Pourquoi Macron risque d’achopper sur l’Europe [vidéo]

Crédits : SciencesPo
Macron à Sciences Po pour un débat sur l’Europe. Crédits non nécessaires

En ce jour de “fête de l’Europe” (oui, il y a une fête de l’Europe. Pourquoi pas : il y a bien une Journée mondiale de la scie sauteuse…), voici un court entretien vidéo – 12 minutes environ – avec l’économiste et professeur de finances Steve Ohana. Auteur en 2013 d’un ouvrage intitulé Désobéir pour sauver l’Europe (Max Milo), il est interrogé ici par Coralie Delaume pour la web télé du blog L’arène nue, désormais associé à LVSL. L’économiste effectue un tour d’horizon de la situation en zone euro, notamment en Grèce et en Italie, de l’inanité de la politique de l’offre telle qu’elle est prévue dans le programme électoral d’Emmanuel Macron, et revient en fin d’entretien sur la question du Brexit.

 

 

 

 

Comment le système médiatique a poussé les électeurs à choisir entre la peste et le choléra

Les urnes ont tranché. Ce sera la France en marche contre la France bleu marine. Si l’on excepte les soupçons anecdotiques de fraude qui pèsent ici et là, c’est tout à fait démocratiquement qu’ont été sélectionnés les deux finalistes. Dans un pays où les citoyens passent en moyenne quatre heures par jour devant leur télévision, il n’est cependant pas interdit de s’interroger sur le rôle qu’a joué le système médiatique dans l’issue du scrutin. 


Le cas Macron

Les grands médias se sont plus à dépeindre l’arrivée d’Emmanuel Macron au second tour comme une victoire arrachée de haute lutte. Parti de rien, le mouvement initié par l’ex-ministre serait arrivé en première position le 21 avril à l’issue d’une “incroyable campagne”, soutenu par une population enthousiaste en quête de renouveau, désireuse d’entreprendre sans être entravée par ce maudit Code du Travail et de fonder des “start-up” à n’en plus finir.

Le soutien massif des grands patrons de presse à la campagne de Macron, bien entendu, n’est pour rien dans son succès.

Le fait que Vincent Bolloré, dixième fortune française et actionnaire majoritaire de Canal+, ait apporté un soutien enthousiaste à Emmanuel Macron, n’a eu, bien entendu, aucune incidence sur la victoire de celui-ci. Les 30% de temps d’antenne dont a bénéficié Emmanuel Macron sur Canal+ (dont l’audience dépasse régulièrement le million de téléspectateurs) du 1er mars au 21 avril 2017, n’est, en aucun cas, un élément qui permette d’expliquer le succès de la campagne d’En Marche.

Pas plus que celui de Pierre Bergé l’un des principaux actionnaires du journal Le Monde (entre autres) ou encore celui de Bernard Arnault, première fortune française, onzième mondiale et propriétaire du Parisien et des Echos.

Macron, deuxième candidat le plus pauvre ?

Passons sur le ridicule qu’a pu prendre la surmédiatisation des moindres faits et gestes d’Emmanuel Macron par la grande presse. Celle-ci a moins contribué à sa victoire en faisant sa publicité qu’en passant sous silence certaines affaires qui auraient pu lui coûter cher en terme électoraux. L’estimation de son patrimoine personnel à 35.000€ en 2017, par exemple, après avoir gagné deux millions d’euros à la Banque Rothschild, qu’il a quitté en 2014; ce qui supposerait que Macron a dépensé un Smic par jour pendant trois ans… Une estimation aussi étonnante aurait du susciter, du moins la perplexité, sinon la curiosité de la grande presse; mais questionner l’intégrité du protégé de la onzième fortune mondiale n’est pas de l’ordre de l’envisageable dans les grands quotidiens ou sur les ondes des chaînes privées.

Marine le Pen: le diable de confort

Le rapport du système médiatique au Front National est bien plus ambigu qu’il n’y paraît. En apparence, les choses sont claires : le Front National s’en prend aux “journalistes du système” et les “journalistes du système” s’attaquent violemment au Front National. Cette analyse prend du plomb dans l’aile si on prend en compte le temps d’audience dévolu aux représentants du Front National. Florian Philippot décroche le record d’invitations aux matinales des émissions de radio lors des élections européennes, puis en 2014 et 2015.

Durant la semaine qui a clôturé le mois de février 2017, c’est Marine le Pen qui a bénéficié du temps d’antenne le plus long après Emmanuel Macron.

De quoi relativiser la posture “anti-système” du Front National. En réalité, le Front National est la béquille indispensable du système médiatico-politique, son pôle négatif sans lequel il ne pourrait exister. La surmédiatisation du Front National permet d’assimiler toute proposition contestataire à une idée d’extrême-droite. Pour reprendre la terminologie du secrétaire national du PS Jean-Christophe Cambadélis, l’un des idéologues du consensus néolibéral dominant, le monde politique serait fracturé entre les “progressistes” d’un côté, et les “nationaux-populistes” de l’autre.

La défense de la souveraineté populaire face à la mondialisation capitaliste, la sortie de l’euro ou la critique populiste de la classe dominante seraient ainsi des idées d’extrême-droite.

Sans le moindre esprit critique, le monde médiatique a ainsi avalisé le soit-disant tournant social du Front National (qui date de 2008). Double bénéfice : le Front National devient l’alternative populiste officielle au système néolibéral ; une aubaine pour ses partisans, car le candidat qui est porté au second tour face au Front National est assuré de l’emporter. D’un autre côté, cette opération de communication permet aux éditorialistes d’effectuer un parallèle incessant entre la France Insoumise et le Front National, réunis sous la même étiquette “populiste”.

 

Jean-Luc Mélenchon: le retour de l’homme au couteau entre les dents

Le ton de la presse s’est considérablement durci à l’égard de Jean-Luc Mélenchon lorsqu’il s’est envolé dans les sondages. Le Figaro, qui saluait le “talent”, la “culture” et le “courage” du candidat lorsqu’il stagnait autour de 13% dans les sondages, s’est fendu d’un éditorial en forme de tract des années 30 intitulé “Maximilien Ilitch Mélenchon” (en référence à Maximilien Robespierre et Vladimir Ilich Oulianov, “Lénine”) pour assimiler le candidat de la France Insoumise aux partisans du système soviétique lorsqu’il s’est mis à talonner François Fillon.

La percée de Jean-Luc Mélenchon était clairement inacceptable pour les éditorialistes qui escomptaient un Front National au second tour pour faire gagner son concurrent libéral. À deux semaines du premier tour, Patrick Cohen a déclenché une polémique sur un point du programme de la France Insoumise : l’intégration de la France dans l’ALBA, alliance altermondialiste fondée par Hugo Chavez et Fidel Castro. Cette polémique, qui a duré plusieurs jours, a permis aux éditorialistes de repeindre Jean-Luc Mélenchon en partisan d’une “tyrannie révolutionnaire” et de parasiter sa campagne au moment où elle commençait à prendre son envol. Les mêmes éditorialistes se sont faits beaucoup plus discrets sur les liens, autrement plus compromettants, d’Emmanuel Macron avec les monarchies du Golfe. Celui-ci avait en effet avalisé et soutenu un contrat signé sous la présidence de F.Hollande qui prévoyait la vente de 10 milliards de dollars d’armes à l’Arabie Saoudite. Visiblement, si un régime “tyrannique” n’est pas “révolutionnaire”, s’il ne commet pas le crime de résister à l’hégémonie occidentale et de redistribuer ses richesses en faveur des plus pauvres, il n’a rien de condamnable. 

Assez curieusement, aucun média n’a songé à publier un éditorial intitulé “Bandar al-Macron”…

Le règne du consensus libéral comme seul horizon

L’idéologie qui domine au sein du système médiatique est celle qui s’est imposée comme une évidence dans les sphères dirigeantes depuis la Chute du Mur de Berlin, c’est-à-dire le néolibéralisme. Aux yeux des néolibéraux, le marché est le principe régulateur de la société, et tout ce qui se met en travers de sa domination totale doit être écarté. Les métaphores filées qu’affectionne Emmanuel Macron sur le thème du mouvement (“libérer les énergies”, “mettre fin aux entraves qui  paralysent notre société”, “mettre la France en marche”) sont autant de manières d’exprimer la nécessité de faire sauter les structures qui mettent un frein à l’emprise totale du marché sur la vie des individus et de la société (le Code du Travail, la sécurité sociale…) ; raison pour laquelle cette rhétorique a rencontré un tel écho au sein du système médiatique.

Conséquence de ce principe : la promotion illimitée de la “liberté” de l’individu, au sens où l’entendent les partisans du néolibéralisme, c’est-à-dire la liberté d’entreprendre, de travailler ou de consommer. Le libéralisme, parce qu’il promeut la liberté du marché, promeut aussi celle de ses agents économiques. Comme entrepreneur, l’individu doit être “libre” de fonder son entreprise et de la diriger comme il l’entend. Comme travailleur, il doit être “libre” de travailler sans ces restrictions gênantes que sont les 35 heures ou autres entraves que l’on trouve dans le Code du travail. Comme consommateur enfin, il doit être “libre” de consommer sans frein, à l’abri de toutes formes de contraintes. L’auto-entrepreneur, le travailleur méritant et le consommateur heureux sont ainsi élevés au rang d’idéal anthropologique par l’idéologie dominante. Le but de la vie de l’individu est de fonder une start-up, devenir un travailleur indépendant ou chercher à devenir milliardaire.

On comprend que tout programme qui ne mette pas en avant la liberté illimitée de l’individu soit immédiatement disqualifié au sein de la sphère médiatique. La collectivité, la société, le peuple ou la nation sont des concepts abstraits et artificiels aux yeux des néolibéraux; à leurs yeux, seul l’individu existe. Tout projet collectif sera donc stigmatisé comme “collectiviste” ; la référence au peuple sera qualifiée de “populiste” ; toute analyse qui considère la société comme un tout sera rejetée comme “totalitaire”.

Le rôle de l’individu est de travailler, de produire et de consommer pour son profit personnel ; certainement pas de contribuer à une aventure collective au sein d’une entité qui l’excède comme la société, le peuple ou la nation. La politisation de l’individu est donc aux yeux des néolibéraux la dernière des monstruosités : c’est un défi lancé à sa destinée naturelle, celle qui consiste à devenir un consommateur satisfait et un travailleur docile. On comprend donc que le projet de la France Insoumise par exemple, qui consiste à réécrire la Constitution dans le but d’impliquer quotidiennement les citoyens dans la vie de la cité, ait été si violemment rejeté par la grande presse; il poussait au crime suprême: inciter les individus à quitter leur statut de consommateurs pour devenir citoyens.

La peste ou le choléra ?

Cet individualisme exacerbé prôné par le système médiatique et incarné de manière caricaturale par le mouvement d’Emmanuel Macron a été accueilli d’une manière, sinon hostile, du moins peu enthousiaste par la population. Il contredit de manière flagrante l’idéal républicain en promouvant la lutte de tous contre tous. Deux mouvements présidentiables ont mis en avant leur volonté (réelle ou de façade) de résister à cette casse néolibérale pendant cette élection : le Front National et la France Insoumise. Le temps d’antenne dévolu à chacun (26.000 minutes du 1er février 2017 au 21 avril pour Marine le Pen contre 17.000 pour Jean-Luc Mélenchon) a nettement favorisé le Front National. Une sous-médiatisation qui a coûté cher au candidat de la France Insoumise. Une étude de Marianne a tâché d’établir quel candidat était le plus convaincant, en comparant le nombre de voix obtenues le 21 avril au temps de parole des candidats. C’est Jean-Luc Mélenchon qui, selon ces critères, est le candidat le plus convaincant puisqu’il a obtenu 668 voix par minutes, contre 517 pour Marine le Pen. Cette étude permet aux auteurs de l’article d’écrire qu’à “temps de parole égal, le second tour aurait pu opposer Mélenchon à Macron”.

De gauche à droite: le temps d’antenne des candidats, du 1er février au 21 avril. Le nombre de voix qu’ils ont gagné par minute d’exposition médiatique.

Quel que soit le crédit que l’on accorde à cette étude, un fait semble difficile à contester : le Front National, étant largement plus médiatisé que la France Insoumise, a fini par être considéré comme l’alternative la plus solide au système néolibéral par l’électorat protestataire, même s’il était jugé moins convaincant par les électeurs; c’est donc ce mouvement qui a été porté au second tour et non la France Insoumise. Une issue qui réjouit le éditorialistes de la grande presse : face à un Front National limité par un plafond de verre et qui suscite un réflexe de “front républicain”, leur poulain est sûr de l’emporter. Jusqu’à la prochaine élection ?

 

Crédits :

  • https://www.marianne.net/culture/la-liste-noire-de-lactionnaire-totalitaire-vincent-bollore-canal
  • https://lvsl.fr/macron-le-nanti-systeme
  • https://lvsl.fr/front-national-parti-anti-systeme-propulse-medias
  • https://lvsl.fr/quand-macron-soutient-vente-armes-arabie-saoudite

R.I.P. – L’écologie, grand perdant du débat d’entre-deux-tours

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Pas de crédit. Creative commons

Le grand débat d’entre deux tours aura au moins eu le mérite de clarifier les choses pour les écolos qui pensaient trouver en la personne d’Emmanuel Macron une bouée de sauvetage, un kit de survie minimal face aux crises environnementales et face à la pseudo-écologie rétrograde du Front National. Pas un mot, pas une proposition, pas un geste pour les électeurs de Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon ; un seul mot d’ordre, tacitement accepté par les deux protagonistes : l’écologie, ça commence à bien faire.

Certes, on ne peut pas parler de tout en deux heures et demie; mais ce n’est pas un prétexte pour ne parler de rien la plupart de temps, et que Le Pen ait voulu en découdre bien salement n’empêchait pas son technocrate d’adversaire d’essayer de parler un peu du fond, plutôt que de se faire courtoisement piétiner. Certes, bien d’autres thèmes essentiels (culture, enseignement supérieur et recherche, défense, logement…) sont purement et simplement passés à la trappe. Mais était-ce si difficile d’essayer d’en placer une sur la transition énergétique, le nucléaire, les pesticides, le modèle alimentaire, la bio, les filières courtes ? Macron, faisant preuve d’un rare sens du ridicule, ne pouvait s’empêcher de qualifier chaque sujet de “priorité”. L’écologie n’en est visiblement pas une.

Il a longuement été question de l’Europe. De transposition de normes, d’Europe “qui protège”. Contre des migrants, des terroristes, ça on avait compris. Et contre le glyphosate ? Contre les perturbateurs endocriniens, dont un éditorialiste avait dénoncé, quelques jours avant le premier tour, le fait qu’ils avaient “perturbé” le débat électoral (mais quel humour !) ? Et de cette Europe qui empêche les États de contraindre les géants de l’agroalimentaire à adopter l’étiquetage nutritionnel, dont l’une des vertus serait de mettre au pilori les seigneurs de l’huile de palme ? De cette Europe qui fait obstacle à toute forme de protectionnisme écologique ? De cette Europe-là, bien sûr, il n’a pas été question.

Un point de détail de la vie des Français, comme dirait l’autre (agirpourlenvironnement.org)

Il a été question d’emploi. Le Grand Marcheur, d’ordinaire si prompt à nous régaler de promesses d’emploi liés au numérique, s’est abstenu d’évoquer les emplois liés à la transition énergétique, à la rénovation thermique des logements (il est vrai que les “passoires énergétiques” sont rarement habitées par des banquiers d’affaires…), au développement de l’agro-écologie, de la permaculture, des recycleries. Pas un mot non plus sur les récentes crises agricoles : il va donc falloir s’attendre à des mesures-sparadraps d’urgence, pour accompagner la fuite en avant d’un modèle productiviste, aux ravages économiques, sociaux et environnementaux sans nombre.

Il a bien sûr été question de migrations. Mais pas des migrations climatiques, alors qu’elles concernent 250 millions d’hommes, de femmes et d’enfants d’ici 2050 (selon l’ONU), et déjà plus de 83 millions entre 2011 et 2014. Des “déplacés” qui n’ont pas encore de statut unifié au niveau du droit international. À croire que le changement d’échelle est tellement important qu’il en devient aveuglant.

Bilan des migrations climatiques en 2012 (d’après le rapport “Global Estimates 2012”, de l’International Displacement Monitoring Centre et du Norwegian Refugee Council)

Il a été question d’école, de savoirs fondamentaux, de lecture et d’écriture, mais pas du rôle clé qu’elle peut jouer dans la prévention et la sensibilisation au gaspillage, à l’éco-responsabilité en matière d’alimentation, de manière à la fois ludique et exigeante. Il a été question de santé : pas des milliers de victimes des particules fines, mais plutôt de montures de lunettes (sujet, il est vrai, autrement plus important !). Il a été question d’espérance de vie : pas de l’espérance de vie en bonne santé, qui baisse depuis deux ans, notamment en raison de l’explosion des maladies chroniques, de la hausse des cancers infantiles, fortement corrélés à des facteurs environnementaux. Il a été question d’atlantisme. Pas des négociations avec Trump à propos du massacre environnemental délirant dont il est l’auteur cynique, des mesures à prendre pour l’empêcher de traîner dans la boue, avec sa glorieuse “nouvelle révolution énergétique”, les engagements (même superficiels) pris au moment de la COP21, en matière de réduction des émissions de GES, de protection des espaces marins, compte-tenu de l’effet que peuvent avoir sur les pays émergents des mesures courageuses prises par les acteurs historiques du dérèglement climatique.

Sale temps pour les écologistes, donc. Alors même que le dernier scénario néga-Watt, ou le rapport “Pour une agriculture innovante à impacts positifs” de Fermes d’avenir confirment l’urgence et la crédibilité d’une vraie transition, pas d’un bricolage en carton-pâte. Le message est clair : la start-up Macron et la PME Le Pen n’ont pas, dans leur feuille de route, de stratégie à l’échelle de la civilisation humaine. D’autres devront assumer cette tâche.

Tribune : Le changement, ce n’est pas maintenant

Raphaëlle Martinez, candidate dans la 5e circonscription du Val de Marne.

Raphaëlle Martinez est candidate pour La France Insoumise dans la 5ème circonscription du Val de Marne. Elle prend ici la parole pour expliquer son choix de vote au second tour.

Le monde que nous voulons pour demain, nous le connaissons. Nous le rêvons, l’imaginons et tentons tant bien que mal de le construire. Un monde avec plus de justice sociale, plus de démocratie, moins d’inégalités de genre, d’orientation sexuelle ou d’origine, un air et des terres moins polluées, plus aucun danger nucléaire ou belliqueux, bref au monde où chacun serait en sécurité, écouté et respecté.

Au vu des candidats présents au second tour, cela va être (encore) plus compliqué que prévu. Les rêveurs s’en sont pris un coup. J’en ai pris un gros moi-même. Mais le moment est venu de se relever. J’ai ainsi décidé de partager avec vous ma réflexion et ma décision pour le 7 mai prochain.

Pour commencer, deux désintox : 

  • Quel que soit le niveau d’abstention ou de vote blanc, l’élection ne sera pas annulée
  • Le FN n’a pas perdu d’avance

Ainsi, 2 issues sont possibles au scrutin du 7 mai prochain : 

Marine Le Pen au pouvoir. Certains disent qu’elle ne fera rien. D’autres qu’elle fera le pire. Quoi qu’il en soit, la Ve République confèrera à Marine Le Pen et à plusieurs éléments dangereux du Front National des pouvoirs extrêmement importants. Dans l’état actuel de notre constitution, ceci serait réellement inquiétant.

Le FN n’a pas changé, malgré la réussite incontestable de sa stratégie de dédiabolisation notamment avec sa vitrine sociale et progressiste pourtant en totale incohérence avec sa prise de position au Parlement Européen. Réussite également facilitée par de nombreux grands médias qui allaient jusqu’à comparer à des heures de grande antenne le programme de Marine Le Pen à celui de la France Insoumise. On en finirait par oublier que le Front National, c’est la fin de la scolarité pour les enfants étrangers, la fin du droit du sol, la fin de la cantine gratuite pour les élèves les plus pauvres comme ils l’ont déjà entrepris au Pontet (Vaucluse). Le Front National c’est la fermeture des plannings familiaux, l’abrogation du mariage pour tous, la coupure des subventions aux associations LGBT+.

Durant le quinquennat Hollande, de nombreuses dérives policières ont eu lieu. Le meurtre d’Adama, le viol de Théo. Nos chers amis socialistes ont fait passer une loi assouplissant les cas autorisant les forces de l’ordre à tirer à balles réelles, l’élargissant au-delà de la légitime défense. Ils connaissaient alors le risque que le Front National arrive au pouvoir quelques mois après.

Enfin, l’article 16 de notre constitution actuelle permet d’instaurer légalement une quasi-dictature en accordant les pleins pouvoirs sans limite de durée. François Hollande voulait réformer cet article de la constitution, il ne l’a pas fait. Le gouvernement Le Pen n’hésitera pas à user de cet article, dédié aux «situations exceptionnelles», en instrumentalisant le premier acte terroriste du quinquennat, et ainsi s’octroyer les pleins pouvoirs, à elle et sa bande d’azimutés.

La Ve République ne permet ainsi pas dans l’état actuel des choses de protéger la démocratie.

Emmanuel Macron au pouvoir. Nous savons exactement ce qui nous attend, un deuxième quinquennat Hollande. Nous ne nous faisons pas d’illusions. Macron détricotera le code du travail et toutes nos avancées sociales sans pitié par ordonnances pendant les vacances d’été. Une super-loi El Khomri. Cependant, le quinquennat calamiteux que nous venons de vivre nous a permis de nous organiser, de développer nos idées, de prendre de l’ampleur et a permis à la France Insoumise de s’imposer de manière évidente comme première force de gauche. Ce quinquennat a permis d’éveiller les consciences en ayant de parfaits exemples de ce que les citoyens ne veulent plus. Il a également permis au FN de se développer. Certes. Mais nous l’avons combattu, tenté de le contenir. Nombre d’électeurs du FN sont des dégoûtés du système politique actuel, c’est un vote contestataire. À nous de continuer notre travail de démystification le FN, continuons de montrer que cette image sociale n’est qu’une vitrine, qu’ils votent le contraire au Parlement Européen et à l’Assemblée, et surtout, surtout, à nous de continuer à combattre le racisme et l’homophobie. Continuons de porter avec fierté notre triangle rouge.

Nous connaissons les responsables de cette situation calamiteuse, un deuxième tour avec un Front National aussi fort et dédiabolisé au portes du pouvoir où on leur donnerait des clefs loin d’être démocratiques. Nous avons tout fait pour que cela n’arrive pas. Maintenant, il est de notre devoir de continuer à protéger notre pays.

La Ve République n’est pas démocratique. Nous le savons. Alors ne laissons pas l’extrême droite arriver au pouvoir dans ce contexte. Le changement, pas maintenant. Laissons les clefs de l’Elysée aux néolibéraux pour encore 5 ans plutôt que de couper tout espoir d’un avenir en commun.

Je voterai pour le néolibéral Emmanuel Macron, pour que nous ne nous éloignions pas des jours heureux qui arrivent doucement mais sûrement avec l’éveil des consciences qui se propage. Soyons positifs et continuons de construire notre avenir. Protégeons le semblant de fragile démocratie que nous avons actuellement afin de pouvoir en établir une vraie au plus vite, et que cette situation indigne de prise en otage des électeurs ne se reproduise plus jamais. Protégeons également notre unité en respectant les choix de chacun. Je vote Macron, tu votes blanc, il s’abstient. Restons unis et tournés vers l’avenir.

La victoire du transformisme et la défaite des classes populaires

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© Création/Édition LHB pour LVSL (2017)

François Hollande fera donc un second mandat. Son « fils », Emmanuel Macron, est en tête du premier tour, et le FN est beaucoup trop bas pour pouvoir espérer enclencher une dynamique suffisamment puissante pour prendre le pouvoir. Il est donc vraisemblable – sauf accident majeur – qu’Emmanuel Macron soit élu le soir du second tour des élections présidentielles. Cette victoire est celle d’un opportunisme politique très à la mode en Italie, qu’on appelle gentiment « transformisme » dans le pays de Dante.

« Tout changer pour que rien ne change »

Les amateurs de cinéma italien connaissent la fameuse formule du Guépard, réalisé par Luchino Visconti, qui met en scène le processus d’unification de l’Italie par le haut. Ce processus a conduit à un grand toilettage des élites italiennes, sans pour autant remettre en cause leurs privilèges. Nous assistons exactement au même phénomène. Les élites libérales du pays ont fait le constat d’un discrédit insurmontable sur le PS et LR. Elles opèrent donc un vaste mouvement de recomposition et de « renouvellement », incarné par Emmanuel Macron.

Les deux partis qui ont structuré la vie de la Vème République sont entrés dans un mouvement de destruction partielle et de recomposition, tout en se délestant de leurs éléments contestataires. Si le PS est d’ores et déjà une coquille vide et que beaucoup de ses élus sont passés chez Macron, le mouvement s’est aussi initié chez LR, ainsi que le montrent les multiples appels d’hier soir à « construire une majorité avec Emmanuel Macron ». La majeure partie du PS et l’aile centriste des Républicains commencent une opération de rapprochement, sur le modèle des « grandes coalitions » qu’on connaît dans le reste de l’Europe. Plus aucune barrière idéologique ne s’oppose à une telle fusion tant nous avons assisté à un phénomène de convergence politique autour du consensus néolibéral. L’orthodoxie comptable est donc en marche, et va conduire à une recomposition politique.

Quand les sociaux-libéraux sauvent leur peau

Il faut avouer que le coup était difficile à réaliser. Malgré leur grande impopularité, les restes du pouvoir socialiste vont pouvoir se recycler chez Emmanuel Macron, et un certain nombre de députés vont pouvoir sauver leur siège grâce au changement d’étiquette, celle du PS étant devenue un boulet. Quant à François Hollande, il a probablement gagné un poste européen majeur – vraisemblablement la présidence du conseil européen -, ce qui lui permettra de sortir par le haut, alors que son quinquennat a été une catastrophe de bout en bout.

Il aura néanmoins fallu un matraquage médiatique considérable pour mettre en scène Macron comme incarnant une forme de renouveau, et surtout, la mise à mort politique de Fillon par un feuilleton politico-médiatique interminable. Mais c’est un « one shot », un coup à un tir, car il ne sera plus possible de sortir la carte de la jeunesse et de la carrière hors des partis.

Le chant du cygne d’une époque

Le programme d’Emmanuel Macron est, dans l’esprit, exactement le même que celui de François Hollande. Il faut « réformer », pour « détruire les rigidités », afin de « libérer la croissance ». Entendez flexibilisation du rapport salarial, marchandisation généralisée et intensification du degré de concurrence dans l’économie. Tout ceci sera probablement saupoudré d’une nouvelle baisse de « charges » inefficace, sur le modèle du CICE, afin de « libérer les entreprises » pour qu’elles « créent des emplois ». Bref, tout ce qui ne marche pas depuis 30 ans. Les mêmes politiques, dans le contexte français, produiront les mêmes effets. Cela sera d’autant plus le cas que le projet de réorientation de l’Europe d’Emmanuel Macron est aussi crédible que celui de François Hollande, alors que les déséquilibres s’accroissent et que la construction européenne bénéficie toujours plus à l’Allemagne au détriment des pays du Sud.

Il ne faudra alors pas s’étonner que les fractures françaises s’approfondissent, que la précarisation des salariés s’approfondisse toujours plus, et qu’inévitablement, la contestation du système en place s’amplifie, qu’elle prenne une forme de gauche avec Jean-Luc Mélenchon (et, dans une moindre mesure, Benoît Hamon), ou une forme d’extrême-droite avec le Front National. Car, en effet, ce qui n’a pas été relevé, c’est que les partis en place ont fait un score historiquement bas.

La montée des radicalités

S’il y a un enseignement à retenir de ce scrutin, c’est que les partis « de gouvernement » totalisent un score très bas, seulement 44% si l’on prend le score de Macron et celui de Fillon, 50% si l’on y ajoute celui de Benoît Hamon, le candidat du PS. Il n’y a donc pas de quoi pavoiser, c’est un sauvetage in extremis qui a eu lieu, et non une réelle conquête électorale.

Il y a par ailleurs un fait nouveau, le FN n’est plus hégémonique dans la contestation, même s’il reste devant. Le très haut score de Jean-Luc Mélenchon, loin devant le candidat du PS, est peut-être le signe annonciateur d’un puissant bloc populiste de gauche, tout comme l’est Podemos en Espagne. Le vote des jeunes et des chômeurs (respectivement 30% et 31%) qui, dans un contexte de chômage de masse, ont beaucoup de difficultés à obtenir un emploi, est impressionnant, tout autant que l’est le faible score du tribun chez les retraités, notamment ceux qui ont eu le temps d’accumuler du patrimoine (12%). De même, le candidat de La France Insoumise a vraisembablement fait concurrence au FN chez les ouvriers, qui ont voté à 23% pour lui, et à 37% pour Marine Le Pen, alors que celle-ci était annoncée à des niveaux bien supérieurs. Bref, Jean-Luc Mélenchon a réussi a s’implanter de nouveau dans les classes populaires, alors que la gauche reculait systématiquement ces dernières années en leur sein.

Néanmoins, les élections législatives seront cruciales et risquées pour La France Insoumise, car la campagne tribunicienne de Jean-Luc Mélenchon implique une forte déperdition des voix entre les deux élections, étant donnée la prime accordée au gagnant de la présidentielle. Cependant, si le mouvement obtient des députés et se structure, on pourrait alors voir le paysage à gauche être profondément remodelé, avec l’émergence d’une puissante force post-marxiste, mais non pour autant social-démocrate.

La collusion entre les forces libérales pourrait ainsi conduire à une augmentation de la polarisation politique, qui s’opérerait à terme au détriment du bloc centriste, et aux bénéfices combinés du FN et du mouvement en gestation à gauche. L’intensité de la recomposition à venir dépendra donc du nombre de députés de ces mouvements contestataires. De leur nombre dépendra leur structuration et leur capacité à produire des cadres crédibles. La présidentielle n’est plus un enjeu, tout se jouera aux législatives.

Macron, le nanti-système

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©Jeso Carneiro

Lui président ? Ok, mais en toute connaissance de cause alors. Emmanuel Macron est devenu en l’espace de quelques mois à peine l’un des favoris dans la course à l’Elysée. Anti-système, ni de gauche, ni de droite, son profil fourre-tout est on ne peut plus flou. Pourtant, l’ancien Ministre de l’Economie est l’incarnation la plus aboutie de ce que peut proposer le “système” politico-économico-médiatique. Décryptage d’une fable moderne en 10 points :

  1. Un CV en or ?
  2. Le tournant de la Commission Attali
  3. De l’art du réseautage
  4. Un ultra-libéral au Parti Socialiste
  5. Les années du pouvoir
  6. Un projet extrêmement clair
  7. Fossoyeur du patrimoine économique français
  8. Macron a.k.a Frankenstein 2.0
  9. En Marche, auberge espagnole du 3e âge
  10. Les affaires, quelles affaires ?

Un CV en or ?

Emmanuel Macron vient d’Amiens où il est scolarisé au Lycée privé catholique La Providence. En 1ère, il y rencontre sa future femme Brigitte, alors sa prof de français et de théâtre, de 24 ans son aînée. Suivent Henri IV et un DEA de philo à Paris-X, avant d’être diplômé de Science-Po Paris (2001) et de l’ENA (en 2004, seule promotion dont on ne connait pas le classement, invalidé par le Conseil d’Etat pour favoritisme).

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Emmanuel Macron, étudiant au parcours exceptionnel, esprit brillant au CV vertigineux voilà une première création médiatique, bien pratique quand on se présente à un poste de très grande responsabilité.

En effet, quelques zones d’ombre existent sur ce parcours de jeunesse. Macron est souvent présenté comme Normalien. C’est faux. Il a en fait raté deux fois l’écrit du concours d’entrée. Il n’existe pas non plus de trace du mémoire de philosophie qu’il prétend avoir soutenu auprès d’Etienne Balibar. Ce dernier a même déclaré “n’avoir aucun souvenir de son travail”… Ensuite, son poste d’assistant du philosophe Paul Ricoeur, régulièrement évoqué, est qualifié “d’abus de langage souvent repris par les médias” par Mme Revault d’Allones, membre du Fonds Ricoeur. En fait, Macron a aidé Ricoeur pour le livre La mémoire, l’Histoire et l’oubli, essentiellement pour du référencement et de la correction. Pas de quoi flamber.

Le tournant de la “Commission Attali”

Inspecteur des Finances à sa sortie de l’ENA, en 2004, Macron est pris en sympathie par le n°1 de l’institution, Jean-Pierre Jouyet. Aujourd’hui Secrétaire Général de l’Elysée, Jouyet fut, entre autres, Secrétaire d’Etat aux Affaires Européennes, Président de la filiale française de la Barclays Bank, Président de l’Autorité des Marchés Financiers, de la Caisse des Dépôts ou de la Banque Publique d’Investissement. Indécent mélange.

Trois ans plus tard, en 2007, Nicolas Sarkozy met sur pied la “Commission pour la Libération de la Croissance Française” (sic), plus connue sous le nom de Commission Attali. L’ancien sherpa de François Mitterand monte une équipe trans-courants politiques composée de 43 membres, tous libéraux (avocats d’affaires, universitaires, hauts fonctionnaires, PDGs et banquiers).

Attali place Macron au poste de rapporteur de cette commission suite à l’entremise de Jouyet. C’est LE tournant dans le parcours d’Emmanuel Macron. “Un accélérateur de carrière extraordinaire”, dira lui-même Jacques Attali.

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En septembre 2008, il se met en disponibilité de l’Inspection des Finances et intègre la Banque d’Affaires Rotschild & Co, recommandé par… Jacques Attali, encore, et Serge Weinberg (énarque, Président du Fonds d’investissement portant son nom et Président du CA d’Accor). Dès 2010, il est promu associé chez Rotschild et doit quitter la Commission Attali. Il y est réintégré par décret en tant que simple membre.

La même année, il joue le rôle très discutable d’agent-double d’Alain Minc dans le processus de rachat du journal Le Monde par le trio Niel-Bergé-Pigasse, comme le montre la vidéo ci-dessous  :

https://www.facebook.com/StreetVoxByStreetPress/videos/1837488556532672/

De l’art du réseautage

En 2012, Macron réalise ses plus gros coups pour Rotschild. D’abord en conseillant Philippe Tillous-Borde, DG de Sofiprotéol et… membre de la Commission Attali, pour prendre 41% des parts du groupe Lesieur Cristal (une transaction qui se situe dans le monde agro-industriel). Ensuite, en facilitant le rachat de la filiale “alimentation” de Pfizer par Nestlé, à hauteur de 9 milliards d’euros. Un deal qui vaudra à Macron une promotion comme gérant dans sa banque et un joli chèque de 2,4 millions. On notera au passage que Peter Brabeck-Letmathe, PDG de Nestlé est également membre de… la Commission Attali. Quelle surprise !

La machine Macron est En Marche 😉 Tous les réseaux de pouvoir s’ouvrent à lui. En 2012, il est ainsi adoubé par les élites mondiales en devenant Young Leader de la bien nommée FAF (French American Foundation). En 2014, il est invité à la réunion ultra-VIP du Bildeberg à Copenhague. En 2016, c’est la cerise sur le gâteau au Forum Economique Mondial de Davos. Le Figaro écrit que son titre de Young Global Leader le désigne comme l’un des “121 maîtres du monde de moins de 40 ans”.

Un ultra-libéral au Parti Socialiste

En 2006, Jean-Pierre Jouyet fait les présentations entre Emmanuel Macron et François Hollande. Dans la foulée, Macron adhère au PS et devient son conseiller économique pour la campagne des primaires 2007. A ce moment, le Premier Secrétaire du parti n’a aucune chance de briguer l’Elysée. Pour Macron, c’est le moyen de rentrer en politique auprès d’un éléphant socialiste et de se placer pour la députation dans la Somme, son département d’origine. Rejeté par les adhérents locaux, il rebondit en intégrant la désormais célèbre Commission Attali. Surement un mal pour un bien dans son parcours.

Ce petit monde de l’entre-soi est à l’image d’une toile d’araignée, se recoupant à tous les niveaux. C’est ainsi que Macron intègre par exemple “les Gracques”, think-tank né en 2007 et visant à l’union PS-UDF. Parmi les fondateurs ? Jean-Pierre Jouyet. Certains ont vu dans l’alliance avec Bayrou l’accomplissement de cette mission originelle. On retrouve beaucoup de “libéraux de gauche” parmi ses soutiens, membres des groupes Esprit, Terra Nova, Jean-Jaurès ou La Rotonde. Cette gauche désavouée par son propre électorat dès qu’elle se présente devant les urnes. Affaire à suivre.

Macron est à nouveau aux côtés d’Hollande en 2009, dès avant que l’affaire DSK n’éclate et ne le propulse en position de présidentiable. Tous les 15 jours, Macron fait passer des notes à Hollande, qui forgeront son programme économique. Elles sont rédigées par le trio Philippe Aghion-Elie Cohen-Gilbert Cette (La Rotonde). Le futur président valide tout en bloc sauf le “choc de compétitivité”, qui sera finalement intégré en cours de mandat. Dans le même temps, il drague l’électorat de gauche avec son discours du Bourget et son fameux “mon ennemi n’a pas de visage, c’est le monde de la finance”. Bla bla bla.

Les années du pouvoir

Devenu Secrétaire Général adjoint de l’Elysée après la victoire du “candidat normal”, Emmanuel Macron va beaucoup peser sur le quinquennat, d’abord dans l’ombre, puis dans la lumière. Rappelons ici quelques faits d’armes économiques de l’ère Hollande/Ayrault/Valls/Macron :

  • CICE (Crédit d’impôts pour la compétitivité et l’emploi) :  Cadeau fiscal de 13 milliards d’euros aux entreprises, par la baisse des cotisations, sans aucune contrepartie.
  • Pacte de Responsabilité et de Solidarité : modernisation de la fiscalité et augmentation du CICE, de 21 milliards en 2014 à 41 en 2017

Considérant que le gouvernement ne va pas assez loin dans les réformes, Macron quitte l’Elysée en juin 2014 pour se lancer dans des projets personnels. Grâce à l’influence de Minc, il obtient instantanément le titre de Senior Researh Fellow à la London School of Economics. Il décroche également un poste à Harvard, cette fois par l’entremise de Philippe Aghion. De l’importance d’avoir les bons amis.

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Seulement deux mois plus tard, il est bombardé Ministre de l’Economie à la place d’Arnaud Montebourg, au moment culminant de l’épisode des “frondeurs”. Reprennent alors les réformes libérales :

  • Loi sur la Croissance, l’Activité et l’Egalité des chances économiques ou “Loi Macron” : Déréglementation ou “Uberisation” de l’économie (travail du dimanche,  professions réglementées, transports avec les “cars Macron”, etc…). Loi passée en 2015 avec l’aide du 49-3.
  • Loi sur les Nouvelles Opportunités Economiques ou “Macron 2” : projet trop ambitieux pour Manuel Valls. Il est divisé en plusieurs parties, dont une tombe sur le bureau de la Ministre du Travail, Myriam El Khomri, ce qui donne…
  • Loi Travail ou “loi El Khomri”, assez connue pour ne pas être développée ici. Nouvel usage du 49-3.

Un projet extrêmement clair

Désormais candidat à la Présidentielle, Macron propose ni plus ni moins que de mettre en place les “recommandations sur 10 ans” qui sont sorties de la Commission Attali. Sans que ce soit dit aussi clairement, bien sûr.  Pêle-mêle :

  • Réduire le coût du travail
  • Ouvrir les professions réglementées à la concurrence
  • Laisser à tout salarié le choix de poursuivre une activité sans aucune limite d’âge
  • Renvoyer l’essentiel des décisions sociales à la négociation
  • Réduire la part des dépenses publiques à 1% du PIB
  • Baisse des cotisations sociales compensée par une hausse de la CSG et la TVA
  • Fin du système de retraite par répartition (fonds de pension “à la française”)
  • Réduction de la fiscalité qui pèse sur le secteur de la finance
  • Suppression des départements et réduction du nombre de communes
  • Suppression du principe de précaution…

Pour faire simple, le trio Macron-Attali-MEDEF propose exactement la politique libérale que la Commission Européenne impose aux Etats membres de l’Union Européenne à travers les GOPE (Grandes Orientations de Politiques Economiques). Contrairement aux autres candidats éligibles, qui ne parlent jamais de ce sujet, Macron pourra bien appliquer son programme s’il est élu.

Fossoyeur du patrimoine économique français

On sait ce que Macron prône, qu’il a déjà mis en place et qu’il compte accentuer s’il est Président. Au-delà des points déjà évoqués, il est également nécessaire de revenir sur son rôle dans plusieurs dossiers symboliques des dernières années et trop souvent passés sous silence :

  • Son rôle dans la vente d’Alstom, fleuron de l’industrie française (parfaitement résumé dans cette vidéo)
  • La vente de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, projet soutenu et défendu bec et ongles par Emmanuel Macron :49,9% des parts de la société de gestion de l’aéroport de Toulouse ont été vendues à Casil-Europe, un fonds d’investissement chinois. Avant la vente, la moitié des 5 millions de bénéfices de la structure étaient reversés sous forme de dividendes aux actionnaires (Etat et collectivités locales). L’autre moitié était mise de côté pour de futurs investissements (trésor de guerre de 67 millions). Première mesure de Casil après la vente : piocher 15 millions dans ce fonds de réserve pour les nouveaux actionnaires…
  • Le rachat de SFR par Altice : Alors que Montebourg s’y était opposé et avait même fait publier un décret soumettant à l’autorisation de Bercy tout rachat dans les télécoms, Macron a discrètement autorisé la transaction en faveur de la société de Patrick Drahi, le 28 octobre 2014. Ce dernier a pu coupler les titres de ses groupes de presse avec les offres d’abonnements internet, faisant tomber la TVA de 20 à 2,1% sur une grande partie de ses factures. Il gagne environ 350 millions d’euros par an avec cette combine. Certains auront sans doute remarqué que BFM TV ou L’Express, propriétés du même Drahi, ont poussé la candidature de Macron de toutes leurs forces. Surement le hasard.

[On notera au passage que Bernard Mourad, patron d’Altice Media Group, présent tout au long du processus de vente puis de fusion des titres, a démissionné pour rejoindre la campagne d’En Marche, pour éviter tout conflit d’intérêt. Manque de bol, son frère Jean-Jacques, lui, est tombé pour cette même raison. Il était en effet membre de la commission santé du mouvement de Macron et rémunéré dans le même temps par les laboratoires Servier…]

Macron a.k.a Frankenstein 2.0

Porté comme on n’avait jamais vu un candidat l’être, Emmanuel Macron a été totalement fabriqué médiatiquement, pour devenir progressivement le “seul vote utile contre le FN”. Tellement anti-système, que l’ancien Ministre de l’Economie a été cité dans 17 000 articles de presse depuis sa démission du gouvernement, plus de 100 fois à la Une des différents journaux hexagonaux en 2016.

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En Marche, auberge espagnole du 3e âge

Porté comme on l’a vu par le gotha du libéralisme économique, par le monde médiatique dans sa quasi-globalité, Emmanuel Macron est également le refuge pour tous les politiciens en fin de course, qui le rallient sans aucune vergogne en trahissant parfois l’engagement de toute une vie. Pour le renouvellement on repassera.

C’est ainsi que se retrouvent ensembles En Marche des profils aussi divers que François Bayrou, Corinne Lepage, Anne-Marie Idrac, Claude Bartolone, Jean-Pierre Chevènement, Daniel Cohn-Bendit, François de Rugy, Barbara Pompili, Patrick Braouezec, Thierry Braillard, Robert Hue, Bernard Kouchner, Manuel Valls, Gérard Collomb, Nicole Bricq, Bertrand Delanoë, Jean-Paul Huchon, Jean-Yves Le Drian, Malek Boutih, Renaud Dutreil, Dominique Perben, Alain Madelin, Philippe Douste-Blazy, Jean Tibéri, Jean-Jacques Aillagon, Pierre Bergé, Erik Orsenna, Laurence Haïm, Eric Halphen, Pierre Arditi, Jean-Pierre Mignard,  Catherine Laborde, Genviève de Fontenay, Françoise Hardy, Line Renaud, Yohan Cabaye, François Berléand, Renaud… et bien évidemment BHL, Minc, Attali, Cohen, Aghion et toute la clique libérale.

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Les affaires. Quelles affaires ?

Quand on voit l’empressement et la vigueur de la réaction de la justice concernant François Fillon, légitime, on se dit que tous les candidats devraient être logés à la même enseigne. Or, il semble que Macron passe entre les gouttes malgré plusieurs dossiers potentiellement sulfureux :

  • Bizarreries concernant son patrimoine : notamment la sous-évaluation d’une propriété de son épouse pour échapper à l’ISF et un patrimoine personnel estimé à 35 000 euros après avoir touché plus de 2 millions chez Rotschild.
  • En Marche déclare son siège au domicile particulier de Laurent Bigorgne, directeur du très libéral Institut Montaigne, dont le Président est Henri de Castries, ex-PDG d’AXA et proche de François Fillon. Le candidat LR est d’ailleurs accusé de conflit d’intérêts avec cette compagnie d’assurances. Quid de Macron ?macron montaigne
  • Les 120 000 euros de Bercy. Dans le livre Dans l’enfer de Bercy, l’on apprend que Macron a dépensé 80% de l’enveloppe totale des frais de représentation du Ministère à des fins personnelles.dans l'enfer de bercy.jpg

Aux urnes, Citoyens !

Bref, les choses sont extrêmement claires : Emmanuel Macron a été choisi par les pontes du système pour incarner une simili-rupture (une révolution, LOL) qui doit, à terme, permettre que rien ne change. Sur ce point, lire l’interview passionnante du politologue Jérôme Sainte-Marie pour LVSL. Cependant, à quelques jours désormais du 1er tour de la présidentielle, le phénomène semble se fissurer, même si les sondages (<3) lui donnent toujours la victoire. En témoigne cette émission ahurissante de vérité sur LCI, retirée du replay de la chaîne après une plainte d’En Marche et du FN, mais toujours disponible sur Youtube

Favori, vraiment ? Poussé vers l’Elysée par les mondes financiers, médiatiques et politiques, épargné par la justice, Macron semble avoir toutes les cartes en main pour gagner le 7 mai prochain. Pourtant, on voit que tout le château de cartes ne tient plus qu’à un fil. On peut également se demander comment vont agir les électeurs français face à ce candidat imposé, qui ressemble de plus en plus au Clinton français.

Il n’y a plus très longtemps à attendre avant le dénouement de cette saga ahurissante qu’aura été la Présidentielle 2017. Vivement la saison 2.

Crédits photos : ©Jeso Carneiro

Matthieu Le Crom

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Election présidentielle : Quel candidat pour les droits des femmes ?

Le premier tour des élections présidentielles arrivant à grand pas, un point sur les propositions des principaux candidats dans le domaine du droit des femmes s’impose. Alors qui propose quoi ?

Ceux qui régressent :

Marine Le Pen – Candidate FN

La citation qui fait mal : « Je n’ai jamais changé de discours sur la question du voile. J’ai dit et je redis que le voile n’a pas sa place dans la sphère publique en France. »

Depuis quelques mois, Marine Lepen ne cesse de prôner un intérêt particulier pour les droits des femmes. Prendrait-elle les féministes à ce point pour des idiotes ? Zoom sur les propositions et les petites manies du FN :

Le FN a pour habitude de ne pas prendre trop au sérieux les violences contre les femmes, ou l’égalité femmes-hommes de façon générale : vote contre les lois sur le harcèlement sexuel, contre la loi proposant des mesures assurant la bonne santé sexuelle des adolescents et adultes, vote contre la loi sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui, entre autre, incitait les pères à prendre des congés parentaux… Rappelons-nous ensuite du rejet du parti face au droit à l’avortement ; Marion Maréchal Le Pen qui souhaite couper les subventions des plannings familiaux, sa tante qui insiste sur un déremboursement des frais d’IVG, etc. Ainsi, les femmes ayant les moyens pourraient avorter mais les plus précaires seraient condamnées à subir une grossesse qu’elles ne souhaitent pas. La candidate et sa nièce parlent « d’avortement de confort » ; expression abjecte laissant entendre que les femmes seraient des irresponsables qui prennent l’avortement pour une simple contraception. Aymeric Chauperade, ayant quitté le FN depuis, est même allé jusqu’à parler de l’avortement comme d’une « arme de destruction massive contre la démographie européenne ».

Dernièrement, Marine Le Pen tentait de modérer ses propos sur le sujet, mais nous n’avons pas la mémoire courte. En 2015, le FN votait contre le projet de modernisation du système de santé, qui consistait à renforcer le droit à l’avortement et supprimer le délai de réflexion de sept jours précédant l’IVG.

Qu’en est-il du programme du FN pour 2017 ?
La « grande proposition » de ce programme concernant le sujet, est celle du salaire maternel. Il s’agirait là d’un revenu que l’on accorderait aux femmes qui restent au foyer pour s’occuper de leurs enfants. Ainsi, le message est clair : dans un pays qui connaît un fort taux de chômage, un retour des femmes dans leurs maisons libérerait de l’emploi. Après tout, leur place n’est-elle pas auprès de leurs enfants, à s’occuper des tâches ménagères et de la cuisine ?

Le programme du Front National s’oppose aussi fortement à la parité, considérée comme une forme de « discrimination inversée ». Le parti et sa candidate assènent régulièrement que la principale menace pour les droits des femmes est la présence de musulmans radicaux en France. Ainsi, on peut facilement deviner que derrière un soudain intérêt pour l’égalité femmes-hommes, en incohérence totale avec les propositions du programme et les habitudes du parti, se cache en réalité une volonté de réprimer le port du voile et, de manière plus générale – ce qui se rapporte à la religion musulmane.

Pour finir, remarquons que beaucoup de sujets ne sont ni abordés ni développés ; c’est le cas, pour ne citer qu’eux, du harcèlement sexuel, des violences conjugales, des possibilités d’hébergements pour les femmes qui en sont victimes, de l’éducation des enfants à l’égalité des genres… Mais qui cela étonne-t-il vraiment ?

François Fillon – candidat Les Républicains

La citation qui fait mal : « […] la France n’est pas un pays à prendre comme une femme ».

Les droits des femmes englobent bon nombre de sujets, mais l’un des premiers qui vient à l’esprit est le droit à disposer de son corps. Quand François Fillon s’exprime sur l’avortement, il est bien difficile d’en dégager une position claire et affirmée. D’abord, il avait dit être « choqué » du terme « droit fondamental » en parlant du droit à l’avortement, puis avait déclaré qu’il ne reviendrait pas dessus, en ajoutant cependant que sa foi et ses convictions personnelles le poussaient à désapprouver un tel droit. Il affirme ne pas vouloir remettre en question le droit avortement mais – à titre personnel – en condamne le recours. Une position ambiguë.
Comme si ça ne suffisait pas, Madeleine de Jessey, secrétaire nationale de LR, et membre de son équipe de campagne, exprime un soutien clair à la Marche Pour la Vie (manifestation qui porte mal son nom quand on connaît le nombre de décès qui suivent un avortement illégal)…

Tweet de François Fillon après les diverses agressions sexuelles de Cologne

Marine Le Pen n’est pas la seule a instrumentaliser les droits des femmes pour mieux attaquer les musulmans. En effet, l’été dernier, Fillon s’était placé en fervent défenseur des droits des femmes pour pouvoir prôner l’interdiction du burkini, vêtement qui a plus été aperçu dans les journaux que sur les plages.
Depuis quand la libération des femmes se fait elle par l’interdiction ? Que l’on puisse considérer que le voile est un outil d’asservissement des femmes est compréhensible – et que l’on lutte pour empêcher l’obligation de le porter dans les pays où elles n’ont pas leur mot à dire est juste – mais nous n’avons encore jamais vu François Fillon lutter contre le port de la minijupe, l’épilation, ou le maquillage, qui sont pourtant aussi des formes de contrôle du corps et d’asservissement des femmes.

Le programme de Fillon pour 2017 comporte la mention d’un « renforcement des dispositifs de signalement du harcèlement sexuel dans les entreprises », qui n’est cependant détaillé nulle part. Si le candidat de Les Républicains semble accorder un minimum d’importances aux violences contre les femmes, il reste difficile de croire en un homme qui promettait, lorsqu’il était encore premier ministre, plus de structures d’accueils pour les femmes victimes de violences… lesquelles n’ont jamais vu le jour.

Celui qui parle pour ne rien dire :

Emmanuel Macron – candidat En Marche

La citation qui fait mal : « Il y a dans cette société [en parlant des abattoirs Gad] une majorité de femmes. Il y en a qui sont, pour beaucoup, illettrées. »

Macron reste particulièrement énigmatique dans l’ensemble de son programme. Mais entre les fillonistes dégoûtés du Penelope-Gate, et les sympathisants de Valls – qui ne voteront pas Hamon – il est déjà bien placé dans la course. Alors pourquoi parler de programme quand on peut si bien profiter d’un concours de circonstances ?
Cela dit, depuis le début de sa campagne le candidat ne cesse de parler de féminisme, d’égalité, et surtout de parité : il énonce par exemple l’importance d’un gouvernement qui respecterait la parité et songe même à donner la place de Premier Ministre à une femme. Néanmoins, on remarquera que les femmes ne se bousculent pas autour de Macron… à part Brigitte Trogneux – son épouse – il n’est entouré presque uniquement que par des hommes. Tout cela ressemble surtout à un « coup de com’ ». Par ailleurs, l’idée de parité existe déjà depuis 1999. Macron voudrait-il donc qu’on l’applaudisse parce qu’il propose de respecter la loi ? Enfin, il ne présente aucune analyse des raisons pour lesquelles la parité puisse être difficile à respecter (éducation des enfants, difficulté pour les femmes d’accéder à des études ou métiers considérés comme techniques, mauvaise répartition des tâches ménagères au sein du couple – qui laisse plus de temps libres aux hommes qu’aux femmes…).

Le 8 mars dernier, à l’occasion de la Journée Internationale des Droits des Femmes, il a dit dans son discours : « je crois en l’altérité », cherchant ainsi à glorifier les femmes pour leurs différences, selon l’idée qui veut qu’hommes et femmes soient des êtres qui se complètent. Macron devait être trop occupé à crier au monde son amour pour le féminisme pour effectuer quelques recherches sur la question et s’apercevoir que la différenciation est le premier pas vers la discrimination (qui n’a jamais entendu que, les femmes et les hommes étant différents, il était normal qu’ils aient des droits différents ?). Alors, à son histoire d’altérité et de complétude, répondons lui que les femmes ne veulent compléter personne. Nous ne sommes pas là pour mettre en avant les hommes et rester dans l’ombre !
Gardons aussi en mémoire que la loi Macron, promulguée en août 2015, s’attaque – entre autre – au travail du dimanche, faisant ainsi des femmes (qui occupent majoritairement les emplois concernés) les premières victimes de sa politique. Ainsi, quand Macron nous parle de parité à tort et à travers et s’autoproclame féministe, on a le droit d’être un peu sceptique. 

Ceux qui veulent avancer :

Benoît Hamon – candidat PS

La citation qui fait du bien : « Si une femme décide de porter le voile librement, et bien au nom de la Loi 1905, elle est libre de le faire ».

Avant tout, notons que le bilan du PS en matière de droit des femmes est assez maigre.
Malgré quelques tentatives d’amélioration (les victimes de violences conjugales peuvent conserver le logement même s’il n’est pas à leur nom, l’allongement de l’ordonnance de protection…), le parti a plutôt laissé à l’abandon ce domaine. On peut légitimement se demander comment faire confiance à un homme politique qui porte l’étiquette d’un parti qui a montré peu d’intérêt pour les droits des femmes.

Cependant, Hamon réussi à se démarquer – aussi bien par son attitude que par son programme. On se retrouve enfin face à un candidat qui ne surfe pas sur le féminisme pour légitimer des idéologies anti-musulmanes. L’intérêt de Benoit Hamon pour les droits des femmes s’est noté, par exemple, lorsqu’il s’est prononcé en faveur de la libération de Jacqueline Sauvage.

Son programme, clair et cohérent, prend très au sérieux les violences contre les femmes. En effet, il suggère la création de 4 500 places d’hébergements spécialisés pour les victimes de violences, souhaite que les poursuites soient systématiques, les jugements plus rapides, et veut augmenter le délai de prescription du viol. Pour ce faire, il compte « doubler le budget du ministère des Droits des femmes », annonce-t-il sur Twitter.
Face aux difficultés d’accès à la contraception, Hamon veut multiplier les plannings familiaux sur l’ensemble du territoire. Ainsi, le programme semble vouloir répondre aux revendications féministes. En revanche, notons que Benoît Hamon, le 27 juin dernier, était absent lors du vote concernant l’amendement permettant de rendre inéligibles les députés accusés de violences contre les femmes. Il a expliqué cette absence en disant qu’il n’était pas au courant et en accusant les associations féministes de ne pas l’avoir prévenu… N’était-il pas censé se tenir au courant lui-même ?

Enfin, bien qu’il y’ait une volonté de redonner de l’importance aux questions qui concernent les femmes, certaines propositions économiques pourraient – même si ce n’est pas le but recherché – s’attaquer aux femmes. Loin du salaire maternel que propose le FN, le revenu universel pourrait tout de même précariser les femmes et les maintenir dans un rôle de mère au foyer.

Jean-Luc Mélenchon – candidat France Insoumise

La citation qui fait du bien : « il faut que chacun sache qu’il y’a des héros – ça on connaît – mais aussi des héroïnes, auxquelles on peut s’identifier. Vous les garçons, vous pouvez tous vous identifier mais mettez vous dans la tête d’une fille. Elle s’identifie à qui ? Blanche-neige ? »

Les positions de Jean-luc Mélenchon sur le féminisme ne manquent pas de précision ! Lors de son dernier meeting à Rennes, le candidat de la France Insoumise parlait de la représentation des femmes dans la littérature et du manque de personnages féminins. En tant que député européen, il a voté pour un grand nombre de propositions visant à réduire les inégalités entre hommes et femmes (dont, entre autre, le plan d’action sur l’émancipation des jeunes filles par l’éducation dans l’Union Européenne, la résolution sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes)… Son engagement féministe ne date visiblement pas d’hier, mais qu’en dit le programme de la France Insoumise ?

Avant toute chose, Mélenchon insiste sur la nécessité, face aux régulières remises en question du droit à l’avortement, de l’inscrire dans la Constitution. En réalité, c’est même un peu plus que ça. Il s’agit de constitutionnaliser le droit de disposer de son corps, ainsi que sa non-marchandisation. De cette façon, il réaffirme en plus l’interdiction de la GPA. Aussi, en réponse aux problèmes d’inégalités salariales, il propose d’augmenter les sanctions pour les entreprises qui n’appliquent pas l’égalité salariale. Mais Mélenchon ne s’arrête pas là. Il aborde aussi des thèmes nouveaux – en tout cas, en comparaison avec les autres programmes – comme sa volonté de diffuser de manière égale à la télévision les sports féminins et masculins, ou de réaffirmer les droits des femmes qui accouchent sous X à garder le secret de leur identité (ce qui est fréquemment remis en question). Enfin, le candidat souligne l’importance d’un changement d’état civil libre et gratuit. En effet, ce droit est revendiqué principalement par les femmes transgenres, trop souvent oubliées dans les luttes féministes.

Cependant on peut lui reprocher certains propos, comme lorsqu’il affirmait à la télévision qu’il savait lire dans les cerveaux des hommes alors que ceux des femmes sont inaccessibles. Cette idée perpétue l’éternel cliché de la femme qui ne sait pas ce qu’elle veut, qui a une attitude en incohérence avec ses propos. Un cliché très dangereux puisqu’il laisse entendre que les femmes ont besoin que d’autres prennent les décisions pour elles, ou que leur comportement déclenche des choses qu’elles ne veulent pas.

Il est indéniable que Mélenchon cherche à réserver une place importante aux droits des femmes, et son programme novateur le démontre.

Seuls deux candidats parmi les cinq principaux ont tenté d’accorder de la valeur au féminisme. Si le programme de Hamon et de Mélenchon semblent présenter de grandes similitudes dans ce domaine précis, on peut noter que celui de La France Insoumise ne se contente pas de mesures immédiates mais s’intéresse également à la façon dont les mentalités pourraient évoluer – notamment d’un point de vue social et culturel.

Crédits photo :

François Fillon: alnas.fr

Tribune : Emmanuel Macron et l’histoire de (la start-up) France – Par Philippe Légé

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Philippe Légé est enseignant-chercheur en économie à l’université de Picardie Jules Verne. Dans cette tribune, il traite du rapport d’Emmanuel Macron au pouvoir. Aspirer à combler le vide laissé par la mort du Roi est une erreur, il faut au contraire poursuivre l’effort de “déroyalisation” entamé à la Révolution Française.

En bus ou en marche, le Président Macron conduirait le pays au désespoir. Son programme économique consiste à prolonger la politique menée avec une grande constance depuis trois décennies alors même que celle-ci n’a « abouti qu’au recul continuel de la production industrielle et à la hausse du chômage »1. Le candidat est un parfait technocrate complètement coupé de la vie des Français : Sciences Po, l’ENA, l’Inspection des finances puis la commission Attali et la banque Rothschild. Emmanuel Macron explique que « la vie d’un entrepreneur est plus dure que celle d’un salarié » et qu’il connaît la survie car il avait seulement 1 000 euros par mois lorsqu’il était étudiant. Une somme pourtant très supérieure aux bourses étudiantes (qui s’échelonnent entre 100 et 555 euros mensuels).

Emmanuel Macron n’est pas seulement atteint du syndrome Marie-Antoinette, il a aussi une conception très particulière de la politique française et de l’histoire : « La démocratie comporte toujours une forme d’incomplétude car elle ne se suffit pas à elle-même […] Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n’est plus là ! » déclarait Emmanuel Macron en juillet 2015. Contrairement à ce que certains commentaires hâtifs ont pu donner à penser, le ministre de l’Economie, agent du pouvoir d’un gouvernement de la Ve République n’exprimait pas ici la nostalgie de l’Ancien Régime. Emmanuel Macron n’est pas royaliste mais il estime que l’on a « essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l’espace. […] ce qu’on attend du président de la République, c’est qu’il occupe cette fonction ».

Ce propos soulève deux questions. La première est de nature historique. Le peuple de 1793 a-t-il « voulu la mort » du roi ? Notons seulement qu’en répondant par la négative, Emmanuel Macron semble remettre en cause la légitimité de la première expérience de suffrage universel (masculin) de l’histoire de France. La Convention élue en septembre 1792 décida de la mort du roi puis fonda la 1ere République. Or, comme l’explique Jean Jaurès dans son Histoire socialiste de la France contemporaine, « il était impossible de séparer le jugement de Louis XVI du jugement d’ensemble porté sur l’état politique et social de la France. C’eût été démembrer la souveraineté et la diviser mortellement contre elle-même que de détacher, du pouvoir politique total qu’exerçait la Convention, le jugement du roi où la vie politique totale de la nation était enveloppée »2.

La deuxième question concerne la période actuelle : si « ce qu’on attend du président de la République » c’est qu’il occupe la fonction laissée vide par la mort du roi, qui est ce « on » ? Qui attend ainsi le Sauveur suprême ? Le peuple tel que le fantasme Emmanuel Macron. Le style télé-évangéliste du candidat n’a donc rien d’anecdotique. « La forme, c’est le fond qui remonte à la surface » disait Victor Hugo. Une sociologue notait récemment que Macron « parle d’un monde où tout le monde gagne et où personne ne perd. S’il capte la lumière, c’est pour cette raison. Ce faisant, son message galvanise par ses intonations émotionnelles et son projet est suffisamment embrumé pour que beaucoup de monde s’y projette. […] Des Lumières faisons table rase, place à l’enchantement. Est-ce si grave ? »3. Oui : si la bulle ne s’est pas dégonflée, c’est que la candidature Macron n’est pas réductible à l’indéniable soutien médiatique dont elle a bénéficié. Autrement dit, Emmanuel Macron n’a pas entièrement tort et s’appuie sur deux tendances réellement à l’œuvre dans la société française. Premièrement, les dégâts provoqués par les politiques néolibérales ont paradoxalement contribué à populariser le mythe de l’autonomie économique individuelle sur lequel prospère une économie de prédation dont Uber est l’archétype4. Dès lors, comme l’écrivait récemment Frédéric Lordon, la « vacuité souriante » d’Emmanuel Macron demeure « la surface idéale de projection pour tous les fantasmes de ses suiveurs, start-upers en attente d’un manager pour la start-up France, avant de devenir à leur tour les Mark Zuckerberg de demain »5. Deuxièmement, il est vrai que durant des décennies, les institutions de la Ve République ont favorisé la passivité de l’électorat en développant la personnalisation de la politique. Les deux tendances se renforcent l’une l’autre : l’hétérogénéité croissante du salariat et le recul des solidarités sociales sont propices à la dépolitisation. Mais l’élection d’un candidat aspirant à reprendre « la figure du roi » en s’appuyant sur ce phénomène serait dramatique. Ce qu’il nous faut, au contraire, c’est un prolongement de la « déroyalisation du peuple » décrite par Gracchus Baboeuf à la fin du 18e siècle :

« Nous fîmes jouer aux républicains un rôle plus digne d’eux, nous les rendîmes à leur primitive dignité, nous déroyalisâmes aussi le peuple ; nous le désabusâmes de la fausse opinion par laquelle les scélérats l’avait induit à croire que le triste état où ils l’avaient réduit, était le résultat du système républicain ; nous parvînmes à démontrer au peuple qu’au contraire c’était le résultat des atroces réminiscences du royalisme, et du dépérissement de l’édifice de la république, qui s’il pouvait être achevé, procurerait le maximum du bonheur »6.

Il est grand temps de mettre à bas la monarchie présidentielle et de construire une république sociale et écologique !

Philippe Légé

2 Jean Jaurès, Histoire socialiste de la France contemporaine, tome IV, ed. Jules Rouff, p. 857.

4 Les Economistes Atterrés, Changer d’Avenir, Les Liens qui Libèrent, 2017.

6 Philippe Buonarroti, Conspiration pour l’égalité dite de Babeuf: suivie du procès auquel elle donna lieu, et des pièces justificatives, vol. 2, 1828, p. 259.

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Emmanuel Macron, anatomie d’une stratégie politique

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Les Français sont loin d’adhérer majoritairement au néolibéralisme, dont Emmanuel Macron est l’un des principaux fers de lance dans cette campagne. Pourtant, force est de constater la dynamique qui entoure le leader d’En Marche, désormais l’un des – sinon le – favoris de l’élection présidentielle. Comment expliquer son succès ? Retour sur une stratégie politique qui a jusqu’ici porté ses fruits malgré ses nombreuses failles, ainsi que sur les enjeux d’une candidature qui pourrait, en cas de victoire, accélérer la recomposition du paysage politique français. 

C’est en utilisant efficacement ses réseaux, forgés au cours d’une décennie parmi les cénacles d’experts soucieux de « réformer », de « moderniser » le socialisme français – les Gracques, le cercle des économistes de la Rotonde – qu’Emmanuel Macron a construit son ascension politique. Le 6 avril 2016, en lançant son propre mouvement, En Marche, il réalise le pari de s’affranchir des contradictions historiques d’un Parti socialiste tiraillé entre son attachement à l’Etat-Providence et l’acceptation croissante en son sein de la mondialisation néolibérale. En ce sens, la candidature d’Emmanuel Macron peut être interprétée comme la proposition d’un social-libéralisme émancipé, dont la matrice philosophique transparaît à la lecture de son programme et a fortiori de ses discours : le primat de la responsabilité individuelle et de l’égalité des chances sur la solidarité collective et l’égalité des conditions, la « mobilité » plutôt que les « statuts », l’attachement à l’Union européenne, la réduction des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires, ainsi qu’une redéfinition du droit du travail au profit d’une plus grande flexibilité.

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Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie ©Pablo Tupin-Noriega

En juin 2016, une enquête dirigée par Luc Rouban pour le CEVIPOF constatait pourtant la faiblesse de l’électorat potentiel du social-libéralisme en France, cantonné à 6% du corps électoral et réduit à une fraction des catégories sociales supérieures. C’est sans doute ce qui explique les ambiguïtés et les volte-faces récurrentes d’Emmanuel Macron au cours de la campagne : le candidat d’En Marche tâtonne pour « fabriquer » un électorat composite, bien au-delà de ce socle extrêmement limité. Néanmoins, force est de constater que la dynamique autour de sa candidature semble se confirmer. Comment l’expliquer ? En grande partie grâce à une stratégie discursive adaptée au « sens commun » de l’époque, à même d’imprimer le rythme de l’agenda politique et de susciter de nouvelles logiques d’identification.

Progrès, renouveau, efficacité : une rhétorique habile mais fragile 

Le succès de la démarche d’Emmanuel Macron tient sans doute à sa capacité de sortir par le discours des cadres traditionnels qui régissent la vie politique française,  auxquels bon nombre de citoyens ne s’identifient plus. Si l’ancien ministre de l’Economie peut se targuer d’avoir impulsé un mouvement « ni à droite, ni à gauche », c’est précisément parce que le  clivage gauche/droite a considérablement perdu de son sens aux yeux d’une majorité de Français.

Ces catégories qui structurent la vie politique depuis la Révolution française sont davantage des coordonnées permettant de se repérer dans la complexité du paysage politique à un moment donné, plutôt que des identités figées. Il est des périodes où la puissance structurante de cet axe vacille, et ces séquences sont propices à la formulation de nouvelles logiques d’identification politique. C’est le cas aujourd’hui : l’alignement de François Hollande sur des positions nettement libérales – dont Emmanuel Macron est d’ailleurs l’un des principaux artisans – a débouché sur la relative indifférenciation des politiques macroéconomiques menées par la gauche socialiste et la droite républicaine. Les Français ne s’y retrouvent plus.

Dans cette situation brouillée, Emmanuel Macron sort du lot en proposant de « dépasser » ce clivage, tout en traçant une nouvelle ligne de démarcation au sein du paysage politique français : la frontière oppose désormais le « rassemblement des progressistes », qu’il prétend incarner, aux conservateurs de tous bords. La construction de ce nouvel antagonisme est habile dans le sens où il permet de renvoyer dos à dos une droite républicaine rétive au changement et une gauche présentée comme arc-boutée sur un système social obsolète.

En réinvestissant le terme de « progressisme », ce « signifiant flottant » pour reprendre la terminologie d’Ernesto Laclau, Emmanuel Macron peut développer un récit politique mobilisateur : gauche et droite ont plongé la France dans l’immobilisme. Les Républicains et le Parti socialiste sont conjointement responsables des blocages et des rigidités qui « étouffent » la société française, qui ne demande qu’à être « libérée ». Le « progrès » ne consiste donc pas à conquérir de nouveaux droits sociaux pour les travailleurs, contrairement au sens traditionnellement assigné au terme par les gauches, mais réside dans la capacité à lever les entraves qui empêchent le pays d’avancer, afin de « bâtir une France nouvelle » et de lui « redonner son esprit de conquête ».  A travers son « contrat avec la nation », l’ancien ministre de l’Economie prétend recréer une communauté de destin animée par un même désir de changement, de « mobilité » – un terme récurrent dans ses propos. C’est la #RévolutionEnMarche.

Emmanuel Macron cherche également à capter la demande profonde de renouvellement de la classe politique exprimée par les citoyens. La « modernité », elle aussi omniprésente dans le discours du candidat d’En Marche, doit ainsi associer l’innovation et la libération des carcans en matière économique à un renouveau démocratique en matière politique. Cela se traduit dans sa rhétorique par un rejet du fonctionnement des partis traditionnels enfermés dans des combines bureaucratiques mortifères. Son discours est ici largement renforcé par le désastre des primaires organisées par les deux grands partis : elles ont non seulement révélé l’étendue des contradictions idéologiques qui traversent LR et le PS, mais aussi accentué la défiance des citoyens à l’égard des appareils verrouillés, en proie à des tractations permanentes.

 Afin de désamorcer les critiques concernant son parcours au sein des hautes sphères, Emmanuel Macron s’attache à mettre en valeur la diversité de ses expériences professionnelles par opposition aux autres candidats qui ont « fait carrière » en politique. C’est là une autre caractéristique de sa stratégie discursive : capitaliser sur le rejet des élus, très prégnant parmi la société française, à travers une rhétorique qui frôle parfois l’antiparlementarisme. Le candidat d’En Marche s’oppose à l’élite politique carriériste et immobiliste, souhaite contourner les structures sclérosées pour promouvoir à la tête de l’Etat des hommes et des femmes d’action et d’expérience : « l’alternance entre l’impuissance et l’efficacité, entre le monde d’hier et le siècle nouveau ».

 C’est ce qu’Emmanuel Macron entend par « retour de la société civile à la politique ». La « société civile », un concept suffisamment flou pour évoquer le renouveau sans avoir à fournir d’explications plus détaillées : on peine à discerner si les candidats présentés aux élections législatives par En Marche seront des citoyens sans expérience politique préalable, des militants associatifs, ou des lobbyistes chevronnés…  C’est probablement tout l’intérêt stratégique de cette catégorie par nature ambiguë.

Bien aidé par une couverture médiatique incommensurable, l’actuel favori des sondages a par ailleurs consolidé au fil du temps sa stature de présidentiable. A Bercy, notamment, où il a consciencieusement cherché à endosser le costume d’un ministre iconoclaste, hors du sérail, tranchant par ses déclarations transgressives à l’égard de son propre gouvernement (sur les 35 heures, la déchéance de nationalité, etc.). C’est ce numéro d’équilibriste, entre participation active à la politique économique du quinquennat et effort de distanciation à l’égard du paquebot socialiste accidenté, qui a étonnamment permis au candidat d’En Marche de faire de son passage au Ministère de l’Economie un tremplin pour son ascension politique… sans pour autant se voir accoler l’étiquette « hollandaise ». A cet égard, il est logique de voir aujourd’hui Les Républicains multiplier sur les réseaux sociaux les campagnes destinées à rappeler le rôle fondamental d’Emmanuel Macron dans la politique menée ces cinq dernières années. Et d’entendre François Fillon le rebaptiser « Emmanuel Hollande ».

Si cette stratégie discursive semble avoir été payante jusqu’à aujourd’hui, elle n’en demeure pas moins fragile. Les ralliements successifs de cadres socialistes, dont plusieurs poids lourds du quinquennat comme Jean-Yves Le Drian et Manuel Valls, pourraient affaiblir la portée de son discours orienté contre la classe politique traditionnelle. Le rafraîchissement de la vie politique qu’En Marche exhibe en marque de fabrique ne tient en réalité qu’à la figure d’Emmanuel Macron et à l’image qu’il s’est façonnée. Quiconque s’intéresse de plus près aux réseaux qui structurent sa campagne s’apercevra rapidement de l’omniprésence de nombreux dinosaures de la politique française. Le renouveau n’est pour le moment qu’une façade masquant ce qui s’apparente avant tout à une opération de recyclage.

Par ailleurs, ses déclarations fluctuantes sur certains sujets (la légalisation du cannabis, la colonisation, le mariage homosexuel, etc.) et ses ambiguïtés persistantes sur d’autres, nuisent à la crédibilité d’un discours axé sur la confiance et la compétence. De même que sa récente sortie hasardeuse sur l’ “île” de Guyane. Si sa démarche tente de donner corps à un nouveau sujet collectif autour du clivage progressistes/conservateurs, elle est contrebalancée par ses tâtonnements récurrents qui peuvent donner la sensation d’un pur et simple bricolage électoraliste.  Au risque de paraître flou et inconsistant, comme lors du premier débat qui a opposé les cinq principaux candidats, au cours duquel il n’est absolument pas parvenu à se démarquer. Difficile de déterminer dans quelle mesure ces incohérences manifestes freineront sa dynamique, tant la campagne est incertaine. Son arsenal communicationnel risque quoiqu’il en soit de révéler un peu plus son articificialité au fil des semaines.

Emmanuel Macron et le populisme

Le 19 mars dernier, l’ancien ministre de l’Economie déclarait au JDD : « Appelez-moi populiste si vous voulez. Mais ne m’appelez pas démagogue, car je ne flatte pas le peuple ». Le concept de « populisme », trop souvent vidé de son contenu analytique et désormais transformé en catégorie-repoussoir du débat politique, est régulièrement appliqué à Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron. Pour le candidat d’En Marche, la question est loin d’être évidente.

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Le professeur argentin Ernesto Laclau (1935-2014), l’un des principaux théoriciens du populisme

Le néolibéralisme, qui constitue la clé de voûte du projet d’Emmanuel Macron, se caractérise habituellement par la recherche du dépassement des « vieux » clivages au profit d’un traitement technique, supposément « désidéologisé », des grandes questions économiques et sociales. Le candidat d’En Marche n’échappe pas à la règle, lorsqu’il relativise la pertinence de l’affrontement gauche/droite et privilégie le registre de l’expertise et de la compétence. A cet égard, il semble excessif de voir dans le macronisme le « stade suprême du populisme », comme le suggère Guillaume Bigot dans un article du Figaro. Le populisme est en effet une méthode de construction des identités politiques qui repose sur la réintroduction du conflit, par la « dichotomisation de l’espace social en deux camps antagonistes », selon Ernesto Laclau, l’un de ses principaux théoriciens. Là où le populisme cherche à réinjecter du politique, envisagé comme conflictuel par nature, l’ « esprit » du néolibéralisme tend à l’inverse à dépolitiser.

Néanmoins, la stratégie discursive d’Emmanuel Macron que nous nous sommes attachés à présenter – nouvelle dichotomie de l’espace politique entre progressistes et conservateurs, rhétorique anti-élites et positionnement en dehors des cadres institutionnels, valorisation du renouveau – relève effectivement en partie de la construction populiste. Là où la droite républicaine présente l’austérité et les réformes structurelles comme un horizon indépassable, sur un registre fataliste en résonance avec le fameux « There is no alternative » de Margaret Thatcher, Emmanuel Macron tente de susciter un élan positif d’adhésion collective à son projet.

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Emmanuel Macron et Manuel Valls ©Alain Jocard

Les analyses gramsciennes, développées notamment par le politiste Gaël Brustier, ou par Antoine Cargoët dans LVSL, prennent ici tout leur sens. Dans le sillage du penseur italien Antonio Gramsci, on peut considérer qu’un acteur politique détient l’hégémonie lorsqu’il réussit à donner une portée universelle à son projet, en installant la conviction que les intérêts qu’il défend sont ceux de l’ensemble de la communauté politique. Or, le néolibéralisme, en panne de récit de légitimation et incapable d’intégrer les secteurs subalternes, souffre aujourd’hui d’une profonde crise organique : son hégémonie est menacée de toute part. L’émergence du « phénomène » Macron peut dès lors être perçue comme une tentative de reprise en main des élites, à travers la formulation d’un « nouveau récit d’adhésion au libéralisme », d’après les termes de Gaël Brustier : désencombré du conservatisme des droites et des complexes des socialistes, débarrassé des appareils partisans disqualifiés, incarné par un nouveau visage plus dynamique et plus moderne, le néolibéralisme « en marche » est susceptible d’obtenir une plus large adhésion. C’est la « révolution passive ».

Emmanuel Macron reprend donc à son compte certaines caractéristiques clés d’une stratégie populiste, saisissant la nécessité d’adapter son discours à l’état de délabrement du champ politique français, et rapprochant le libéralisme du sens commun par son association au progressisme et au renouvellement démocratique. Seulement, le « populisme » du leader d’En Marche entre en tension avec l’essence d’un projet qui réaffirme clairement le primat des décisions techniques sur la souveraineté populaire.

Les enjeux d’une recomposition à l’extrême- centre 

Malgré les innovations discursives présentées dans cet article, la rhétorique d’Emmanuel Macron emprunte également plusieurs éléments « classiques » du centrisme politique : il y a du bon à gauche, il y a du bon à droite, pourquoi donc ne pas associer un peu des deux ? Le 28 mars, lors d’une conférence de presse, le candidat d’En Marche affirmait : « Moi-même quand j’étais ministre, combien de fois ai-je entendu : ce que vous faites, ce que vous dites est formidable, mais je ne peux pas le dire publiquement, vous n’avez pas de chance, vous êtes de l’autre côté de la barrière ».

Emmanuel Macron souhaite s’ériger en pôle de recomposition entre les « socialistes libéraux » et la droite libérale, faisant sauter les digues partisanes artificielles qui les séparent. Qu’on en juge par cette déclaration du candidat, le 24 février, sur l’antenne de BFMTV : « le pays est divisé, bousculé, il doute de lui-même. Il est dans une crise sans précédent, le Front national est aux portes du pouvoir.  Il faut construire une forme de coalition ». C’est là l’ironie du « macronisme » : s’il puise sa force dans le rejet manifesté par les Français à l’égard du Parti socialiste et des Républicains, il propose en réalité une synthèse entre les deux, autour d’un « extrême-centre » d’obédience libérale.

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Albert Rivera, leader du parti centriste espagnol Ciudadanos © Contando Estrelas

En Marche serait-il sur le point de réussir ce que Ciudadanos (« Citoyens ») a échoué à réaliser en Espagne ? De l’autre côté des Pyrénées, le parti d’Albert Rivera, forgé sur une ligne et une stratégie politique à bien des égards similaires à celles d’Emmanuel Macron, n’a pas obtenu des résultats suffisants pour diriger la recomposition du système politique espagnol : la formation de centre-droit est désormais dans une situation inconfortable et hautement contradictoire, s’alignant tantôt sur les conservateurs, tantôt sur les socialistes, en fonction des contextes et, pourrait-on dire, du sens du vent. Emmanuel Macron, s’il venait à remporter l’élection présidentielle, pourrait à l’inverse parvenir à occuper la centralité de l’échiquier politique, en contraignant l’ensemble des acteurs à se positionner par rapport à lui.

En témoigne d’ores et déjà la provenance diverse des ralliements à sa candidature : vallsistes, centristes du MoDem et sénateurs de l’UDI, juppéistes… Des ralliements qui devraient se poursuivre s’il accédait au second tour.  Si sa victoire laisse toujours pour le moment planer la possibilité d’une crise institutionnelle, le Parti socialiste semble anticiper le succès de l’ancien ministre de Manuel Valls. Didier Guillaume, président du groupe PS au Sénat, déclarait très récemment que les socialistes avaient « vocation à gouverner dans une majorité avec Macron s’il est élu ». Quelle forme prendra précisément cette majorité composite ? C’est la grande question qui se posera au lendemain du 7 mai en cas de victoire du candidat d’En Marche.

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Emmanuel Macron contre Marine le Pen : mondialistes contre patriotes? ©Gymnasium Melle ©Copyleft

Dans son ouvrage sur l’histoire des droites en France, Gilles Richard affirme que « le clivage gauche(s)-droite(s), structurant l’histoire de la République depuis ses débuts, a aujourd’hui cessé d’organiser la vie politique française ». Pour l’historien, le surgissement de la question nationale – à propos de laquelle les gauches peinent à se positionner – dessine aujourd’hui une nouvelle ligne de fracture entre néolibéraux et nationalistes. Les projets respectifs d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen n’en seraient-ils pas l’expression la plus criante ? D’un côté, la cohérence d’un néolibéralisme économique couplé à un libéralisme socio-culturel ; de l’autre, une proposition nationaliste structurée autour de la défense de la souveraineté nationale et d’une identité française essentialisée.

Si Emmanuel Macron est l’antithèse idéologique du Front national, il en est aussi l’adversaire idéal : un ex-banquier d’affaires incarnant à merveille le mondialisme sous tous ses aspects et matérialisant parfaitement ce que Marine Le Pen a popularisé comme l’« UMPS ». Dès lors, lorsqu’Emmanuel Macron lèvera clairement le voile sur son projet, qui s’inscrit en réalité dans la continuité des politiques économiques et sociales menées ces dernières décennies, le Front national risque d’en sortir renforcé : il pourra développer son discours critique sur un terrain plus favorable encore qu’aujourd’hui. Cette clarification interviendra-t-elle avant ou après l’élection présidentielle ? Quoi qu’il en soit, l’histoire de ces dix dernières années démontre qu’on ne peut prétendre combattre Marine Le Pen en chantant les louanges de la mondialisation néolibérale.

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Emmanuel Macron veut achever l’école de la République

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Décembre 2015 ©Jeremy Barande

Depuis deux semaines, on en sait un peu plus sur le programme d’Emmanuel Macron, notamment en matière d’éducation. Si, comme pour le reste de son programme, les idées viennent de partout, et surtout de nulle part, elles peuvent toutes être placées sous le même signe : un libéralisme destructeur qui viendrait achever l’œuvre de démantèlement de l’Ecole de la République entamé par les gouvernements précédents.

 

Recruter des enseignants tout en supprimant des postes : vers des conditions de travail dégradées

 

Les soutiens du gouvernement actuel, à l’heure du bilan, se plaisent à mettre en avant la création de 60 000 postes au sein de l’Education nationale. Si le chiffre est exact, ces créations de postes se sont révélées nettement insuffisantes, dans la mesure où elles ont à peine permis de limiter les dégâts causés par les suppressions de postes massives effectuées sous Sarkozy. Ces mesures au rabais sont pourtant encore trop ambitieuses pour Macron qui, en homme politique responsable, pense que la France saura se satisfaire de 4 à 5000 nouveaux postes d’enseignants.

Si cette mesure apparaît peu audacieuse et bien en deçà des embauches nécessaires à la revitalisation de l’Education nationale, il faut aussi souligner que les autres propositions de Macron l’annulent. En effet, il prévoit de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires : le ministère de l’Education Nationale étant celui qui en emploie le plus, on peut prévoir qu’il y aura des suppressions de postes, notamment au sein du personnel administratif des établissements scolaires. Dès lors, les quelques créations de postes promises se retrouveront annulées par le fait que de nouvelles charges administratives vont devoir être accomplies par les enseignants, au détriment de leur travail devant les élèves. Il s’agit donc, pour Emmanuel Macron, de créer des postes d’enseignants au rabais, qui partageront leur temps de travail entre l’enseignement et des tâches de secrétariat qu’ils seront obligés d’accomplir faute de personnel disponible pour le faire à leur place.

Mais les conditions de travail des enseignants ne semblent de toute façon pas être l’une des priorités d’Emmanuel Macron. En effet, la seule proposition faite concernant la rémunération de ceux-ci est de tripler la prime que les enseignants touchent lorsqu’ils exercent dans un établissement classé en zone prioritaire : cette prime serait alors de 1000 à 3000€ annuels. Or, cette mesure pose deux problèmes. D’une part, ces primes ne rentrent pas en compte de le calcul de la retraite des enseignants. D’autre part, cela permet à Macron de ne pas parler du cœur du problème, à savoir la revalorisation des salaires de tous les enseignants qui sont nettement inférieurs à ceux de leurs collègues européens.

A rebours de ces propositions inefficaces, il faut donc poser réellement la question des salaires et mener une politique de recrutement ambitieuse afin de redonner à l’Ecole les moyens d’accomplir ses missions.

Le règne de l’utilitarisme

Mais Emmanuel Macron ne se contente pas d’avancer des propositions sur des questions aussi techniques que la rémunération des enseignants. Il prétend aussi développer une vision de long terme de ce que doit être l’Ecole, des évolutions qu’elle doit subir, notamment à propos de ce que l’on y enseigne. Comme pour le reste de son programme, les contradictions sont légion.

L’une de ses propositions phares est de rétablir un véritable enseignement des lettres classiques (latin et grec ancien). Il faut rappeler que cet enseignement essentiel qui, dans de nombreux établissements, a pu jouer un rôle éminemment émancipateur pour certains élèves, a été vidé de sa substance par Najat Vallaud-Belkacem. Elle y a substitué un enseignement de « Langues et Cultures de l’Antiquité » où l’on apprend ni les langues, ni les cultures de l’Antiquité. Si la proposition de Macron peut être accueillie favorablement de prime abord, rappelons qu’elle est en opposition totale avec le reste de son projet éducatif qui se caractérise par un utilitarisme débridé. En effet, comment trouver de nouveaux enseignants de lettres classiques quand cette filière d’étude est constamment dévalorisée ? Macron prône une autonomie accrue des universités or, c’est précisément cette autonomie qui amène progressivement à la destruction des filières jugées non-rentables, notamment en lettres et en sciences humaines. Les résultats sont déjà là : l’an dernier, moins de la moitié des postes d’enseignants de lettres classiques ouverts ont trouvé preneurs. La filière est en crise : Macron compte bien l’achever. Après tout, quelle importance à ses yeux ? Lui qui déclarait récemment qu’il n’y a pas de culture française doit avoir bien peu de considération pour la culture gréco-romaine.

Sa vision utilitariste de l’éducation se retrouve également dans son projet de réforme du baccalauréat, qu’il propose de « simplifier » comme on simplifie le code du travail, en le réduisant à quatre épreuves. Là encore, Macron part d’un constat que l’on peut partager : des options fantaisistes, notamment en matière sportive, se sont multipliées et ne présentent pas d’intérêt pédagogique particulier. Mais réduire le baccalauréat à quatre épreuves, c’est affirmer que seuls certains savoirs sont réellement nécessaires à la formation de futurs citoyens, au détriment notamment de la culture artistique et littéraire. Peut-être est-ce, ici encore, lié au fait que la culture française n’existerait pas…

Emmanuel Macron dans l’émission “Au tableau”. Capture d’écran

Expulser la République des écoles pour y faire entrer le marché

 

Le point le plus dangereux du projet éducatif de Macron est qu’il entend s’attaquer à la dimension républicaine de l’Ecole française, notamment en matière de recrutement des enseignants. Actuellement, ces derniers sont recrutés via des concours nationaux : après leur admission, les nouveaux enseignants peuvent être affectés dans tous les établissements du pays. C’est le principe même de l’Ecole républicaine : les enseignants sont tous recrutés de la même manière et ont vocation à exercer sur l’intégralité du territoire, là où l’on a besoin d’eux.

A rebours de cette logique, Macron entend libéraliser le recrutement des enseignants en s’en remettant aux chefs d’établissement, qui pourront choisir ceux qui deviendront, à terme, leurs employés. Or cette démarche est profondément injuste dans la mesure où elle va accentuer les inégalités en matière d’accès à l’éducation. Si les enseignants peuvent postuler où ils le souhaitent, les meilleurs d’entre eux n’auront aucun mal à être embauchés dans des établissements situés dans des quartiers favorisés. A l’inverse, les chefs d’établissements moins attractifs devront composer avec des enseignants parfois moins bons, là où les élèves ont au contraire besoin des professeurs les plus qualifiés.

Au-delà de ces conséquences très concrètes, c’est un vrai changement de paradigme : l’Etat se désengage du secteur éducatif et laisse les chefs d’établissement agir en gestionnaires et, in fine, en patrons, ce qu’ils n’ont pas vocation à être. A fortiori dans un contexte où des initiatives telles que Teach for France, une entreprise qui envoie des diplômés de grandes écoles non formés aux métiers de l’enseignement dans des établissements dits « difficiles, se développe et serait certainement soutenue par un Macron président.

Finalement, le programme d’Emmanuel Macron en terme d’éducation est assez emblématique de son projet global : se nourrissant du vide politique et intellectuel creusé par le désastreux quinquennat de François Hollande, il propose tout et son contraire afin de ratisser large. Mais à force de vouloir plaire à tout le monde, on finit par être peu crédible, incohérent, et dangereux.

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