est-elle pour autant effondrée, sous toute cette « repentance » ? Non, bien au contraire. Les Allemands peuvent se sentir fiers d’avoir surmonté collectivement cela, d’avoir construit autre chose, pour faire barrage à l’horreur.

A titre personnel, je me sentirais bien plus fier dans une France qui accepte sa part de responsabilité dans les souffrances des peuples colonisés et qui va de l’avant, que dans cette France qui miroite son passé glorieux en refusant d’admettre qu’elle a du sang sur les mains. Alors pourquoi la France est-elle incapable de faire son propre examen de conscience ?

La République et le fantasme post-colonial

Si l’on reprend la comparaison avec l’Allemagne, un élément est frappant. L’Allemagne qui a été responsable du nazisme n’est plus. Le Troisième Reich est mort dans les cendres de la Seconde guerre mondiale, et la République fédérale allemande a bâti une démocratie solide. Pour la classe politique allemande actuelle, la rupture est nette : les Allemands peuvent affronter leurs « démons » car ils ont été vaincus. Un Allemand peut avoir honte de l’Histoire de son pays, mais n’a pas de raison (en tout cas sur ce point) d’avoir honte de son pays à proprement parler, puisque l’Allemagne d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celle d’hier. En France, c’est bien différent. Si les politiques français ont peur de faire face à la colonisation en tant que crime français, s’ils la ressentent comme une insulte presque personnelle, c’est parce que la colonisation est un crime de la République. Un crime au nom des valeurs républicaines, universalistes, civilisatrices, des Lumières, qui ont alimenté l’impérialisme de la République bourgeoise. Le discours “républicain” a été instrumentalisé et a servi de justification aux capitalistes français, qui se sont partagés des morceaux de l’Afrique et ont exploité la main d’œuvre locale. Des valeurs, qui du XIXème siècle à nos jours, ont perduré dans une formidable continuité historique. Si les républiques se sont succédé, le socle républicain bourgeois est resté le même. C’est donc bien une partie de l’identité républicaine française actuelle qui est à remettre en question quand on en vient à parler de la colonisation. Pourtant, il n’y a aucun danger : au contraire, c’est une formidable opportunité d’arrêter de vivre dans un récit passéiste, pour construire une identité fondée sur l’avenir : la liberté, l’égalité et la fraternité (ces mots sont dans notre devise, il serait toujours temps de s’en servir). Rappelons au passage l’exemple historique de la République de 1793, en avance sur son temps, qui sentait que l’esclavage et la colonisation étaient contraire à l’égalité entre les hommes et à l’idéal d’une République sociale, ce qui la conduisit en 1794 à voter l’abolition de l’esclavage, à accorder la pleine citoyenneté aux anciens esclaves, et à permettre l’élection des premiers députés noirs.

La colonisation illustrée comme une mission civilisatrice
La colonisation illustrée comme une mission civilisatrice

La France doit sortir définitivement du colonialisme en admettant son crime, et en l’enseignant comme tel à l’école. Car le post-colonialisme a des ramifications insoupçonnées, au-delà de l’ingérence française en Afrique : cette idée de hiérarchisation des civilisations (un coucou à Claude Guéant), n’est-elle pas celle qui nourrit les discours xénophobes qui prétend que la culture des immigrés (majoritairement l’islam aujourd’hui) est incompatible avec la nôtre ? Ne demande-t-on pas encore à des cultures étrangères de s’écraser au profit d’une qui lui serait supérieure ? Plus généralement, les failles du multiculturalisme français sont héritées de l’idéologie coloniale : la construction d’un « Nous » supérieur aux « Autres », est un mal qui ronge notre société, qui conduit au rejet et au communautarisme.

Crédits photos :

http://une-lettre-francaise.over-blog.com/article-de-vichy-a-l-union-europeenne-la-continuite-coloniale-au-moyen-orient-112529587.html

http://www.hgsavinagiac.com/article-31615907.html

http://www.lisapoyakama.org/la-colonisation-a-t-elle-eu-des-roles-positifs/

 

 

 

 

Les dépenses scandaleuses de l’austère couple Fillon

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Francois_Fillon_IMG_3361.jpg
©Rama

Double face. François Fillon représente le bon père de famille, cinq enfants, catholique, intègre. La droite droite dans ses bottes. On peut même imaginer qu’il a, au moins en partie, gagné la Primaire de son camp parce que ses adversaires les plus dangereux, Sarko et Juppé, ont payé le prix de leurs mises en examen ou condamnations passées. Et pourtant…

Pourtant, l’ancien Premier Ministre croule sous les casseroles, accumulées notamment pendant ses cinq années à Matignon. M. Fillon  s’est servi des deniers publics pour son confort personnel, dans des proportions absolument inadmissibles. Ça la fout mal pour quelqu’un qui a parlé “d’Etat en faillite” et prône pour l’avenir une austérité thatchérienne, trente ans après la Dame de Fer. Revue de détails d’une imposture moderne, devenue médiatique par l’entremise du #PenelopeGate.

L’agrandissement de l’appartement de Matignon

De 2007 à 2012, François Fillon a résidé avec sa famille à l’Hôtel Matignon dans le 7e arrondissement de Paris. Il s’agit là d’un joyau du patrimoine français, construit en 1722 par Courtonne pour le prince de Tingry. Il a appartenu successivement aux Grimaldi, à Talleyrand, à Napoléon Ier et à Louis XVIII, qui l’échangea en 1816 contre l’Elysée à Bathilde d’Orléans, duchesse de Bourbon. Suivirent encore, notamment, le Comte de Paris et l’empereur d’Autriche-Hongrie, François-Joseph. Les bâtiments et le parc privé attenant (le plus grand de Paris), sont définitivement achetés par la France en 1922, qui en fait la résidence du chef du gouvernement en 1935.

Jusqu’en 2007 et le passage de Dominique de Villepin, l’appartement du Premier Ministre compte 78 m2. Sous le mandat Fillon, ce logement a subi un sacré lifting  en passant à 309 m2 (!), dont 213 pour la partie privative, afin d’accueillir sa femme et trois de ses enfants. L’argument serait recevable s’il était le premier Premier Ministre avec une famille.

Les non-factures de personnel de Matignon

Le “tour de force” aura été de créer l’illusion d’une baisse des dépenses de Matignon par un subtil jeu contractuel, repoussant en fait certains frais toujours en cours vers d’autres administrations. Mi-2008, seuls 21 des 70 membres du cabinet du Premier Ministre étaient payés par Matignon. Les autres étaient salariés par le Sénat, le Conseil d’Etat et tout un tas d’administrations annexes. Même constat pour 230 fonctionnaires en service rue de Varenne.

Le tout agrémenté d’un budget présenté comme “de rigueur en temps de crise”. Aucune honte…

depenses-matfdcc-e1fc5

Les voyages non facturés

Encore un tour de passe-passe. Les déplacements du chef du gouvernement sont facturés au Ministère des Affaires Etrangères. On ne peut pas, sur ce point, en tenir rigueur au Sarthois, puisque la pratique est historique. Cependant, dans le même temps, Nicolas Sarkozy met fin à cette hypocrisie de son côté et rapatrie toutes les dépenses de la Présidence vers le budget de l’Elysée, dans un souci de transparence. Ce que n’a pas jugé bon de faire Matignon. Ce faisant, le budget élyséen explose de 30 à 100 millions d’euros entre 2007 et 2008.

Séjour à Marrakech aux frais de l’Etat

En mai 2009, François Fillon s’est accordé un weekend privé au Maroc, qu’il a rejoint à bord d’un Falcon 50 de l’Etat. A l’époque, la communication de Matignon annonce qu’un remboursement sur ses deniers propres aura lieu. Le tarif du vol et de l’immobilisation d’un tel avion avec son aéropage d’employés a coûté 182 272 euros pour 3 jours. On attend toujours la preuve dudit remboursement.

fillon-marrakech-canard-enchaine

L’inauguration du TGV en jet privé

En 2007, la France inaugure à grand renfort de communication le TGV-Est. On fait une fausse annonce aux journalistes, à Montparnasse, disant que le PM est déjà dans le train pour une séance de travail et qu’il les rejoindra à l’arrivée. Pourtant, le convoi doit faire une pause non prévue de 26 minutes en gare de Nancy-Metz pour… faire monter à bord François Fillon. En effet, le premier des ministres, accompagné d’Alain Juppé, celui de l’Ecologie (sic), a décidé de parcourir une partie du trajet à bord d’un Falcon de l’Etat. Encore. La supercherie aurait du passer comme une lettre à la Poste, mais c’était sans compter sur Anne-Marie Idrac, présidente de la SNCF. Échaudée par certaines critiques de M. Fillon à l’encontre de sa société, Mme Idrac a tout révélé aux journalistes en ironisant sur son “voyage multimodal”.

canard-enchaine-fillon

 Weekends à nos frais dans son château de la Sarthe

On peut comprendre que quiconque possède un château apprécie d’y passer son temps libre en famille. Normal. Mais quand on est Premier Ministre et que ledit château se trouve à Solesmes (Sarthe), à 230 kilomètres de Paris, n’y a t-il pas d’autres moyens pour s’y rendre que d’utiliser encore et toujours un Falcon de l’Etat ? C’est le magazine Capital (n°243 – décembre 2011) qui révèle cette nouvelle preuve de l’inconséquence du candidat Les Républicains en période de crise financière.

à lire sur le sujet : “La crise est un scandale, car l’argent coule à flots”

Chacun des weekends du clan Fillon dans son fief a ainsi coûté plus de 30 000 euros au contribuable. A titre de comparaison, le billet de train Paris-Le Mans est approximativement de 70 euros, pour un trajet… plus rapide. Au total, la facture s’est élevée à 1,3 million d’euros par an ! La crise, on vous dit.

http://leplus.nouvelobs.com/contribution/928063-fillon-son-chateau-son-tracteur-son-cheval-comment-ruiner-son-image-dans-paris-match.html
Capture ©Paris Match

Réveillon avec le Raïs

Michèle Alliot-Marie en difficulté. Devant l’Assemblée, la Ministre de la Défense tente piteusement d’expliquer une escapade en Tunisie en 2010, payée par l’Etat, auprès de proches de Ben Ali. François Fillon fait profil bas. En effet, le Premier Ministre a exactement la même casserole sur le dos, mais en Egypte. La version officielle veut qu’il soit allé visiter la cathédrale d’Assouan pour “exprimer sa solidarité à l’égard de la communauté copte”.

Problème, M. Fillon est resté sur place du 26 décembre 2010 au 2 janvier 2011, pour un réveillon pas comme les autres. Logé avec sa famille aux frais du gouvernement égyptien dans une dépendance privée du luxueux hôtel Movenpick, sur l’Ile Eléphantine, il se voit offrir un jet privé du Raïs Hosni Moubarak (chassé du pouvoir depuis), pour visiter le temple d’Abou-Simbel, trésor de l’Egypte ancienne. Immobilisé dix jours avec son équipage, logé dans l’hôtel 5* Pyramisa, le désormais célèbre Falcon de la République aura encore coûté une petite fortune à l’Etat, difficile à chiffrer précisément sur ce coup là. Mais pas de panique, cette fois le vol (9 400 euros de l’heure pour un avion de ce type) a été facturé à la famille Fillon… au prix d’un avion de ligne.

fillon-en-goguette-dans-le

En 2017, l’Etat paye encore son plein d’essence

L’Etat français, comme l’a révélé Mediapart, dépense chaque année des sommes faramineuses pour assurer le train de vie de ses ex, présidents et premiers ministres. Pour l’année examinée, 2014, l’Etat a pris à sa charge pour le compte du “collaborateur de Nicolas Sarkozy” la rémunération d’un assistant (54 717 euros), d’un chauffeur (12 167 euros), les frais d’entretien de la voiture (4 452 euros), l’essence (14 263 euros) et même l’assurance du véhicule (541 euros) ! Total de la facture : plus de 86 000 euros de fonds publics. C’est beau quand même ces hommes politiques qui montrent l’exemple.

Sa femme aussi voyage aux frais du contribuable

Pénélope Fillon, l’épouse galloise du candidat de la droite à l’élection présidentielle, s’est rendue le 7 mai 2009 à Roscoff, en Bretagne, pour le baptême d’un navire de la Brittany Ferries. Il semblerait que Mme Fillon, et c’est tout à son honneur, avait décidé d’effectuer le trajet en train (Paris-Morlaix), puis en bus, à ses frais. Son Premier Ministre de mari aurait alors insisté en apprenant son choix pour qu’elle utilise l’éternel Falcon de la République, ce qu’elle aurait fini par accepter à contre-cœur.

Le traitement médiatique qui en fut fait par L’Express vaut le détour. L’hebdo a changé de version sans publier d’erratum, pour finalement coller à celle de Mediapart.

La mystérieuse entreprise 2F

Un seul employé et plus d’un million d’euros de chiffre d’affaire depuis 2012. L’entreprise de conseil 2F (les initiales de François Fillon), semble être un exemple à suivre. Pourtant, il n’en parle jamais. Pourquoi ?

La loi interdit à un parlementaire de travailler en tant que consultant sauf à avoir débuté cette activité avant son mandat. FF a opportunément déposé les statuts de sa boîte dix jours avant d’être élu député de la deuxième circo de Paris. Bien vu.

Mais comment a t-il pu générer de quoi se verser, tout de même, 18 000 euros de salaire mensuel, en plus de ses revenus de député (5 357 euros nets), auxquels s’ajoutent les frais cités plus haut ? L’essentiel de l’activité provient de conférences répond l’équipe du Manceau. Par contre, pour savoir où et quand, tabou général. Le Canard Enchaîné affirme que l’une d’elles a eu lieu au Kazakhstan en 2013, une autre en Russie la même année, une dernière en Iran en 2016. Du côté de Fillon on nie pour les deux dernières. Encore une fois, beaucoup d’argent et quasiment aucune transparence. Vilaine habitude. Il semblerait que ce point soit le prochain sur lequel le Canard s’apprête à sortir une bombe (tout ça au conditionnel pour l’instant).

[Edit ] #PenelopeGate

C’est un hasard complet si cet article sort au même moment que les révélations sur le “travail” de Madame Fillon auprès de son mari et de la confidentielle Revue des Deux Mondes. L’on a donc appris que l’épouse galloise de l’ancien premier ministre a passé 8 ans avec le statut d’attachée parlementaire de son mari puis de son suppléant, avec – tout de même – 500 000 euros à la clé. Sans que personne ne l’ai jamais vue à l’Assemblée ni nulle part ailleurs. Elle a durant la même période rédigé deux toutes petites notes de lecture pour la Revue des Deux Mondes , son embauche faisant suite à un coup de fil d’un ami de la famille, Marc Ladreit de Lacharrière, à Michel Crépu, Directeur de la Publication. Facture ? 100 000 euros. Il est assez jouissif de ressortir du placard les rares déclarations médiatiques de Pénélope Fillon sur la période, qui déclare se lasser de la vie au foyer et “vouloir reprendre le travail”, ou encore “se tenir la plus éloignée possible de la vie professionnelle de son époux”. Magique.

 

Voir aussi, #PenelopeGate, le Best Of du web

 

Embourbé dans ce scandale, qui fait d’ailleurs paniquer les parlementaires dans la même situation, François Fillon s’est invité au 20h de TF1 pour tenter de se justifier. Il a ramé, le pauvre. Pauvre, façon de parler. Se plaçant sur le registre de l’émotion et de l’indignation, M. Fillon a surtout tenté maladroitement d’esquiver le fond. Il a tout de même placé quelques phrases importantes. D’abord, il a assuré qu’il se retirerait de la course présidentielle en cas de mise en examen. On peut en douter tant le temps judiciaire diffère du temps médiatique. Ensuite, il a déclaré qu’il donnerait “toutes les preuves” à la justice. Il faudra donc le croire sur parole d’ici là, communication de crise plutôt maladroite. Enfin, et ça devient presque cocasse, le Manceau a voulu prendre les devants en déclarant sans qu’on lui pose la question qu’il avait employé deux de ses enfants comme avocats lors de son passage au Sénat entre 2007 et 2009. Malheureusement pour lui, sa fille n’est au barreau que depuis novembre 2009, son fils depuis 2011. Aïe.

Pour sa défense, François Fillon a embauché Antonin Levy, avocat réputé mais également fils de l’inénarrable Bernard-Henri. Un “fils de” pour plaider dans une affaire de “femme de”, quelle bonne idée.

Ultra-favori, voire désigné vainqueur à l’avance pour 2017, François Fillon risque bien de tout perdre dans cette affaire, loin d’être terminée. Depuis, internet s’en donne à coeur joie et préfère en rire. Une question majeure commence tout de même à poindre : s’il est contraint d’abandonner, qui va y aller à sa place ?

 

 

 Austérité bien ordonnée commence par soi-même, M. Fillon

Candidat de la droite et du centre pour 2017, pour l’instant, François Fillon annonce du sang et des larmes aux Français. Son programme est clairement réactionnaire sur les valeurs et ultralibéral économiquement. Son projet pour le pays pourrait se résumer en un seul mot : austérité. Quand lui-même se permet de dilapider l’argent public. Honte à lui pour cette duplicité.

Cet article s’adresse surtout à ceux qui envisagent encore de glisser le nom de l’ancien maire de Sablé-sur-Sarthe dans l’urne le 23 avril prochain. N’oubliez pas au moment fatidique que M. Fillon, depuis son château, se moque ouvertement de vous.

Matthieu Le Crom

Sur Facebook, suivez la page Perspicace

Crédits photo :

Capture ©Paris Match

Capture ©Le Canard enchaîné

©Rama

Fillon, candidat de l’agro-business

©wokMh

Fin du principe de précaution, développement des OGM et des pesticides meurtriers : Fillon cède aux lobbys de l’agro-business et leur livre notre santé et notre écosystème. 

-Bruno Retailleau : “Ce qui est terrible, c’est que le conservatisme est devenu péjoratif. On a des choses à conserver. L’écologie va à une forme de patrimoine qu’il faut conserver, pour pouvoir le transmettre.”

– Natacha Polony : “Pourquoi on en a jamais entendu parler pendant la campagne ?”

-Bruno Retailleau : “D’abord parce qu’il y a 7 candidats. Les temps de débat sont très courts.”

-Natacha Polony : “Vous êtes en train de me dire qu’on va le découvrir candidat écologiste ?”

-Bruno Retailleau : “Je pense que c’est sa sensibilité mais de façon non-ostentatoire. Il n’est jamais dans l’exhibition”.

NDDL : L’aveuglement de M. Fillon

A la lecture du programme du Sarthois, qui a visiblement perdu son bon sens, on comprend l’air mi-sidéré, mi-amusé de Natacha Polony lorsque Retailleau lui annonce que Fillon a une “sensibilité écologiste”. De la part d’un Président de Conseil Régional des Pays de la Loire qui endosse régulièrement son costume de croisé pour demander au gouvernement de chasser les zadistes de Notre-Dame-Des-Landes, c’est assez cocasse. Fillon ne dit pas autre chose. Il veut « évacuer de façon musclée […] les hors-la-loi qui occupent un territoire de la République ». On comprend la position de Fillon. C’est lorsqu’il était Premier Ministre que le préfet Bernard Hagelsteen fut nommé. Cette nomination allait à l’encontre d’une pétition lancée par ses collègues : une première en France. Quel rapport me direz-vous ? C’est la suite de l’histoire qui est intéressante : en tant que préfet de Loire-Atlantique et de la région Pays-de-la-Loire (2007-2009), il pilotait localement le projet d’aéroport, en collaboration avec la Direction générale de l’aviation civile (DGAC). Or, dans le cadre de la délégation de service public, l’appel d’offres a été lancé en 2009 pour choisir le concessionnaire de l’aéroport, pour une durée de 55 ans. En 2010, le ministre de l’Écologie et du Développement durable tranche en faveur de Vinci. Cela n’empêche pas l’ancien préfet de se faire embaucher un an plus tard par ASF (Autoroutes du Sud de la France), filiale de Vinci. En 2012, il devient conseiller de Pierre Coppey, président de Vinci-Autoroutes. La position ferme de Fillon n’est peut-être pas étrangère à ce renvoi d’ascenceur entre membres de la caste.

Suppression du principe de précaution : les pesticides menacent l’écosystème et notre santé

La probabilité du conflit d’intérêt ne doit pas, ici, nous faire oublier la foi aveugle du frère Fillon dans un productivisme d’un autre temps, destructeur pour le seul écosystème compatible avec la vie humaine. Ainsi, le candidat de la droite se déclare favorable à la suppression du principe de précaution. La raison ? Il l’exprime dans une tribune publiée sur le site professionnel Wikiagri : « Osons relancer les recherches qui ont été interrompues au nom du principe de précaution, notamment en génétique ». En clair, si Fillon veut supprimer le principe de précaution, c’est pour ouvrir la boîte de Pandore des OGM. Fillon refuse également l’interdiction des néonicotinoïdes (conquise de haute lutte par les militants écologistes et les apiculteurs à l’occasion de la récente loi biodiversité) et des glyphosates. Rappelons tout de même que le Centre International de recherche sur le Cancer (CIRC), agence de l’OMS, considère le glyphosate (contenu dans l’un des herbicides le plus utilisé au monde : le Round Up ) comme probablement cancérigène pour l’être humain (mars 2015). Le cas des néonicotinoïdes est encore plus grave. En effet, le Conseil de l’académie des sciences européenne (Easac) a remis un rapport accablant à la Commission européenne en mai 2015. Se basant sur près d’une centaine d’études, les auteurs du rapport soulignent le fait que « l’utilisation généralisée des néonicotinoïdes a des effets graves sur une série d’organismes » qui sont responsables de la pollinisation et de la lutte naturelle contre les parasites ainsi que sur la biodiversité. Ces éléments contenus dans de nombreux pesticides ont de terribles effets sur les insectes pollinisateurs (les abeilles bien sûr mais aussi les bourdons, les bombyles ou les papillons). Les effets concernent principalement le système nerveux de ces insectes : désorientation, perte de fonctions cognitives, longévité des reines en baisse, synergie avec des pathogènes existants. Par ailleurs, véritables sirènes homériques, les néonicotinoïdes attirent les insectes pour leur donner un baiser de la mort. Dernier élément : ces pesticides sont présents dans la plante durant toute sa durée de vie, et restent ensuite dans les sols pendant de nombreuses années. C’est autant d’occasions de tuer les insectes qui ingèrent ces substances. “On s’en moque après tout. Ce ne sont que des abeilles” nous répondrons quelques benêts qui passent leur temps à regarder le bout de leurs chaussures. Sauf qu’au-delà de la destruction de l’activité apicole et de la production de miel, la destruction des abeilles a tout une série de conséquences criminelles sur des activités essentielles que remplissent les pollinisateurs pour l’écosystème, pour la pollinisation de la flore ou pour la production de fruits et légumes.

Les OGM : une boîte de pandore dévastatrice à coup sûr

Fillon va encore plus loin dans sa folie pro-pesticides. Pour lui, l’agriculture est « au bord de l’overdose normative ». Vu toutes les victoires que remportent régulièrement le lobby productiviste, on se pince en entendant cela. Fillon propose donc « d’abroger par ordonnances toutes les normes ajoutées aux textes européens ». Vu le zèle avec lequel la Commission européenne sert les lobbys qui suent sang et eau pour garder les perturbateurs endocriniens, les néonicotinoïdes et le glyphosate, on peut craindre pour notre santé et la survie de l’écosystème, si on s’en remet aux seules normes européennes pour les protéger. Concrètement, quelles conséquences implique la proposition de Fillon ?  La France a fait jouer la clause de sauvegarde pour permettre l’interdiction des OGM. Si Fillon abolit toutes les normes qui s’ajoutent aux normes européennes, c’est open-bar sur les OGM pour l’agro-business qui pourrit tout : la terre, l’air, l’eau, notre santé et la vie des paysans.

Il est temps que le lobby productiviste desserre l’étau dans lequel il tient les paysans. Il est temps d’en finir avec cette agriculture productiviste bourrée de pesticides qui pourrit notre santé, détruit la fertilité des sols (et des êtres humains), dégrade la valeur nutritive des aliments et conduit un paysan à se suicider tous les deux jours. Il est peut-être temps d’en finir avec ces médecins de Molière et d’engager la mutation vers une agriculture relocalisée, débarrassée des pesticides, s’attachant à respecter les critères de l’agriculture biologique afin que les paysans cessent de survivre pour enfin vivre.

Crédit photo©wokMh

Source : https://pixabay.com/fr/botte-de-foin-botte-de-paille-champs-401882/

Transition énergétique : Fillon se fourvoie dans le dogme nucléaire

Lien
©Panelfestoon

Confirmer le choix nucléaire, donner la main au marché : Fillon se fourvoie dans la logique productiviste en poursuivant les choix énergétiques qui conduisent à la destruction de notre écosystème.

“Il faut sortir des objectifs chiffrés, pour donner la main au marché.”

        “Il faut sortir des objectifs chiffrés, pour donner la main au marché. Si ces énergies sont rentables, elles attireront les investissements et leur part se développera.” La messe est dite. Pour sauver le seul écosystème compatible avec la vie humaine, Fillon nous promet de faire confiance à la divine main invisible du marché qui nous apporte déjà bonheur et félicité dans le domaine économique et social. Il a beau concéder que le marché carbone – ce mécanisme d’échange de droits à polluer mis en place par l’Union Européenne pour respecter les objectifs de réduction des émissions de gaz effets de serre que les nations mondiales, Etats-Unis et Chine exceptées, se sont données – est un échec cuisant. En effet, du fait des spéculations, les prix se sont effondrés entre 5 et 10 euros la tonne de CO2 émise alors que l’on estime que ce prix du carbonne ne doit pas descendre en-dessous de 30 euros afin de répondre à nos objectifs communs. Les pollueurs peuvent donc acheter des droits à polluer à très bas prix et polluer allègrement sans se soucier des dangers qu’il font peser sur l’humanité. On aura beau blasphèmer en expliquant à M. Fillon que l’écologie nécessite une action sur le long terme et que les entreprises multinationales obsédées qu’elles sont par leur cotation en bourse conditionnée par le benchmarking de leurs activités tous les trois mois ne peuvent y prêter un quelconque intérêt, Fillon croît dur comme fer à la main verte du marché. Ainsi, Fillon propose de faire sauter l’obligation d’achat à un prix garanti supérieur au prix de marché pour les énergies électriques intermittentes, que sont l’éolien et le solaire. En clair, EDF achète de l’électricité produite à base de sources renouvelables à un prix supérieur au prix de marché. L’Etat développe ainsi les énergies renouvelables. Si le mécanisme n’est pas parfait, il a le mérite d’exister.

Politique de l’offre et perpétuation du nucléaire : des archaïsmes dangereux

        Quelle autre stratégie propose Fillon pour sortir des energies carbonnées ? La politique de l’offre. Ne vous étonnez pas. Chez les libéraux, qu’il s’agisse de protection de l’écosystème, de production automobile ou d’éducation, la réponse est toujours la même : le marché et la politique de l’offre. Concrètement, Fillon propose des pôles de compétitivité pour les entreprises du secteur, de faire émerger des fonds d’investissements privés (qui évidemment développeront des politiques écologiques sur 30 ans et ne privilégieront pas leurs cours boursiers et leur profits immédiats à la survie de l’humanité), et enfin un crédit d’impôt pour ce type d’investissements (Bien évidemment, il n’y aura pas d’effet d’aubaine. Les crédits d’impôt ont su démontré leur efficacité depuis 30 ans).

      Autre axe pour la transition énergétique : la continuation du nucléaire. Il propose de prolonger la durée de vie des centrales de 40 à 60 ans. Bien sûr, il refuse de fermer Fessenheim. Pire, encore, il veut lancer des investissements pour continuer le développement de ces EPR qui coûtent une fortune à EDF. Celui de Flamanville devait être mis en service en 2012. On le promet désormais pour fin 2018. Le coût a triplé : initialement prévu à 3,4 milliards d’euros, il devrait s’élever au moins à 10,5 milliards d’euros. Le projet anglais d’EPR Hinkley Point est tellement mal engagé que le directeur financier d’EDF a démissionné pour manifester son opposition. Fillon veut même développer une gamme de petits et moyens réacteurs nucléaires pour les exporter.

  Or, le Président de l’Autorité de Sûreté Nucléaire vient de tirer la sonette d’alarme dans Le Figaro. Après la découverte, au printemps 2015, d’un défaut dans la cuve du futur réacteur EPR de Flamanville, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a déclenché une campagne de contrôle sans précédent. Le President s’alarme dans ces termes : “Actuellement, douze réacteurs sont à l’arrêt ou vont être mis à l’arrêt, pour contrôler que l’excès de carbone découvert dans l’acier n’altère pas la capacité de résistance mécanique des générateurs de vapeur. […] Une anomalie générique a été identifiée sur les générateurs de vapeur, entraînant une procédure de contrôle de grande ampleur. […] Il y a de plus un cas où la sûreté pouvait être en cause, ce qui nous a conduits à décider de l’arrêt de Fessenheim 2 l’été dernier. […] Quand nous avons mesuré les concentrations de carbone dans l’acier, qui devaient être de 0,2 %, nous avons découvert des valeurs allant de 0,3 % à 0,4 %, soit deux fois le niveau attendu. Un tel excès de carbone pourrait diminuer la résistance mécanique de l’acier. Au total, 18 générateurs de vapeur étaient potentiellement concernés. Mais six, produits par le site du Creusot, présentent des taux de 0,3 %, ce qui est acceptable en termes de sûreté, tandis que ce taux était de 0,4 % pour les fabrications de générateur de vapeur de JCFC.  De tels niveaux n’avaient pas été étudiés jusque-là. Depuis avril 2015, et la découverte d’un excès de carbone dans l’acier de la cuve de l’EPR, nous sommes allés de mauvaises surprises en mauvaises surprises! Nous avons ainsi mis en évidence l’anomalie générique qui conduit aujourd’hui au contrôle de 12 réacteurs.  Mais, en parallèle, nous avons aussi mis en évidence l’existence de pratiques inacceptables depuis le début des années 1960, à la forge du Creusot: existence de 400 dossiers «barrés», volontairement cachés au client et à l’ASN, portant sur des anomalies, et découverte de documents de fabrication apparemment falsifiés. Du fait des irrégularités identifiées dans les dossiers du Creusot, et de l’existence de pratiques s’apparentant à de la falsification depuis le début des années 1960, il y a près de 10.000 dossiers à revoir par Areva. […] Un quart concerne les équipements pour le nucléaire en France. Cette revue complète est nécessaire. Elle amènera très certainement à mettre en évidence de nouvelles anomalies, qui devront être systématiquement analysées et traitées. […] La situation est devenue, en effet, très préoccupante.”

Crédits:

  • ©Panelfestoon

Le malade est bien pâlichon ? La saignée répond le Dr. Fillon !

©Maire-Lan Nguyen

Comment François Fillon veut détruire l’appareil d’État français et mettre notre système de protection sociale à genoux, au bénéfice des plus riches.

Du Munich social au Blitzkrieg social

“Moi, ce que je veux, c’est que le 1er juillet, les deux ou trois ministres chargés des réformes – l’Économie et les Finances, le Travail, pour l’essentiel – arrivent avec des textes prêts et, dans une forme de blitzkrieg, fassent passer devant le Parlement, en utilisant, d’ailleurs, tous les moyens que donne la Constitution de la Cinquième République – les ordonnances, les votes bloqués, le 49 al. 3, enfin tout ce qui est nécessaire – fassent passer, en l’espace de deux mois, sans interruption estivale, les 6 ou 7 réformes qui vont changer le climat de l’économie et le climat du travail dans notre pays. C’est, évidemment pour moi : l’abrogation des 35h et la suppression de la durée légale du travail et le renvoi à la négociation dans les entreprises sans contrainte, c’est le nouveau code du travail, c’est la réforme de la fiscalité du capital, c’est la réforme de l’assurance chômage, c’est la réforme de l’apprentissage et c’est les mesures d’économies sur le budget de l’État et sur le fonctionnement de l’État”. Voilà comment Fillon résume sa stratégie économique devant un parterre de grands patrons, soigneusement triés et réunis pour l’occasion à la Fondation Concorde.

Ainsi donc, la stratégie du Dr Fillon, médecin de Molière s’il en est, repose sur trois piliers. Un plan d’austérité aussi efficace qu’un saignée, une libéralisation du marché du travail qui fonctionnera comme une véritable machine à broyer des vies et à fabriquer de la précarité, et des baisses d’impôts et de cotisations essentiellement pour les entreprises et les revenus du capital. Toutes ces politiques auront une conséquence : la déflation et son corollaire, la dépression.

Une saignée à 100 milliards

Fillon commence par une saignée de 100 milliards dans les dépenses publiques. Un tiers pour les dépenses de l’Etat essentiellement réalisées par la suppression de 500 000 fonctionnaires (dans les trois fonctions publiques), 20 % pour les collectivités territoriales et le reste pour la sécurité sociale : 20 milliards avec le passage à la retraite à 65 ans et l’établissement d’un étage de retraite par capitalisation, 20 milliards de coupes dans les dépenses de santé (avec notamment la suppression de nombreux hôpitaux et le non-remboursement des soins autres que les “maladies graves ou de longue durée”) et 10 milliards dans l’assurance  chômage. C’est un remède de cheval qui tuera le malade. L’Etat, notamment par l’intermédiaire des collectivités locales, est l’un des premier investisseurs de ce pays.

En agissant ainsi, Fillon plombera les entreprises qui travaillent en relation avec l’Etat. Le secteur du bâtiment, dont nombre d’entreprises dépendent des investissements des collectivités locales, sera notamment plombé pour quelques années. Autre élément essentiel : en coupant dans les budgets sociaux, dans les services publics et en supprimant 500 000 fonctionnaires, vous plombez la consommation populaire, pourtant motrice de notre économie. D’ailleurs, en augmentant la TVA de 2 points, Fillon casse le pouvoir d’achat populaire.

Comme la TVA est un impôt forfaitaire et non progressif, il est plus payé, proportionnellement, par les pauvres que par les riches. Nul besoin d’être docteur en keynésianisme pour comprendre qu’étant donné que le pouvoir d’achat des classes populaires et moyennes sera plombé, et étant donné qu’elles ont la propension marginale à consommer la plus élevée, la consommation diminuera.  Au lieu d’investir ou de consommer, les classes aisées, grandes bénéficiaires des transferts d’argent promis par Fillon, auront plus tendance à épargner. La demande baissera et les carnets de commande des entreprises se videront. A cette objection, Fillon nous répond deux choses.

Le coût du travail : une fumisterie idéologique doublée d’une vision archaïque de la compétitivité

La première, c’est que Fillon veut s’aligner sur le modèle allemand fondé sur l’exportation. Que ce modèle soit un modèle d’inégalité plutôt que de prospérité, la chose est entendue. La vérité, c’est que Fillon veut en finir avec le modèle francais dont la croissance est tiré par la consommation intérieure. Il veut en faire une économie fondée essentiellement sur l’exportation. Pour cela, propose-t-il de diminuer la valeur de l’euro comme la gamme de produit de notre industrie l’exigerait ou d’investir pour monter en gamme et ne plus subir le poids de cette monnaie ? Diable non !

Fillon a une seule obsession : le coût du travail. Comme il ne peut ni toucher à la monnaie, corsetée qu’elle est par les traités européens, ni au niveau des investissements ni à la matrice productive du pays vu que les règles budgétaires inscrites dans les traités européens l’interdisent, il veut engager la déflation salariale : baisser le prix des salaires afin de jouer sur la compétitivité prix des produits de l’industrie française à l’exportation. C’est ainsi qu’il propose 50 milliards de baisses de prélèvements dont 40 pour les entreprises : 25 milliards de “baisses de charges”. En clair, des baisses de cotisations salariales et d’impôts assis sur la masse salariale. 10 milliards de baisses d’impôts sur les sociétés sans distinction aucune (nonobstant le fait que grâce aux diverses niches fiscales, les PME paient un impôt sur les sociétés nettement supérieur à celui des grandes entreprises du CAC 40).

Autre élément permettant de baisser le “coût du travail” : la précarisation des conditions sociales des travailleurs. Fillon souhaite supprimer la durée légale du travail, revenir à un code du travail centré sur “les normes sociales fondamentales” (le resta étant renvoyé à la négociation et aux accords d’entreprises), introduire un motif de réorganisation de l’entreprise pour faciliter le licenciement économique, et engager la dégressivité des allocations chômage. Ces mesures auront pour fonction de diminuer les salaires des travailleurs, le prix qu’implique le cycle des embauches et des licenciements, et les coûts qu’impliquent les protections que le Code du Travail garantit aux travailleurs.

Au delà, Fillon espère que cela pjermettra aux employeurs d’embaucher puisqu’ils pourront licencier plus facilement leurs employés. C’est d’une logique imparable. Fillon espère donc que ces mesures permettront aux entreprises d’investir, de baisser le prix du travail et d’offrir des produits moins chers. Au delà de la brutalité sociale de ces mesures, il ne semble pas avoir conscience que l’expérience du CICE a montré que les baisses de prélèvements conduisent les entreprises à reconstituer leur taux de marge et à augmenter la part reversée aux actionnaires, d’autant plus que les baisses de prélèvements annoncées par Fillon se feront sans aucune contrepartie sociale ni garantie écologique.

Même en partant du principe que les entreprises profiteront des ces baisses de prélèvements pour baisser le prix des marchandises, le programme de Fillon repose sur un postulat faux : la diminution de la consommation populaire sera remplacée par l’exportation. Le marché extérieur remplacera les manques que le plan d’austérité de Fillon aura produit sur le marché intérieur. Cela pourrait marcher si tous les autres pays européens ne faisaient pas exactement la même chose. Or, tous les pays européens mènent une politique de déflation salariale pour gagner de la compétitivité prix. Par conséquent, la demande se rétracte dans toute l’Europe et aucun marché extérieur ne viendra apporter son secours à l’économie. La rétractation de la demande conduira à la récession qui elle-même mènera mécaniquement le pays au cycle infernal de la déflation.

Caresser le capital ne fera qu’alimenter la bulle financière

Dernier élément de la stratégie Fillon : la baisse de la fiscalité sur le capital. Fillon pense que le faible investissement des grandes fortunes françaises est du à la “pression fiscale” qu’elles subissent. Si on baisse la fiscalité sur le capital, alors les capitaux reviendront s’investir en France. Fillon propose donc de supprimer l’ISF (5,5 milliards), de diminuer les droits sur les donations et d’instaurer une “flat taxe” à hauteur de 30 % sur les produits du capital. Fillon n’a pas l’air de saisir que nous avons changé d’époque et que les profits d’aujourd’hui ne font plus les investissements de demain ni les emplois d’après-demain. Les détenteurs de capitaux exigent de tels taux de retour sur investissement (autour de 15%) qu’ils ne peuvent que les placer dans la bulle financière. Les entreprises se roulent par terre pour satisfaire leurs appétits voraces en dividendes et en cours d’actions.

En somme, Fillon veut prendre le pouvoir “avec un programme qui date des années 80, pensé pendant les années 70 et réfléchi pendant les années 60”pour paraphraser Dominique Strauss-Kahn à propos du programme commun. Le malade étant bien pâlichon, nous nous permettons de suggérer qu’en lieu et place d’une saignée, un plan de relance ne ferait de mal à personne.

Photo : ©Marie-Lan Nguyen

Vous avez dit urgence ? Écologie, primaire et sparadrap

@adege

Ces 6  et 7 décembre, en raison d’un pic de pollution qui s’étend de Paris à Budapest, en passant par Hanovre, le gouvernement français impose la circulation alternée et rend les transports publics gratuits pour la journée. Belle décision direz-vous, mais qui relève davantage d’un sparadrap sur une hémorragie que d’une véritable politique d’adaptation écologique. Si nous voulions vraiment respirer, les transports devraient être gratuits et le nombre de voitures réduit sans attendre de voir poindre la catastrophe. Étrange attitude propre aux hommes que ce « décalage prométhéen » théorisé par Günther Anders, à savoir l’impossibilité pour la conscience humaine d’appréhender et de comprendre toutes les conséquences possibles de notre usage des technologies, brandissant sans relâche et sans recul l’argument de la modernité.

Pics de pollution à répétition, disparition de 58% des espèces animales en 40 ans, Fukushima, conséquences des pesticides sur la santé humaine, artificialisation massive des sols, rupture nette en 2016 du cycle de glaciation hivernale du Pôle Nord et faille de plus de 110 km qui formera à terme un iceberg grand comme l’Etat du Delaware… Comme le martèle Jean-Pierre Dupuy, « Il nous faut vivre désormais les yeux fixés sur cet événement impensable, l’autodestruction de l’humanité, avec l’objectif, non pas de le rendre impossible, ce qui serait contradictoire, mais d’en retarder l’échéance le plus possible. »[1] Tant d’écocides à répétition, et pourtant l’urgence écologique est toujours la grande absente de l’échiquier politique français, de Marine Le Pen à Emmanuel Macron en passant par François Fillon. Les primaires, parlons-en ! Débat de l’entre-deux tours : ils ont parlé fonctionnaires feignants, dette, suppression de l’ISF, chômeurs, terrorisme, famille, identité. Deux heures de débat puis une heure d’ « analyse » sans mentionner les mots clés des enjeux du 21e siècle : Europe, précarité, pauvreté, migrants, tous liés par des questions primordiales d’inégalités, de climat et d’écologie. Sur le terrain, à droite, Wauquiez « fait la chasse aux écolos »[2] en région Auvergne-Rhône-Alpes, confie l’agriculture bio aux productivistes de la FNSEA et l’éducation au développement durable aux seuls chasseurs. Ce qui est en place au niveau régional est déjà catastrophique, ce qui s’annonce à l’échelle nationale, apocalyptique. Penchons-nous sur le programme de François Fillon[3], plébiscité par les électeurs de droite, dont la moitié sont retraités, et par leur seul vote peuvent conditionner l’avenir des générations futures. On y découvre un véritable amour pour la filière nucléaire française, les OGM, le projet symbole de l’anti-écologie qu’est Notre-Dame-Des-Landes et surtout la remise en cause du principe de précaution, partagée avec Emmanuel Macron, vécu comme un abominable obstacle au capitalisme rampant.

Comment expliquer, et tolérer encore, l’omniprésence du débat sur la dimension géopolitique, économique et techno-scientiste de l’énergie comme fondement du modèle de croissance et l’ajournement concomitant de la crise écologique ? Plus précisément, pourquoi vanter encore les mérites de la filière nucléaire et honnir le principe de précaution quand quinze réacteurs (sur 58) sont à l’arrêt et que l’Agence de Sûreté Nucléaire alerte sur les irrégularités du parc français ? Plus que la préservation des espaces et des espèces, l’écologie se doit d’être un socle politique qui conditionne les aspirations d’une société, ses projets à long-terme, les finalités de son projet démocratique. Ainsi, tel que Hans Jonas l’a conçu, la solution à nos problèmes, s’il en est une, ne peut être que politique. Mais l’on ne changera pas la politique sans concevoir une nouvelle éthique nommée « éthique du futur », c’est-à-dire l’éthique qui a vocation de préserver la possibilité d’un avenir pour l’homme. Cette éthique ne peut se dispenser d’un principe de précaution qui tend à imposer un temps de réflexion sur nos actes. Comme le dit si juste à propos Günther Anders, « la terre n’est pas menacée par des gens qui veulent tuer les hommes, mais par des gens qui risquent de le faire en ne pensant que techniquement, […] économiquement et commercialement. Nous sommes donc dans une situation qui correspond à ce que d’un point de vue juridique, on appelle, un ‘état d’urgence’ ».[4]

Cet état d’urgence écologique recouvre les dimensions sociales, économiques, techniques et environnementales d’un système que l’élite politique avec le concours des médias dominants a décidé de passer sous silence. Et F. Lordon[5] d’analyser et dénoncer avec brio l’articulation du « politique post-vérité » et du « journalisme post-politique », ou la misère de la pensée éditorialiste, avec pour symbole le culte du fact-checking et « le spasme de dégoût que suscite immanquablement le mot d’idéologie ». Car le paroxysme de la réalité comme argument choc, la bataille des chiffres de fonctionnaires à limoger, l’obsession monomaniaque pour les « faits » que l’on nous fait croire lavés de toute (mauvaise) intention, tend à voiler le « temps de l’idéologie, c’est-à-dire le temps des choix, le désir d’en finir avec toutes ces absurdes discussions ignorantes de la ‘réalité’ dont il nous est enjoint de comprendre qu’elle ne changera pas. » Amener l’écologie politique sur la table, forcer journalistes et partis politiques traditionnels à laisser la place à ceux qui revendiquent, non pas de négocier des variables d’ajustements internes au système mais d’en changer le cadre par une transition forte, sera assurément la première étape d’une considération de l’urgence écologique qui nous mène à la ruine.

Crédits : @adege. Libre pour usage commercial. Pas d’attribution requise. https://pixabay.com/fr/centrale-nucl%C3%A9aire-de-l-%C3%A9nergie-2485746/

[1] “D’Ivan Illich aux nanotechnologies, prévenir la catastrophe ?”, entretien de Jean-Pierre Dupuy par O. Mongin, M. Padis et N. Lempereur, 2007 (http://www.esprit.presse.fr/article/dupuy-jean-pierre/d-ivan-illich-aux-nanotechnologies-prevenir-la-catastrophe-entretien-13958)

[2] “Comment Wauquiez fait la chasse au bio et aux écolos”, L’Obs, novembre 2016 (http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20161122.OBS1574/auvergne-rhone-alpes-comment-wauquiez-fait-la-chasse-au-bio-et-aux-ecolos.html)

[3] “Fillon et Juppé : deux programmes contre l’écologie”, Reporterre, 22 novembre 2016 (https://reporterre.net/Fillon-et-Juppe-deux-programmes-contre-l-ecologie)

[4] La violence, oui ou non : une discussion nécessaire, Günther Anders, 2014.

[5] “Politique post-vérité ou journalisme post-politique”, Frédéric Lordon, 22 novembre 2016, Le Monde Diplomatique (http://blog.mondediplo.net/2016-11-22-Politique-post-vérite-ou-journalisme-post)